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19/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17729

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2004, 17729


Tribunal administratif N° 17729 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2004 Audience publique du 19 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 10 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias … , alias… , né le … 985, de nationalité guinéenne, placé au Centre de séjour provisoire pour é

trangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ...

Tribunal administratif N° 17729 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2004 Audience publique du 19 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 10 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias … , alias… , né le … 985, de nationalité guinéenne, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 mars 2004 ordonnant la prorogation de son placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2004.

Il ressort du « journal des incidents » se référant à la période du 4 février 2004 au 5 février 2004 de la Police grand-ducal qu’en date du 4 février 2004 à 23.29 heures un dénommé … fut interpellé dans un café à Luxembourg-Gare.

Par décision du ministre de la Justice du 5 février 2004, Monsieur … , en raison de sa situation irrégulière, en l’absence de moyens d’existence personnels et en l’absence de papiers de légitimation prescrits fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la dite décision dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par une décision du ministre de la Justice du 4 mars 2004, notifiée le 5 mars 2004, la mesure de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de sa notification sur base des motifs et considérations suivants :

1« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 5 février 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile aux Pays-Bas ;

Considérant qu’une reprise en charge en vertu des dispositions du règlement n° CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été demandée aux autorités néerlandaises en date du 24 février 2004 ;

Considérant qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 10 mars 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle du 4 mars 2004 portant prorogation de son placement.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre ladite décision. Ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu le demandeur fait valoir que l’autorité compétente resterait en défaut de préciser en quoi son éloignement vers les Pays-Bas serait en fait impossible, dans la mesure où il aurait clairement indiqué qu’il serait entré dans l’espace Schengen à partir des Pays-Bas.

Il estime que son refoulement vers les Pays-Bas aurait été possible d’une part sur base de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers, 2) le contrôle médical des étrangers, 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et d’autre part sur base des accords de réadmission du Benelux prévoyant la possibilité pour les Etats signataires de renvoyer un étranger en situation irrégulière vers le territoire de l’autre Etat.

Il est constant qu’un dénommé … avait déposé une demande d’asile au Luxembourg en date du 4 septembre 2003 et qu’étant donné qu’il dispose d’une autorisation de séjour aux Pays-Pas valable jusqu’au 1er juillet 2008, les autorités néerlandaises ont accepté sa prise en charge et que le demandeur a été transféré vers les Pays-Bas en date du 13 janvier 2004 en application du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

En plus il résulte d’un rapport de police dressé le 9 février 2004 qu’en fait le dénommé … est la même personne que le dénommé ….

2C’est dès lors à bon droit, étant donné que le demandeur est de nouveau entré sans autorisation sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, que les autorités luxembourgeoises ont posé une demande de reprise en charge sur base de ce même règlement CE N° 343/2003, cet instrument européen devant en effet trouver application prioritaire, conformément au principe que la loi spéciale déroge à la loi générale.

En deuxième lieu le demandeur reproche aux autorités compétentes de ne pas avoir entrepris des diligences nécessaires afin d’organiser son transfert vers les Pays-Bas. Au cours des plaidoiries il souligne que les autorités luxembourgeoises auraient eu connaissance de son identité réelle à partir du 9 février 2004, qu’ils auraient introduit une demande de reprise en charge auprès des autorités des Pays-Bas en date du 19 février 2004, laquelle ils auraient seulement expédiée en date du 24 février 2004. Il ajoute que depuis lors le ministère de la Justice n’aurait pas recontacté les autorités néerlandaises.

Le délégué du Gouvernement ne conteste pas que le service de police judiciaire a informé le ministre de la Justice en date du 9 février 2004 du fait que Monsieur … était en fait la même personne que le dénommé …, alias … . Il souligne cependant à l’audience que ce courrier serait seulement entré au service du ministère de la Justice en date du 12 février 2004 pour avoir été soumis enfin le 17 février 2004 à son signataire. Il estime qu’une nouvelle demande de reprise a été adressée dans les meilleurs délais aux autorités néerlandaises.

En plus il fait valoir qu’on ne saurait reprocher au ministre de la Justice de ne pas avoir entrepris les diligences nécessaires en vue de l’éloignement du demandeur étant donné que les autorités néerlandaises disposeraient d’un délai d’un mois pour répondre à la demande de reprise en charge.

Il précise que la demande de reprise en charge signalerait clairement aux autorités néerlandaises qu’il s’agit d’un cas de rétention administrative et qu’une réponse est attendue dans les meilleurs délais. Il ajoute que l’absence de réponse des autorités néerlandaises avant l’expiration du délai légal ne saurait être reproché au ministre de la Justice.

En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

En effet l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib. adm.

20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

3 Dans la mesure où les autorités compétentes ont contacté dans la quinzaine à dater de la connaissance de l’identité du demandeur, les autorités néerlandaises en vue de la reprise en charge du demandeur tout en insisatnt sur l’urgence de l’affaire au vu de la rétention de l’intéressé, et dans la mesure où les autorités néerlandaises disposent ensuite d’un délai d’un mois en application de l’article 20, paragraphe 1, point b) du règlement CE N° 343/2003 pour répondre, il n’y a pas lieu de reprocher en l’espèce au ministre de ne pas avoir entrepris les démarches suffisantes en vue d’assurer l’éloignement du demandeur vers les Pays-Bas.

Si le fait que le procès-verbal du 9 février 2004 n’est arrivé à destination du service compétent qu’en date du 17 février 2004 et le fait que le formulaire de reprise en charge n’a été expédié qu’en date du 24 février 2004 bien qu’il a été déjà rempli en date du 19 février 2004, témoignent certes d’une certaine lenteur administrative, ils ne sont pas pour autant suffisamment concluants pour retenir dans le chef des autorités compétentes une absence de démarches suffisantes entreprises.

Enfin il estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays.

Il est constant que le demandeur est actuellement placé au centre de séjour provisoire dans la partie destinée exclusivement aux étrangers en situation irrégulière.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute , 4 condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 19 mars 2003 du 17 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17729
Date de la décision : 19/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-19;17729 ?

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