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18/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17205

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2004, 17205


Tribunal administratif N° 17205 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2003 Audience publique du 18 mars 2004

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Recours formé par Monsieur ,,,, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17205 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2003 par Maître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, assistée de Maître Aurore GIGOT, avocat, les deux inscrites a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. ,,,, né le … à Oualed Atia/Colo (Algéri...

Tribunal administratif N° 17205 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2003 Audience publique du 18 mars 2004

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Recours formé par Monsieur ,,,, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17205 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2003 par Maître Deidre DU BOIS, avocat à la Cour, assistée de Maître Aurore GIGOT, avocat, les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. ,,,, né le … à Oualed Atia/Colo (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 14 août 2003, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, telle que cette décision a été confirmée par ledit ministre le 27 octobre 2003, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Laurence JACQUES, en remplacement de Maître Deidre DU BOIS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 10 juin 2003, M. ,,, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, M. ,,, fut entendu par un agent de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Le 11 juillet 2003, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 août 2003, notifiée par lettre recommandée du 22 août 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Algérie le 1er juin 2003 pour aller en bateau à Marseille. Arrivé le 2 juin à Marseille, vous y seriez resté trois jours et puis vous auriez pris le train jusqu’à Paris. Après trois jours encore, vous seriez parti sur Metz et puis sur Luxembourg. Vous dites être arrivé à Luxembourg le 9 juin 2003.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 10 juin 2003.

Vous exposez que vous auriez pris un engagement à l’armée de septembre 1996 à septembre 2002. Vous auriez été affecté à un groupe anti-terroristes, les Forces Spéciales.

Dès votre entrée à l’armée, des terroristes vivant dans la région d’où vous étiez originaire, vous auraient contacté et demandé de quitter l’armée pour rejoindre leur groupe.

Vous auriez refusé. Ils vous auraient ainsi menacé, verbalement, pendant toute la durée de votre contrat à l’armée. Après votre démobilisation, en septembre 2002, vous auriez eu peur de retourner dans votre village et vous vous seriez installé dans une grande ville, à Skikda.

Là, vous n’auriez plus eu de menaces terroristes, mais vous dites avoir été surveillé par des agents de la sécurité militaire qui craignaient de vous voir rejoindre les terroristes. Vous auriez vécu d’expédients à Skikda pendant neuf mois et ensuite, vous auriez décidé de quitter l’Algérie.

Vous ajoutez n’avoir jamais appartenu à un parti politique.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Je constate que vous reconnaissez n’avoir plus été approché par les terroristes à Skikda parce que, selon vos dires, il y aurait beaucoup de patrouilles dans les grandes villes.

Quant au fait d’être surveillé par la sécurité militaire, je constate que vous n’en souffriez pas beaucoup, puisque vous aviez ainsi ce que vous qualifiez vous–même de « garde rapprochée ».

Vous dites craindre toujours les terroristes, mais je constate qu’ils ne vous ont plus retrouvé depuis la fin de votre contrat à l’armée. Il est d’ailleurs connu que les bandes de terroristes dont vous parlez ont un champ d’action limité géographiquement et que, pour leur échapper, il suffit de changer de quartier ou de ville.

Comme, de plus, vous étiez sans travail fixe à Skikda, il est vraisemblable que des motifs économiques sous-tendent votre demande d’asile.

Il résulte de ce qui précède que votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le 11 septembre 2003, Monsieur ,,, formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre de la Justice à l’encontre de cette décision ministérielle.

Le 27 octobre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale, « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Le 26 novembre 2003, Monsieur ,,, a introduit un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus des 14 août et 27 octobre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, le demandeur fait exposer qu’il aurait quitté son pays d’origine parce que la vie lui aurait été impossible en raison de menaces émanant de terroristes qui auraient tenté et tenteraient de le contraindre à rejoindre leurs rangs, lesdites menaces impliquant qu’il ne pourrait plus rentrer dans son village d’origine sous peine de mettre en péril sa sécurité et son intégrité physique. Quant à sa situation dans la ville de Skikda, où il a cherché refuge et résidé pendant neuf mois, il soutient avoir été « surveillé » par la « sécurité militaire » qui « doutait de son loyalisme » et l’aurait soupçonné de faire partie d’un groupement terroriste.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures contentieuse et gracieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater en premier lieu que des terroristes non autrement identifiés ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et que le demandeur n’a nullement établi que les autorités chargés d’assurer la sécurité publique ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de l’Algérie. Au contraire, il apparaît à travers le récit du demandeur que depuis qu’il s’est installé dans la ville de Skikda, il n’a plus été réellement inquiété par les terroristes, c’est-à-dire qu’il a pu trouver refuge à l’intérieur de son pays d’origine.

En ce qui concerne le reproche dirigé à l’encontre des autorités militaires ou policières en raison d’une prétendue méfiance et d’une « surveillance accrue » à son encontre, force est de constater que ce faisant le demandeur exprime une crainte essentiellement vague et non circonstanciée, pour le surplus non confortée par un quelconque élément de preuve tangible, mais en outre, même à admettre le fait d’une surveillance policière, pareil fait est à lui seul insuffisant pour s’analyser en une persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 18 mars 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17205
Date de la décision : 18/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-18;17205 ?

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