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18/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16947

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 mars 2004, 16947


Numéro 16947 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2003 Audience publique du 18 mars 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée H., … contre 1. un règlement pris par la commune d’Ermsdorf 2. un arrêté d’approbation du Grand-Duc 3. une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur en matière de règlement communal

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16947 du

rôle, déposée le 29 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat...

Numéro 16947 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2003 Audience publique du 18 mars 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée H., … contre 1. un règlement pris par la commune d’Ermsdorf 2. un arrêté d’approbation du Grand-Duc 3. une décision d’approbation du ministre de l’Intérieur en matière de règlement communal

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16947 du rôle, déposée le 29 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée H., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Diekirch sous le numéro B …, tendant à l’annulation, sinon à la réformation 1. du règlement communal adopté le 3 juillet 2003 par le conseil communal de la commune d’Ermsdorf et portant introduction d’une taxe à raison d’un euro par tonne pour la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune d’Ermsdorf, 2. de l’arrêté grand-ducal du 18 juillet 2003 portant approbation de ce règlement communal, 3. de l’arrêté du ministre de l’Intérieur du 30 juillet 2003 portant approbation du prédit règlement communal;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 9 septembre 2003 portant signification de ce recours à l’administration communale d’Ermsdorf;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2003;

Vu le mémoire en réponse déposé pour compte de l’administration communale d’Ermsdorf par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2003, ce mémoire ayant été notifié le même jour au mandataire de la société H. s.à r.l.;

Vu le mémoire en réplique déposé pour compte de la société à responsabilité limitée H. par Maître Gaston VOGEL au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003, ce mémoire ayant été notifié le 17 décembre 2003 au délégué du gouvernement et au mandataire de l’administration communale d’Ermsdorf;

Vu le mémoire en duplique déposé pour compte de l’administration communale d’Ermsdorf par Maître Roger NOTHAR au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2004, ce mémoire ayant été notifié le même jour au mandataire de la société H. s.à r.l.;

Vu les pièces versées en cause et notamment les règlement et arrêtés critiqués;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Ferdinand BURG, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, et Jean SCHAUS, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 février 2004.

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LE 29 août 2001, la société à responsabilité limitée H., préqualifiée, ci-après désignée par la « société H. », sollicita une autorisation de construire de la part du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf en vue d’établir un centre régional de gestion de déchets inertes à Ermsdorf sur les parcelles cadastrales 393/202, 398/128 et 405 ainsi qu’une partie de la parcelle 402, inscrites au cadastre de la commune d’Ermsdorf, section E de Brücher et Moserhof, sur une surface totale approximative de 30 ha.

La décision du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf du 22 avril 2002 de refuser l’autorisation de construire sollicitée ayant été annulée par jugement non appelé du tribunal administratif du 30 avril 2003, le dit bourgmestre, auquel le dossier avait été renvoyé, émit une autorisation de construire en faveur du projet prévisé.

En date du 3 juillet 2003, le conseil communal de la commune d’Ermsdorf adopta un règlement communal portant introduction d’une taxe pour la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune d’Ermsdorf.

Cette délibération fut approuvée par arrêté grand-ducal du 18 juillet 2003, ainsi que par décision du ministre de l’Intérieur datant du 30 juillet 2003. Suivant un avis au public datant du 27 août 2003, le collège échevinal de la commune d’Ermsdorf porta à la connaissance du public que la délibération prévisée du 3 juillet 2003 avait été approuvée par arrêté grand-ducal du 18 juillet 2003 et décision du ministre de l’Intérieur du 30 juillet 2003.

Par requête déposée en date du 29 août 2003, la société H. a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation à l’encontre du règlement communal prévisé adopté par le conseil communal de la commune d’Ermsdorf le 3 juillet 2003, de l’arrêté grand-ducal du 18 juillet 2003 approuvant ce règlement et de la décision d’approbation du ministre de l’Intérieur du 30 juillet 2003.

