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29/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16990

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 mars 2004, 16990


Tribunal administratif N° 16990 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formés par les consorts …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Medernach en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16990 du rôle et déposée le 25 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …, …, demeura

nt tous deux à L- … , tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du b...

Tribunal administratif N° 16990 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2003 Audience publique du 29 mars 2004 Recours formés par les consorts …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Medernach en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16990 du rôle et déposée le 25 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre PROBST, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …, …, demeurant tous deux à L- … , tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du bourgmestre de la commune de Medernach du 28 août 2003 leur refusant une demande en modification d’une autorisation de construire ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 13 octobre 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale de Medernach ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 octobre 2003 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de Medernach ;

Vu le mémoire en réponse déposé en date du 13 janvier 2004 par Maître Alain BINGEN, au nom de l’administration communale de Medernach, notifié le 12 janvier 2004 au mandataire des consorts … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2004 par Maître Pierre PROBST au nom des consorts …, notifié le 7 février 2004 au mandataire de l’administration communale de Medernach ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2004 par le mandataire de l’administration communale de Medernach ;

Vu la notification de ce mémoire en duplique par voie de télécopie adressée au mandataire des consorts … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Pierre PROBST et Alain BINGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2004.

Les époux … déposèrent par l’intermédiaire de leur architecte en date du 15 juin 2001 auprès de l’administration communale de Medernach une demande en obtention d’une autorisation de bâtir d’un immeuble comportant quatre logements et douze garages à Medernach, ….

Le bourgmestre de la commune de Medernach fit droit à cette demande en leur accordant par décision du 18 mars 2002 l’autorisation de construire sollicitée.

Par courrier daté du 24 avril 2003 les époux …, toujours par l’intermédiaire de leur architecte, introduisirent auprès de l’administration communale de Medernach, ci-après désignée par « l’administration communale », intitulée « demande de modification d’une autorisation à bâtir un immeuble » et tendant à se voir autoriser de modifier l’autorisation de bâtir précitée du 18 mars 2002 en remplaçant deux garages par un logement, de sorte à être autorisés à construire dorénavant un immeuble comportant cinq logements, neuf garages et trois emplacements extérieurs de parking.

Par courrier recommandé du 28 août 2003, le bourgmestre de la commune de Medernach rejeta la demande de modifications en les termes suivants :

« (…) nous sommes au regret de vous informer que nous ne pouvons pas réserver une suite favorable à votre demande concernant une modification par rapport aux plans autorisés en date du 7 mars 2002.

Le soussigné bourgmestre se rallie à cet effet à l’avis négatif de la Commission des bâtisses en date du 6 août 2003. En effet, le projet a été avisé favorablement à l’époque étant donné qu’il a permis entre autre de combler le manque absolu de possibilités de stationnement dans le quartier « … ». Par le fait de vouloir ajouter un appartement supplémentaire au rez-de-chaussée, on supprimera deux garages, en plus on perdra des emplacements pour ce logement. Le but initial était pourtant de créer le plus grand nombre possible d’emplacements de stationnement ou de garages.

Un deuxième point que nous tenons à relever est le fait que lors du contrôle du chantier, la vérification des niveaux a montré qu’il est probablement impossible de construire la rampe d’accès avec les 15 % permis. Nous vous demandons de bien vouloir prendre position à cet égard. En plus on a constaté sur place, que l’accès au garage N° 6 (sous-sol) n’est guère possible avec une voiture normale.

Nous avons dû constater d’ailleurs que le revêtement de la « rue … » a été endommagé.

Veuillez agréer (…) » C’est contre cette décision de refus du 28 août 2003 que les demandeurs firent introduire par requête du 25 septembre 2003 tendant à son annulation, sinon à sa réformation.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font plaider que le refus leur aurait été opposé à tort, le projet modifié respectant le règlement sur les bâtisses de la commune de Medernach, en particulier en ce qui concerne le nombre d’emplacements de stationnement obligatoires.

Ils contestent à ce sujet la motivation avancée par le bourgmestre, selon lequel le but initial aurait été de créer le plus grand nombre possible d’emplacements de stationnement ou de garages.

Ils contestent encore formellement l’affirmation selon laquelle la rampe d’accès au sous-sol de l’immeuble litigieux ne respecterait pas les 15 % de déclivité prescrits.

L’administration communale résiste à cette argumentation en faisant plaider que le logement supplémentaire prévu par le projet de modification serait dépourvu d’emplacement de stationnement, les garages et emplacements existant devant être considérés comme attribués aux quatre logements initialement autorisés, de sorte que le projet modifié ne respecterait pas les dispositions du règlement sur les bâtisses imposant un emplacement par logement.

Elle expose encore que les demandeurs s’étant engagés, au travers de leur demande initiale, à réaliser douze garages, il ne saurait être admis, au nom du principe de l’exécution de bonne foi de la décision administrative, que les demandeurs réduisent à leur guise après coup le nombre d’emplacements retenu initialement.

L’administration communale maintient par ailleurs que la rampe prévue aurait une inclinaison dépassant la limite prescrite de 15 %.

