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29/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16996

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2004, 16996


Tribunal administratif N° 16996 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Bissen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16996 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2003 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, chauffeur d’autobus, demeurant à L-…, tendan

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Tribunal administratif N° 16996 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Bissen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16996 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2003 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, chauffeur d’autobus, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision implicite de refus du bourgmestre de la commune de Bissen, se dégageant du silence observé par lui pendant plus de trois mois suite au dépôt de sa demande en obtention d’un permis de bâtir du 27 mars 2003, concernant la transformation d’une grange attenante à sa maison d’habitation sise à … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 9 octobre 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale de Bissen ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 9 janvier 2004 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Bissen ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2004 par Maître Alain BINGEN au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Alain BINGEN et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives.

En date du 29 janvier 1993, le bourgmestre de la commune de Bissen, ci-après dénommé le « bourgmestre », octroya à Monsieur … une autorisation de transformer sa maison sise à ….

Suivant demande du 20 mai 2001, Monsieur … sollicita l’autorisation pour la transformation d’une grange attenante à ladite maison.

Par courrier du 4 juin 2002, le bourgmestre répondit ce qui suit :

« Monsieur, J’ai bien reçu votre demande du 20 mai 2001 par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour la transformation d’une grange au n° ….

Je vous prie de bien vouloir prendre note de l’avis de notre commission communale sur les bâtisses du 23 juillet 2001 dont on vous a fait part durant divers entretiens dans nos bureaux particulièrement en ce qui concerne l’accord avec le voisin du terrain limitrophe.

Le demandeur doit joindre :

- l’autorisation écrite du voisin en ce qui concerne la création d’ouvertures vers son terrain ;

- le certificat OAI d’un architecte inscrit près de la chambre des architectes ;

- le certificat du calcul des valeurs d’isolation ;

- un plan de situation détaillé à l’échelle de 1 : 500 ;

- les mesures exactes des hauteurs dans la coupe ;

- une vue des façades de la future construction avec les bâtiments voisins ;

- un plan des emplacements de stationnement.

Je suis dès lors au regret de devoir vous informer que l’autorisation de construire ne pourra pas être délivrée sous cette forme, je garde l’instruction de votre dossier en suspens, en attendant que vous me fournissiez les documents conformes aux prescriptions énumérées ci-avant.(…) » Par courrier daté du 27 mars 2003 à l’adresse du bourgmestre, la s.à r.l.

ARCHITECTURE …, pour compte du demandeur, sollicita une nouvelle fois l’autorisation de transformer la grange attenante à l’immeuble d’habitation, tout en joignant à ce courrier différentes pièces en vue de l’obtention de l’autorisation sollicitée.

Comme suite à cette demande, la commission des bâtisses instituée auprès de l’administration communale de Bissen émit un avis favorable par rapport à l’autorisation sollicitée.

Suivant courrier daté du 13 août 2003, le mandataire du demandeur, estimant que « rien ne devrait s’opposer à ce qu’une autorisation de bâtir en bonne et due forme soit délivrée enfin », pria de nouveau le bourgmestre de faire droit à la demande en obtention de l’autorisation de construire. Ce dernier courrier n’ayant pas fait l’objet d’une réponse du bourgmestre, le demandeur a fait introduire par requête déposée en date du 26 septembre 2003 un recours en annulation à l’encontre de la décision implicite de refus se dégageant du silence observé par rapport à sa demande.

Le recours en annulation ayant été introduit dans le délai et les formes de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur estime que la décision implicite de refus attaquée devrait encourir l’annulation pour absence de motifs, sinon pour refus de les communiquer, étant donné que l’existence de motifs est une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de Bissen fait valoir que la décision de refus serait justifiée eu égard au contenu de l’article 3.9. du règlement sur les bâtisses de la commune de Bissen, ci-après dénommé le « Rb », au motif que le demandeur, au vu des travaux de transformation projetés, aurait dû prévoir la réalisation d’un emplacement de stationnement supplémentaire. Or, s’il est exact que les travaux de transformation projetés sont conformes au Rb, force serait de constater que l’emplacement prévu par le demandeur ne serait pas accessible par un véhicule sans passer par le terrain du voisin, de sorte que cet emplacement serait sans aucune utilité et ne pourrait être considéré que comme « place libre affectée à un autre usage ». Partant la situation créée serait non seulement contraire au Rb, mais encore à l’intérêt général et à l’aménagement général de la localité de Bissen, étant donné que la rue de la Chapelle serait à l’heure actuelle encombrée par des véhicules y stationnant jour et nuit.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur réfute l’argumentation de l’administration communale tirée de la prétendue violation de l’article 3.9. du Rb, étant donné que l’immeuble sujet à transformation « abrite présentement et abritera une fois réalisés les travaux de transformation projeté un seul logement », de sorte qu’un seul emplacement de stationnement serait requis. Or, l’immeuble sujet à transformation, au moment de l’introduction de la demande, aurait déjà disposé de deux emplacements à l’intérieur du garage autorisé en 1993, auquel il conviendrait d’ajouter un emplacement supplémentaire à l’intérieur dudit garage suivant les plans d’architecte déposés en annexe à la demande du 27 mars 2003. Finalement, le demandeur affirme encore disposer de deux emplacements supplémentaires à l’extérieur devant son garage, de sorte que la prescription imposée par l’article 3.9. du Rb serait respectée.