Alors même que le recours sous examen tend principalement à l’annulation des actes prévisés, le tribunal est tenu de vérifier d’abord l’existence d’un recours au fond en la matière, étant donné que l’admissibilité de cette voie de recours entraînerait l’irrecevabilité du recours principal en annulation.

Etant donné qu’il n’est point contesté en cause que l’ensemble des actes déférés revêtent la nature d’actes administratif à caractère réglementaire et que l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif instaure un recours en annulation à l’égard d’actes administratifs à caractère réglementaire, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.

La commune d’Ermsdorf conteste l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de la société H. en faisant valoir que, dans la mesure où la taxe serait due par toute autre personne déchargeant des déchets sur le territoire de la commune d’Ermsdorf et partant également par tout concurrent de la société H., celle-ci n’encourrait aucun risque concurrentiel à répercuter l’augmentation des coûts sur les clients à travers une augmentation de ses tarifs, de manière que ses profits ne seraient point affectés par l’introduction de la taxe incriminée.

Le tribunal est néanmoins amené à constater que le règlement communal déféré du 3 juillet 2003 impose à l’exploitant d’une décharge sur le territoire de la commune d’Ermsdorf certaines obligations administratives en vue de la perception de taxe incriminée. S’y ajoute que, même si la société H. peut répercuter la taxe sur les personnes déposant des déchets à la décharge par elle créée, sa position concurrentielle, et partant également ses perspectives de profit, peuvent être affectées par l’introduction de la taxe. Il s’ensuit que la société H. peut se prévaloir d’un intérêt à agir suffisant pour contester la validité du règlement communal du 3 juillet 2003 et des actes d’approbation y relatifs.

Le délégué du gouvernement soutient que l’acte du ministre de l’Intérieur du 30 juillet 2003 constituerait un simple transmis par lequel il aurait saisi le commissaire de district de la notification de l’arrêté grand-ducal d’approbation du 18 juillet 2003 à l’administration communale d’Ermsdorf, de manière à ne comporter aucun élément décisionnel et qu’aucun recours ne serait en conséquence recevable à son encontre.

Le dit transmis du ministre de l’Intérieur du 30 juillet 2003 est cependant libellé comme suit :

« Transmis à Monsieur le Commissaire de district à Diekirch pour être notifié à l’administration communale intéressée.

Je marque mon accord à la délibération du 3 juillet 2003 pour autant qu’elle y est soumise en vertu de l’article 106 de la loi communale du 13 décembre 1988.

Ladite délibération reste encore à publier en due forme et à reproduire en 7 exemplaires munis du certificat de publication, après quoi il en sera fait mention au Mémorial ».

Cet acte comporte ainsi clairement un volet décisionnel en ce sens que le ministre de l’Intérieur déclare approuver le règlement communal incriminé du 3 juillet 2003 avec la seule restriction de son approbation au domaine de compétence lui conféré par l’article 106 de la loi communale. Le moyen d’irrecevabilité du délégué du gouvernement est partant à écarter.

Il découle des développements ci-avant que le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La société demanderesse fait valoir que le projet de règlement communal adopté par le conseil communal affirmerait que l’impôt communal incriminé serait introduit comme compensation pour les nuisances résultant du fonctionnement de décharges de déchets inertes sur le territoire de la commune d’Ermsdorf, mais qu’en réalité, pareilles nuisances seraient « totalement absentes et n’existent que dans l’imagination vindicative de l’administration communale ». La société demanderesse ajoute que toutes les nuisances possibles auraient déjà été avancées dans le cadre de recours contentieux dirigés contre les autorisations étatiques délivrées en faveur de la décharge en cause mais auraient toutes été rejetées par les décisions juridictionnelles afférentes et que la commune bénéficierait en fait de l’installation de la décharge. Elle conclut que le règlement communal incriminé reposerait sur des considérations totalement arbitraires et devrait en conséquence encourir l’annulation.

