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24/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17787

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2004, 17787


Numéro 17787 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mars 2004 Audience publique du 24 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17787 du rôle, déposée le 19 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Istok (Kosovo...

Numéro 17787 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 mars 2004 Audience publique du 24 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17787 du rôle, déposée le 19 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Istok (Kosovo, Etat de Serbie-Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 8 mars 2004 portant prorogation de son placement pour une durée d’un mois à partir de la notification;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2004.

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Le 9 février 2004, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il ressort du rapport afférent n° 15/0434/04/HA du 9 février 2004 qu’une recherche dans la banque de données EURODAC sur base des empreintes digitales de Monsieur … a révélé que ce dernier avait déjà introduit des demandes en obtention du statut de réfugié à Oslo le 12 juillet 2003 et à Göteborg le 23 septembre 2003. D’après le même rapport, Monsieur … déclara qu’il aurait déposé en juillet 2003 une demande d’asile en Norvège, qu’il aurait quitté la Norvège après un séjour de deux mois et trois décisions négatives des autorités norvégiennes pour introduire une nouvelle demande d’asile en Suède et que suite à l’injonction lui faite de quitter la Suède et au vu du risque d’être rapatrié vers le Kosovo, il serait parti volontairement vers l’Albanie.

Par arrêté du 9 février 2004, le ministre de la Justice ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois. Cet arrêté est basé sur les motifs suivants :

« Vu le rapport n° 15/0434/04/HA du 9 février 2004 établi par le Service de police Judiciaire, section Police des Etrangers et des Jeux ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 9 février 2004 ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile en Norvège en date du 12 juillet 2003 et en Suède en date du 23 septembre 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités norvégiennes respectivement suédoises dans les meilleurs délais ;

- qu’en attendant l’accord de reprise un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par courrier du 10 février 2004, le ministre de la Justice adressa à l’autorité compétente norvégienne une demande en vue de la reprise en charge de Monsieur ….

Par arrêté du 8 mars 2004, le ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification. Cet arrêté est basé sur les motifs suivants :

« Vu mon arrêté pris en date du 9 février 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 9 février 2004 ;

- qu’il est signalé au système EURODAC comme ayant déposé une demande d’asile en Norvège en date du 12 juillet 2003 et en Suède en date du 23 septembre 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités norvégiennes respectivement suédoises ;

- qu’en attendant l’accord de reprise un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

En date du 9 mars 2004, le Norvegian Directorate of Immigration accepta la reprise en charge de Monsieur … qui devrait avoir lieu à l’aéroport Gardermoen à Oslo.

Par courrier du 10 mars 2004, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce « qu’en vertu des dispositions de l’article 13 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg, mais le Royaume de Norvège qui est responsable du traitement de votre demande d’asile.

Le Grand-Duché de Luxembourg n’étant pas compétent pour examiner votre demande, je regrette de ne pas pouvoir réserver d’autres suites à votre dossier (…) ».

En date du 18 mars 2004, le ministre de la Justice prit à l’égard de Monsieur … un arrêté de refus d’entrée et de séjour aux motifs qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels, qu’il se trouverait en séjour irrégulier au pays et qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

Le même jour, le service des Etrangers du ministère de la Justice informa le National Police Immigration Unit – Dublin Office norvégien de ce que le transfert de Monsieur … pourrait avoir lieu le jeudi 25 mars 2004 par voie d’avion.

Par requête déposée le 19 mars 2004, Monsieur … a fait introduire le recours lui ouvert par la loi à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 8 mars 2004 Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 8 mars 2004. Le recours sous analyse devant ainsi être considéré comme tendant à la réformation de l’arrêté ministériel prévisé, il est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur affirme que la condition de l’impossibilité d’un refoulement immédiat ne serait pas vérifiée en l’espèce, étant donné que les autorités norvégiennes ont accepté sa reprise en charge le 9 mars 2004 et que l’impossibilité de refoulement aurait partant cessé à cette date. Il soutient encore que les démarches entreprises par le ministère de la Justice en vue de son éloignement seraient insuffisantes et qu’en présence de son identité établie dès son arrestation, sa présence au Centre de séjour provisoire pour personnes en situation irrégulière serait ainsi anormalement longue. Il ajoute que l’arrêté déféré du 8 mars 2004 ne comporterait aucune motivation quant à la nécessité absolue à la base de la prorogation de la mesure de placement.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 276 et autres références y citées). En effet, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib.

adm. 20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

Dans la mesure où les autorités compétentes ont adressé dès le lendemain du placement du demandeur une demande de reprise en charge aux autorités norvégiennes et où ces dernières n’avaient pas encore expressément répondu à la date du 8 mars 2004, le ministre ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir entrepris à ce stade les démarches suffisantes en vue d’assurer l’éloignement du demandeur vers la Norvège. S’il est vrai qu’au regard des dispositions du règlement CE n° 343/2003, un accord de reprise tacite aurait pu être dégagé du silence des autorités norvégiennes dès le 24 février 2004, il n’en reste pas moins que l’accord de ces dernières n’est pas à lui seul suffisant pour permettre le transfert immédiat de l’intéressé, cette opération nécessitant en outre des démarches organisationnelles d’autant plus importantes en cas de reprise par un pays non limitrophe et éloigné pour le surplus.

Quant au reproche de l’insuffisance des démarches afin d’organiser le transfert de l’intéressé dans un délai rapproché, force est de constater qu’en l’espèce, en l’absence d’une voie de communication directe entre Luxembourg et Oslo, cette organisation a impliqué des démarches plus poussées et notamment la réservation d’un vol avec escale à l’aéroport de Francfort et l’organisation du transit du demandeur par le dit aéroport de Francfort avec les autorités allemandes. Eu égard à ces circonstances, le délai d’une quinzaine de jours entre l’accord de reprise des autorités norvégiennes du 9 mars 2004 et l’exécution du transfert, prévue pour le 25 mars 2004, ne peut pas être considéré comme excessif et partant de nature à affecter la validité de l’arrêté ministériel déféré. Les moyens afférents du demandeur sont partant à écarter comme non fondés.

Enfin, le demandeur estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi prévisée du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays. Il ajoute à cet égard qu’il « partage en fait la partie commune de Schrassig avec les détenus de droit commun ».

Il est constant que le demandeur est actuellement placé au centre de séjour provisoire dans la partie destinée exclusivement aux étrangers en situation irrégulière.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 24 mars 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17787
Date de la décision : 24/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-24;17787 ?

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