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24/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17748

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mars 2004, 17748


Tribunal administratif N° 17748 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mars 2004 Audience publique du 24 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17748 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité yougoslave, actuellement placé au Centre de séjour

provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformat...

Tribunal administratif N° 17748 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mars 2004 Audience publique du 24 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17748 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité yougoslave, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 février 2004 ordonnant la prorogation de son placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 mars 2004.

Monsieur … avait introduit au Grand-Duché de Luxembourg une demande d’asile en date du 19 novembre 1998. Cette demande fut définitivement rejetée comme étant non fondée par un arrêt de la Cour administrative du 19 février 2002.

En date du 22 mai 2002, le ministre de la Justice a pris un arrêté de refus d’entrée et de séjour à son encontre. Le lieu de séjour de Monsieur … ayant à ce moment été inconnu, le ministre de la Justice l’avait fait signaler aux fins de découvrir sa résidence et de notification de l’arrêté de refus d’entrée et de séjour prévisé du 29 mai 2002.

En date du 29 janvier 2004 Monsieur … fut intercepté par la police grand-ducale. En date du même jour le ministre de la Justice prit un arrêté prononçant son placement, dans l’attente de son éloignement, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté du 29 1janvier 2004 fut prorogé pour une nouvelle durée d’un mois par arrêté du ministre de la Justice du 26 février 2004 sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 29 janvier 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est dépourvu de visa requis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Considérant qu’un éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 16 mars 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 26 février 2004 portant prorogation de son placement.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre ladite décision. Ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir qu’un éventuel danger de se soustraire à une mesure de rapatriement ultérieure devrait être prouvé par l’autorité administrative qui l’invoque, mais qu’en l’espèce le ministre de la Justice resterait en défaut d’avancer à l’appui de la décision litigieuse des éléments de fait de nature à établir de façon suffisante l’existence d’un danger de fuite dans son chef, ceci d’autant plus qu’il serait sur le sol luxembourgeois depuis 5 années et que le simple fait de se trouver en situation de séjour irrégulier ne saurait suffire pour établir à suffisance un risque de fuite susceptible de justifier une mesure de rétention administrative. Il relève par ailleurs ne pas avoir commis d’actes compromettant la sécurité, la tranquillité ou la salubrité publiques, de sorte qu’il estime ne pas pouvoir être considéré comme constitutif d’un danger pour l’ordre public luxembourgeois.

Le demandeur reproche ensuite au ministre une insuffisance au niveau des démarches entreprises en vue de l’éloigner du territoire luxembourgeois, ceci eu égard au fait notamment que son identité a pu être établie sans aucune difficulté dès son arrestation et que la condition d’une nécessité absolue requise pour procéder à la prorogation d’une mesure de rétention ne pourrait pas être dégagée à partir d’une motivation identique à celle gisant à la base d’une première décision de rétention.

Le délégué du Gouvernement conclut au bien-fondé de la décision litigieuse et signale que depuis le 19 février 2002, où le demandeur fut définitivement débouté de sa demande d’asile, celui-ci n’aurait entrepris aucune démarche en vue de retourner volontairement dans son pays d’origine, qu’il aurait par ailleurs disparu depuis cette même époque et que le 2ministre a dû procéder à son signalement aux fins de découvrir sa résidence. Il estime qu’au vu du comportement du demandeur qui viserait à rester dans l’illégalité la plus totale, il serait évident qu’il essayerait de se soustraire à un rapatriement. Quant aux diligences déployées pour procéder à l’éloignement du demandeur, le représentant étatique signale que le ministre a saisi dès le 30 janvier 2004, les autorités monténégrines et que ces dernières ont réservé une suite favorable à cette demande en date du 11 mars 2004, le rapatriement, après accomplissement des formalités afférentes, étant prévu pour le 25 mars 2004, de sorte que les démarches nécessaires auraient été entreprises dans un délai acceptable.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Concernant d’abord le principe même du placement du demandeur au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, il n’est pas contesté en cause que le demandeur, ayant fait l’objet d’un arrêté ministériel de refus d’entrée et de séjour, était en situation irrégulière au pays au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 précitée et qu’il subit actuellement une mesure de rétention administrative sur base dudit article 15 en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, il rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, de sorte que toute discussion sur un risque de porter atteinte à l’ordre public et d’un risque de fuite dans son chef s’avère en principe non pertinente, étant donné que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de fuite, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un Centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Cette conclusion ne saurait être énervée en l’espèce par la considération avancée en cause par le demandeur relativement au fait qu’il se trouve au pays depuis 5 années déjà, étant donné que le fait pour le demandeur de ne pas avoir obtempéré à l’invitation de quitter le pays après le rejet définitif de sa demande d’asile, ainsi que d’être resté clandestinement au pays en dépit de l’existence d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour, mettant ainsi les autorités compétentes dans l’impossibilité de lui notifier ledit arrêté, est au contraire de nature à corroborer sérieusement la présomption ci-avant relevée de l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant donné que visiblement il n’a pas l’intention de quitter volontairement le pays.

La décision litigieuse opérant plus spécifiquement la prorogation d’une mesure de rétention administrative, le tribunal est amené à vérifier si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

3Le tribunal vérifie plus spécifiquement si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter la prorogation de la décision de placement, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib. adm.

20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

Dans la mesure où les autorités compétentes ont en l’espèce contacté les autorités monténégrines dès le 30 janvier 2004, soit dès le lendemain de la première décision de rétention administrative initiale, en vue de l’éloignement du demandeur tout en insistant sur l’urgence de l’affaire au vu de la rétention de ce dernier, il n’y a pas lieu de reprocher en l’espèce au ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue d’assurer l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine.

Etant donné qu’à la date de la décision litigieuse l’accord des autorités monténégrines n’était pas encore parvenu au ministre de la Justice, celui-ci a valablement pu conclure à l’existence d’une nécessité absolue justifiant la prorogation de la mesure de rétention initiale afin de ne pas compromettre l’aboutissement des diligences en vue de l’éloignement d’ores et déjà déployées, lesquelles se sont d’ailleurs soldées, d’après les informations fournies en cause, par une réponse positive parvenue aux autorités luxembourgeoises le 11 mars 2004.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute , condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17748
Date de la décision : 24/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-24;17748 ?

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