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22/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17181

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 mars 2004, 17181


Tribunal administratif N° 17181 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2003 Audience publique du 22 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2003 par Maître Josiane BIEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et demeurant à L- … , tendant à l’annulation d’une décis

ion du ministre des Transports du 3 juillet 2003 ayant limité la validité de son permis de c...

Tribunal administratif N° 17181 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2003 Audience publique du 22 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17181 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2003 par Maître Josiane BIEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et demeurant à L- … , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Transports du 3 juillet 2003 ayant limité la validité de son permis de conduire aux trajets professionnels selon l’article 92 du Code des assurances sociales, ainsi qu’à ceux effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession, de même que de celle confirmative du même ministre du 16 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 26 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Josiane BIEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathekowitsch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er mars 2004 ;

Monsieur … est titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B depuis le 4 avril 1978. Monsieur … fit l’objet de deux condamnations, l’une pour un accident de la circulation avec homicide involontaire survenu en date du 18 décembre 1999, ainsi que l’autre pour conduite avec un taux d’alcool de 0,83 mg/l et dépassement de la limitation de la vitesse en date du 8 septembre 2000.

Le jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 30 mai 2001 prononça contre Monsieur …, pour l’infraction d’homicide involontaire, une interdiction de conduire d’une durée de vingt- quatre mois avec sursis, tandis que le jugement du même tribunal du 15 juillet 2002 prononça contre Monsieur … pour la durée de vingt mois l’interdiction de conduire un véhicule automoteur des catégories A - F sur la voie publique, excepté de cette interdiction de conduire les trajets professionnels au sens de l’article 92 du Code des assurances sociales ainsi que les trajets effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession.

Suite à ces condamnations, Monsieur … fut invité à se présenter devant la Commission spéciale des permis de conduire pour le 5 juin 2003.

Le rapport d’enquête de la police grand-ducale de Mondercange du 28 mars 2003 ne renseigna pas d’autres éléments à charge de l’intéressé à part les deux condamnations citées ci-avant.

Le 10 avril 2003, le procureur général d’Etat proposa dans son avis de limiter la validité du permis de conduire aux seuls trajets professionnels.

La Commission spéciale des permis de conduire, après avoir vu et entendu l’intéressé dans ses explications et moyens de défense, proposa au ministre en date du 5 juin 2003 de limiter la validité du permis de conduire aux trajets définis à l’article 92 du Code des assurances sociales et aux trajets à effectuer dans l’intérêt prouvé de sa profession.

Le 3 juillet 2003 le ministre des Transports prit la décision libellée comme suit :

« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que Monsieur …, né le 30 janvier 1957 à Differdange et demeurant à L- … , a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ;

Vu l’avis du 10 avril 2002 de Monsieur le Procureur Général d’Etat ;

Considérant que l’intéressé a été entendu le 5 juin 2003 dans ses explication et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-

ducal du 23 novembre 1955 précité ;

Vu l’avis du 5 juin 2003 de ladite Commission spéciale ;

Considérant que pour la raison reprise sous 3) du paragraphe 1er de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée, la validité du permis de conduire de l’intéressé est à restreindre ;

A r r ê t e :

Art. 1er – Le permis de conduire des catégories A sous 2), 3), B et F délivré à Monsieur … préqualifié portera la restriction suivante : « Uniquement valable pour les trajets définis à l’article 92 du Code des Assurances Sociales ; ainsi qu’à ceux effectués dans l’intérêt prouvé de sa profession … ».

Le 30 septembre 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par une décision du 16 octobre 2003, le ministre des Transports confirma sa décision antérieure tout en précisant que : « Après avoir revu l’ensemble du dossier, je me dois de vous confirmer les dispositions de l’arrêté ministériel du 3 juillet 2003 qui restent par conséquent d’application.

Cette décision se voit justifiée au vu des éléments négatifs du dossier de l’intéressé.

