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22/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17414

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2004, 17414


Tribunal administratif N° 17414 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 janvier 2004 Audience publique du 22 mars 2004 Recours formé par Madame … et Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17414 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … , de nationalité allemande, demeurant

à L-

… , ainsi que de Monsieur …, né le 16 novembre 1981, de nationalité turque, aya...

Tribunal administratif N° 17414 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 janvier 2004 Audience publique du 22 mars 2004 Recours formé par Madame … et Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17414 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … , de nationalité allemande, demeurant à L-

… , ainsi que de Monsieur …, né le 16 novembre 1981, de nationalité turque, ayant été transféré en République fédérale d’Allemagne en date du 9 janvier 2004, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 octobre 2003, constatant l’incompétence du Grand-Duché de Luxembourg relativement à l’examen de la demande d’asile de Monsieur …, lui notifiée le 6 janvier 2004, ainsi que d’une décision implicite de refoulement du même ministre datant du même jour, sousjacente à la décision de rétention administrative prise en date du même 6 janvier 2004 à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement du 9 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2004.

Dans le cadre de l’instruction d’une demande d’asile introduite par Monsieur … au Grand-Duché de Luxembourg en date du 30 avril 2003, il s’est avéré à travers l’enquête policière, qu’il était détenteur d’un visa Schengen émis par les autorités allemandes. Sur base de ce fait, le ministre de la Justice a sollicité en date du 30 septembre 2003 la prise en charge de Monsieur … auprès des autorités allemandes, conformément à l’article 5, paragraphe 4 de la Convention relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes, signée à Dublin le 15 juin 1990 et approuvée au Luxembourg par une loi du 20 mai 1993, ci-après désignée par « la Convention de Dublin ».

Cette demande en prise en charge ayant été acceptée par les autorités allemandes en date du 26 septembre 2003, le ministre a pris en date du 6 octobre 2003 une décision d’incompétence relativement à l’examen de la demande d’asile introduite par Monsieur … au Grand-Duché de Luxembourg. Cette décision fut notifiée en date du 6 janvier 2004 à l’intéressé qui fut transféré par la suite vers l’Allemagne en date du 9 janvier 2004.

Par requête déposée en date du 7 janvier 2004, Madame Suzanne … et Monsieur … ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 6 octobre 2003 sur base de laquelle Monsieur … fut transféré vers l’Allemagne, ainsi que pour autant que nécessaire, d’une décision implicite de refoulement, sousjacente à la décision de rétention administrative prise à l’encontre de Monsieur … en date du 6 janvier 2004 par application de laquelle il fut placé pour une durée maximale d’un mois au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig.

1. Quant à la décision d’incompétence du 6 octobre 2003 Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle déférée du 6 octobre 2003 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours les consorts …-… concluent d’abord à une insuffisance de motivation de la décision litigieuse valant absence de motivation, en faisant valoir que la considération que l’Etat responsable de la demande d’asile introduite par Monsieur … est la République fédérale d’Allemagne manquerait de précision.

Ils relèvent ensuite que l’article 4 de la Convention de Dublin aurait été édicté en harmonie avec l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales afin de permettre au demandeur d’asile d’introduire sa demande dans un Etat membre dans lequel un membre de sa famille réside. Ils signalent à cet égard que Madame … serait la fiancée officielle de Monsieur … et demeurerait et travaillerait sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en sa qualité de ressortissante communautaire. Dans la mesure où le couple aurait manifesté sa volonté de s’unir par les liens du mariage au mois de janvier 2004 et que le ministre de la Justice aurait eu connaissance de leurs relations, ainsi que du fait que Monsieur … aurait été logé aux frais de la demanderesse … depuis le mois de mai 2003, les demandeurs concluent à une violation de la loi commise par le ministre en ce qu’il aurait méconnu la portée dudit article 8 en ayant porté atteinte à leur vie familiale effective au Grand-Duché de Luxembourg.

Les demandeurs reprochent ensuite à l’autorité administrative d’être restée en défaut de les informer préalablement de la prise de la décision litigieuse, sans pour autant autrement développer ce moyen par l’indication notamment des dispositions légales concrètent visées, de sorte que le moyen afférent est à écarter pour défaut de précision.