Encore que les demandeurs entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne prévoit de recours au fond en matière d’urbanisme et plus particulièrement en matière de permis de construire, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours en annulation, introduit en ordre principal est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Aux termes de l’article 20 du règlement sur les bâtisses de la commune de Medernach, intitulé «Parkplätze », « Im Falle eines Neubaues, eines Wiederaufbaues oder Umbaues, der die Bestimmung der Räume ändert oder die Nutzfläche um wenigstens 25 qm erhöht , kann eine Baugenehmigung nur erteilt werden, wenn genügend Parkplätze für Kraftfahrzeuge zur Verfügung gestellt werden können.

Die Parkplätze müssen in den für die Genehmigung vorgelegten Plänen eingezeichnet sein. Als genügend gilt: a) ein Parkplatz pro Wohnung (…) ».

Il est encore constant en cause que le projet modifié refusé par le bourgmestre concerne la construction d’un immeuble devant comporter cinq logements, neuf garages et trois emplacements extérieurs de parking.

Les articles 67 et 68 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, qui ont repris les dispositions de l’article 1er de la loi du 29 juillet 1930 concernant l’étatisation de la police locale, prévoient parmi les attributions du bourgmestre celle d’être chargé de l’exécution des lois et règlements de police. Le bourgmestre, dont la compétence est délimitée par les règlements dont il doit assurer l’exécution, ne saurait en principe fonder sa décision sur des motifs qui ne font l’objet de prescriptions expresses dans le règlement sur les bâtisses (cf. CdE 6 mai 1970, Pas. 22, 25) : lors de la délivrance d'une autorisation de construire, le bourgmestre doit se limiter à vérifier la conformité de la demande en autorisation d'une part par rapport au plan d'aménagement général et d'autre part par rapport au règlement sur les bâtisses (voir trib. adm. 26 janvier 1998, n° 10351, Pas. adm.

2003, V° Urbanisme, pouvoirs et obligations du bourgmestre, n° 180, p.690).

Il résulte des considérations ci-dessus que c’est à tort que le refus déféré a été opposé aux demandeurs, alors que leur projet non seulement respecte les prescriptions réglementaires en ce qui concerne le nombre obligatoire d’emplacements de parking, mais qu’il prévoit même davantage que ce qui est exigé par le règlement sur les bâtisses.

Le bourgmestre, en motivant son refus par la volonté de créer davantage d’emplacements de parking que ce qui est exigé par le texte de l’article 20 précité, a commis un abus de pouvoir.

Cette conclusion n’est pas énervée par le moyen de l’administration communale relatif à un engagement non respecté par les demandeurs, la délivrance d’une autorisation de construire se limitant à un acte unilatéral posé par le bourgmestre dans le cadre de ses compétences et constatant officiellement la conformité d’un projet de construction avec les dispositions réglementaires, sans engagement quelconque de la part des bénéficiaires de l’autorisation.

En ce qui concerne l’argument de l’administration communale relative au non-respect par le projet refusé des 15 % de déclivité prescrits par l’article 19 du règlement sur les bâtisses pour les rampes d’accès aux garages aménagés en sous-sol, force est de constater que l’administration communale, face aux contestations des demandeurs étayées par des calculs, ne rapporte aucun élément probant permettant de vérifier son affirmation, d’autant plus que le projet tel que soumis à l’autorisation du bourgmestre respecte les prescriptions de l’article 19 du règlement sur les bâtisses en prévoyant une rampe d’une pente de 15 %.

Le tribunal constate encore que le refus déféré formule ce motif de façon hypothétique (« qu’il est probablement impossible de construire la rampe d’accès avec les 15 % permis ») et situe le problème de la déclivité trop importante non pas au niveau des plans du projet, qui indiquent bien une pente de 15 %, mais à celui de l’exécution matérielle du projet.

Il s’avère dès lors d’une part que le problème - éventuel - soulevé par l’administration communale ne se vérifiera - le cas échéant - qu’à l’occasion de la construction de l’immeuble. Or, la compétence de la juridiction administrative se limite à l'examen de la régularité des décisions de l'administration, mais ne s'étend pas au contrôle de la conformité des constructions réalisées avec les autorisations (Cour adm. 18 juin 1998, n° 10504C, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, recours contentieux, n° 219, p.700). La question de l'inobservation des prescriptions fixées dans une autorisation de construire relève du pouvoir de police du bourgmestre. Elle échappe au contrôle du juge administratif saisi sur base d'un recours en annulation contre l'autorisation (trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, recours contentieux, n° 219, p.700).

Il en résulte que le refus du bourgmestre daté du 28 août 2003 n’est légalement motivé à travers les éléments fournis en cause ni en fait, ni en droit, de sorte qu’il est à annuler.

Les demandeurs réclament encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 €, indemnité formellement contestée tant en son principe qu’en son montant par l’administration communale.

Force est de constater que les demandeurs, face à ces contestations, ne justifient ni la nature ni les motifs de leur demande. Or, une demande d'allocation d'une indemnité de procédure qui omet de spécifier concrètement la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et qui ne précise pas concrètement en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à charge de la partie gagnante est à rejeter, la simple référence à l'article de loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard (voir Cour adm. 1er juillet 1997, n° 9891C, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, frais, n° 391, p.576).

Il s’ensuit que la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié;

partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le bourgmestre en prosécution de cause ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’administration communale de Medernach aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16990
Date de la décision : 29/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-29;16990 ?

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