Etant donné que Monsieur … est encore sous le coup d’une interdiction de conduire judiciaire avec limitation portant ses effets jusqu’au 21 juin 2004, je suis disposé à revoir son dossier à sa ou à votre demande expresse au plus tôt début du deuxième trimestre 2004 ».

Le 20 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision du ministre des Transports du 3 juillet 2003 et contre celle confirmative émanant du même ministre du 16 octobre 2003.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

En premier lieu, Monsieur … fait valoir que la décision du ministre des Transports du 3 juillet 2003 serait basée sur des affirmations non autrement circonstanciées en fait, ni motivées en droit.

Force est de constater que la décision du 3 juillet 2003 fait suite à la convocation de Monsieur … devant la commission spéciale en matière de permis de conduire devant laquelle il a été entendu en ses explications et moyens de défense, qu’elle se réfère à l’avis de ladite commission et qu’elle indique avec précision les bases légales et réglementaires sur lesquelles elle se fonde, de sorte que le moyen selon lequel la décision serait basée sur des affirmations non autrement circonstanciées en fait, ni motivées en droit manque en fait et est dès lors à écarter.

En ce qui concerne la décision confirmative du 16 octobre 2003, il fait valoir qu’elle se baserait exclusivement sur des soi-disant « éléments négatifs du dossier de l’intéressé » sans la moindre précision en quoi consisteraient ces éléments négatifs, de sorte que cette motivation pour le moins sommaire serait largement insuffisante.

En ce qui concerne la décision confirmative déférée, force est de constater qu’elle est également motivée à suffisance de droit, d’autant plus que Monsieur … n’a pas pu se méprendre sur le contenu des éléments « négatifs » de son dossier, dans la mesure où il s’agit des deux condamnations intervenues en matière pénale dans son chef .

Pour le surplus, il invoque une erreur d’appréciation manifeste des faits sous-

jacents aux deux décisions ministérielles litigieuses.

Monsieur … fait valoir qu’il disposerait toujours du sens des responsabilités requis pour conduire un véhicule sur la voie publique et ne compromettrait pas l’intérêt de la sécurité publique au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 portant réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques.

Il estime que malgré le fait qu’il a été condamné par jugement du 30 mai 2001 du chef d’homicide involontaire en matière de circulation pour avoir causé la mort d’un passant engagé sur le passage à piétons, la particularité de cette espèce exigerait qu’on analyse le déroulement des faits. Il précise qu’il aurait aperçu le piéton engagé sur le passage protégé et aurait réduit sa vitesse. Puisque le piéton se serait arrêté lui-même au milieu du passage, il aurait estimé que celui-ci le laisserait passer, de sorte qu’il aurait continué sa route. C’est seulement lorsqu’il se serait trouvé à une distance d’environ quatre mètres du piéton que ce dernier, malheureusement, aurait repris soudainement son chemin.

Il expose que le jugement aurait qualifié par conséquent son comportement à juste titre non pas d’irresponsable mais de « grave erreur » et prononça outre une amende, une peine d’emprisonnement de trois mois seulement assortie, vu les circonstances de l’espèce, du sursis intégral, ainsi que d’une interdiction de conduire de vingt-quatre mois assortie du même sursis intégral.

Il est d’avis, qu’il ressortirait de la description des faits qu’il ne serait pas dépourvu du sens de la responsabilité mais aurait commis une regrettable erreur d’appréciation de la situation pour avoir mal interprété le comportement ambigu du piéton.

En ce qui concerne la condamnation par le tribunal correctionnel du 15 juillet 2002 du chef de conduite d’un véhicule sur la voie publique avec un taux d’alcool de 0,83 mg/l, il relève que cela constituerait un fait isolé et unique et trouverait son explication dans la participation à une fête de son service tenue à la Schoueberfouer.