Il convient de rappeler en premier lieu que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 44 et autres références y citées). Il s’ensuit que le tribunal est amené à considérer la motivation tirée de la prétendue violation de l’article 3.9 du Rb, telle qu’avancée par l’administration communale pour la première fois dans son mémoire en réponse.

Aux termes dudit article 3.9., intitulé « Emplacements de stationnement » :

1. Pour les nouvelles constructions, les reconstructions, les changements de destination et les transformations augmentant la surface d’utilisation de plus de cent mètres carrés, il faut prévoir sur la propriété intéressée :

a) un emplacement par logement ; (…) Les emplacements et le calcul du nombre de places de stationnement doivent figurer dans le projet soumis pour autorisation.(…) » Au vu des termes clairs et précis dudit article 3.9., c’est à tort que l’administration communale soutient que le demandeur, au moment de la présentation des travaux de transformation, aurait dû prévoir un emplacement de stationnement supplémentaire.

S’il n’est en effet pas contesté que par les travaux envisagés le demandeur augmente la surface d’utilisation de son immeuble de plus de cent mètres carrés, l’article 3.9. du Rb ne prévoit cependant pas l’aménagement d’un emplacement supplémentaire dans cette hypothèse, mais simplement l’aménagement d’un emplacement par logement, le critère déterminant étant le nombre de logements et non la surface d’utilisation supplémentaire.

Or, il convient de retenir en premier lieu que par son autorisation 5/93 du 29 janvier 1993, qui renvoie à un croquis joint, le bourgmestre a autorisé le demandeur à transformer une première fois l’immeuble litigieux et que les travaux de transformation réalisés suivant le croquis autorisé incluent la réalisation d’un garage, de sorte que l’administration communale de Bissen ne peut plus revenir à l’heure actuelle sur cette autorisation accordée pour un emplacement dans le garage, sous prétexte de prétendues difficultés d’accessibilité audit garage.

Pour le surplus, comme l’administration communale de Bissen n’a pas démontré que la transformation de l’immeuble serait faite en vue de sa réaffectation et de la création d’un ou de plusieurs logements additionnels, le mandataire du demandeur ayant formellement déclaré lors des plaidoiries qu’aucune réaffectation ne serait projetée, c’est à juste titre que le demandeur fait invoquer qu’il ne doit justifier que de l’existence d’un seul emplacement. Il s’ensuit que la question de l’accessibilité du garage, dans lequel le demandeur prétend pouvoir garer trois véhicules, se révèle être sans pertinence en l’espèce, étant donné qu’outre l’emplacement dans le garage d’ores et déjà autorisé, il ressort des plans soumis à autorisation que le demandeur dispose encore de deux emplacements supplémentaires dans le passage latéral de son immeuble donnant accès audit garage, sans devoir empiéter sur la propriété de son voisin.

Il s’ensuit que la décision implicite de rejet du bourgmestre, tirée d’une prétendue violation de l’article 3.9. du Rb, doit encourir l’annulation pour violation de la loi.

Le demandeur réclame en outre l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- €.

Aux termes de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, « lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ».

Il est constant en cause que c’est l’attitude de l’administration communale de Bissen, en ne réagissant pas à la demande introduite par la société ARCHITECTURE… s.à r.l. en date du 27 mars 2003 et à la lettre recommandée du mandataire du demandeur du 13 août 2003, qui a amené ce dernier à introduire un recours contentieux et qu’au vu de ces circonstances particulières et de l’issue du présent litige, le tribunal est amené à considérer qu’il serait inéquitable de laisser à charge du demandeur l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du tribunal, des devoirs et du degré de difficulté de l’affaire, notamment au vu des moyens de l’administration communale rencontrant ceux du demandeur, ainsi que du montant réclamé, et au vu de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, précitée, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à allouer au demandeur à un montant de 500.- €.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision implicite de rejet du bourgmestre de la commune de Bissen suite à la demande en autorisation de bâtir du demandeur du 27 mars 2003 en vue de transformer la grange attenante à sa maison d’habitation et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la commune de Bissen ;

condamne l’administration communale de Bissen à payer au demandeur une indemnité de procédure de 500,- € (cinq cents euros);

condamne l’administration communale de Bissen aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 29 mars 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16996
Date de la décision : 29/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-29;16996 ?

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