Concernant d’abord le motif invoqué relatif à une insuffisance de motivation, il y a lieu de constater que la décision litigieuse est suffisamment explicite à cet égard en ce qu’elle se réfère clairement aux dispositions de l’article 5, paragraphe 4 de la Convention de Dublin et qu’elle énonce que ce n’est pas le Grand-Duché de Luxembourg, mais la République fédérale d’Allemagne qui est responsable du traitement de la demande d’asile de Monsieur …. Ledit article 5, paragraphe 4 en disposant que « si le demandeur d’asile est seulement titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de 2 ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de 6 mois lui ayant effectivement permis de rentrer sur le territoire d’un Etat membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que l’étranger n’a pas quitté le territoire des Etats membres », est suffisamment explicite pour permettre aux demandeurs de cerner avec toute la précision requise la motivation à la base de la décision litigieuse, étant entendu que la situation de fait de Monsieur …, même s’il ne l’avait pas révélée spontanément aux autorités luxembourgeoises, lui était nécessairement connue alors qu’un visa Schengen valable du 22 février 2003 au 30 avril 2003 fut apposé dans son passeport turque. S’y ajoute que les demandeurs ont valablement pu prendre position par rapport aux motifs retenus à la base de la décision litigieuse dans le cadre de la procédure contentieuse, de sorte qu’en toute état de cause aucune lésion afférente de leurs droits de la défense ne saurait être utilement retenue, les demandeurs n’ayant en l’espèce même pas usé de leur faculté de déposer un deuxième mémoire écrit en cause à la suite du mémoire en réponse fourni par le délégué du Gouvernement.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen basé sur une insuffisance, voire absence de motivation valable laisse d’être fondé.

Concernant ensuite le moyen des demandeurs consistant à soutenir que la décision litigieuse porterait atteinte au respect de leur vie familiale effective au Luxembourg, force est de relever que si la notion de vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ne repose pas nécessairement sur la prémisse du mariage, encore faut-

il que la vie familiale alléguée sur le territoire de l’Etat concerné résiste à l’examen d’une certaine permanence.

En l’espèce, les éléments et explications fournis en cause ne permettent pas d’établir à suffisance de droit et de fait qu’une vie familiale effective ait existé entre Monsieur … et Madame … avant la prise de la décision litigieuse. Il se dégage au contraire des pièces versées en cause par les demandeurs et plus particulièrement du certificat de résidence délivré par la commune de Dudelange établi en date du 5 janvier 2004 que Madame … est inscrite sur les registres de la population de la commune de Dudelange depuis son arrivée en date du 16 décembre 2003 seulement. Dans la mesure où il se dégage pour le surplus des pièces versées au dossier que les demandeurs ont fait connaissance il y a environ huit mois seulement, les éléments constants en cause sont de nature à dénoter plutôt l’absence de préexistence d’une vie familiale effective au Grand-

Duché de Luxembourg avant l’établissement de la demanderesse … au pays.

Il s’ensuit que le moyen basé sur une prétendue violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme laisse en tout état de cause d’être fondé sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant son incidence éventuelle sur l’application de la Convention de Dublin.

2. Quant à la décision implicite de refoulement Concernant le volet du recours dirigé contre une décision implicite de refoulement sousjacente à la mesure de rétention administrative prononcée à l’encontre de Monsieur … en date du 6 janvier 2004, force est de constater que par jugement du 4 février 2004 le tribunal a retenu dans le cadre de l’examen du bien-fondé de la mesure de rétention administrative en question que les conditions légales pour prononcer une mesure de refoulement par application des dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) au contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère n’étaient pas remplies, de manière à avoir toisé les moyens afférents alors avancés en cause par les consorts …-…, qui dans leur recours contentieux dirigé contre la mesure de rétention administrative du 6 janvier 2004 avaient sollicité et obtenu de la part du tribunal une vérification de la légalité de la mesure de refoulement sousjacente et implicite retenue à la base de l’arrêté ministériel alors litigieux du 6 janvier 2004.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre cette même décision implicite de refoulement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme pour autant que dirigé contre la décision ministérielle litigieuse du 6 octobre 2003 ;

au fond le dit non justifié dans cette mesure ;

déclare le recours irrecevable pour le surplus ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17414
Date de la décision : 22/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-22;17414 ?

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