Il fait valoir que depuis lors il n’aurait plus eu aucun incident en matière de circulation sur la route tel qu’il résulterait des rapports et certificats établis par ses supérieurs hiérarchiques. Il ajoute que l’absence d’incident serait également confirmée par son assureur de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que les faits sous-jacents à la présente affaire dont l’homicide involontaire et la conduite avec un taux d’alcool de 0,83 mg/l prouveraient à suffisance que l’intéressé serait dépourvu du sens des responsabilités requis dans l’intérêt de la sécurité routière pour la conduite d’un véhicule. Il ajoute que les circonstances exactes de l’accident dans lequel Monsieur … était impliqué devraient échapper à l’examen de la légalité que le tribunal serait amené à entreprendre.

En plus il relève que la décision ministérielle tiendrait compte du fait que l’intéressé a besoin de son permis de conduire dans l’intérêt de son travail.

En ce qui concerne le défaut de motivation, il fait valoir que l’arrêté ministériel, en faisant référence à l’avis de la commission spéciale en matière de permis de conduire et en reprenant la base légale à la base d’une décision de restriction, serait suffisamment motivé en fait et en droit.

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il lui appartient d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée ainsi que de vérifier si des éléments de fait dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision.

Par un jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 30 mai 2001 Monsieur … a été convaincu « comme auteur ayant lui-même exécuté l’infraction et étant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique mardi, le 18 décembre 1999 vers 17.16 heures … , 1) avoir, par défaut de prévoyance et de précaution, mais sans l’intention d’attenter à la personne d’autrui, partant involontairement, causé la mort d’XY, né le … , demeurant à …, 2) défaut de s’approcher à allure modérée d’un passage pour piétons, 3) défaut de s’arrêter à un passage pour piétons, un piéton s’y étant engagé, 4) défaut de pouvoir arrêter son véhicule dans les limites de son champ de visibilité vers l’avant ».

Par un jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 15 juillet 2002, Monsieur … a été convaincu « étant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique, le 08.09.2000, vers 01.40 heures à Luxembourg, avenue de la Liberté, 1) d’avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,83 mg/l, 2) vitesse dangereuse selon les circonstances, 3) dépassement de la vitesse de 50 km/h à l’intérieur d’une agglomération. » Il est également établi que depuis le 8 septembre 2000, Monsieur … n’a plus eu d’incident en matière de circulation sur la voie publique.

Malgré le fait que depuis le 8 septembre 2000, Monsieur … n’a plus récidivé en la matière, les faits à la base des deux condamnations sont suffisamment concluants pour que le ministre ait pu retenir que le demandeur est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule, au sens de l’article 2, paragraphe 1er, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 citée ci-avant, de sorte que le tribunal ne saurait suivre la partie demanderesse dans son argumentation que le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits.

A ce titre le tribunal ne saurait suivre l’argumentation avancée par la partie demanderesse que la description des faits de l’accident survenu en date du 18 décembre 1999 ferait ressortir qu’il ne serait pas dépourvu du sens de la responsabilité requis pour la conduite d’un véhicule. En effet même si le jugement du tribunal correctionnel du 30 mai 2001 a retenu que « le fait de ne pas céder la priorité au piéton qui était régulièrement engagé sur le passage à piétons, le prévenu a commis une grave erreur », il précise dans la suite que le demandeur « ne saurait invoquer à sa décharge le fait que d’après lui le piéton se serait trouvé immobilisé au milieu de ce passage et qu’ainsi il lui aurait cédé la priorité, alors qu’au vu de la configuration des lieux, il n’aurait pas pu passer sans le heurter et qu’en tout état de cause, il avait l’impérieuse obligation de le laisser traverser à son aise, alors qu’il était régulièrement engagé sur le passage ».

A cela s’ajoute que le ministre des Transports a tenu compte du fait que Monsieur … a besoin de son permis de conduire pour se rendre à son lieu de travail en mettant de la sorte sa mesure administrative en concordance avec l’interdiction judiciaire de conduire modulée prononcée en cours d’exécution et précise qu’il est disposé à revoir le dossier du demandeur au moment où l’interdiction de conduire judiciaire est venue à échéance au début du deuxième semestre 2004.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17181
Date de la décision : 22/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-22;17181 ?

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