La commune d’Ermsdorf rétorque que la taxe incriminée aurait la nature d’un impôt et que les considérants du règlement communal du 3 juillet 2003 ne feraient pas partie du règlement proprement dit, mais renseigneraient simplement sur les appréciations à la base de cet acte réglementaire sans produire un effet juridique, de manière que la société demanderesse ne pourrait pas tirer argument de ces considérants pour sous-tendre sa demande d’annulation dudit règlement du 3 juillet 2003. Elle fait valoir que l’administration communale resterait maître de l’opportunité d’un impôt local et qu’il n’appartiendrait pas à la juridiction administrative d’apprécier l’opportunité d’un règlement communal afférent.

D’après la commune d’Ermsdorf, admettre le pouvoir du juge administratif de sanctionner une erreur d’appréciation reviendrait à introduire la théorie des vices du consentement en la matière, laquelle ne ferait néanmoins pas partie des cas d’ouverture d’une annulation d’un acte administratif à caractère réglementaire. La commune d’Ermsdorf expose encore que la taxe litigieuse serait justifiée par la nécessité et l’intérêt d’obtenir des recettes fiscales supplémentaires afin de pouvoir faire face aux missions lui confiées par la législation applicable et de compenser les incidences de la décharge sur les infrastructures communales et les désagréments de tout genre causés par cette dernière. La commune d’Ermsdorf affirme que le principe d’égalité devant la loi serait respecté en l’espèce, étant donné que le fait générateur de la taxe en cause serait la mise en décharge d’une tonne de déchets, indépendamment de la qualité du débiteur de la taxe et que le montant de la taxe serait fonction du poids déchargé. Elle considère finalement que la taxe litigieuse ne serait pas non plus en conflit avec le paragraphe 1er du Einführungsgesetz zu den Realsteuern car elle ne serait assise ni sur une assise foncière, ni sur le chiffre d’affaires d’une activité économique sur le territoire communal, mais sur le dépôt de déchets sur le territoire communal.

Le délégué du gouvernement fait valoir que l’initiative d’établir des impositions communales appartiendrait aux communes qui jouiraient d’un pouvoir étendu pour fixer leur assiette, leur montant et les modalités d’application et que la seule restriction à cette autonomie résiderait dans l’interdiction d’enfreindre les lois et l’intérêt général, cette même restriction faisant également l’objet du contrôle tutélaire par l’autorité supérieure. Le représentant étatique estime que le raisonnement de la société demanderesse pêcherait par le fait que son allégation d’absence de nuisances serait limitée à une seule décharge implantée à un endroit précis et sur des décisions juridictionnelles devant être situées dans le cadre des législations respectives, mais que l’aménagement et l’exploitation d’une décharge causerait incontestablement des inconvénients non négligeables à une commune et à ses habitants, notamment en termes de trafic supplémentaire, de poussière et de bruit, de manière que, dans la mesure où toute mesure à prendre dans ce contexte irait à charge du budget communal, les autorités communales pourraient valablement décider l’introduction d’un impôt en relation avec cette nouvelle activité. Le délégué du gouvernement relève que la commune de Mompach aurait introduit déjà en l’année 1994 une taxe pour la mise en décharge de déchets sans que la décharge y exploitée n’ait été abandonnée pour motifs économiques. Il conclut que le Grand-Duc n’aurait eu aucun motif valable pour refuser son approbation au règlement communal litigieux du 3 juillet 2003, étant donné que la taxe en cause n’aurait pas « été « inventée » pour punir la requérante mais [qu’] il s’agit d’une taxe à charge de toute personne physique et morale qui dépose des déchets inertes en un endroit du territoire de la commune d’Ermsdorf spécialement désigné à cet effet ».

La société demanderesse fait répliquer qu’elle serait seule concernée par la taxe incriminée et que le délégué du gouvernement aurait reconnu que son introduction serait en relation avec la décharge par elle exploitée, de manière que le règlement critiqué du 3 juillet 2003 serait discriminatoire et devrait encourir l’annulation de ce fait. Elle affirme que, même si l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire concernant certains actes, ceux-ci ne pourraient jamais être arbitraires, mais être fondés sur des raisons valables en fait et en droit et qu’il incomberait également en ce qui concerne les actes administratifs à caractère réglementaire au juge administratif d’examiner l’existence et l’exactitude des faits à la base de l’acte et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement l’acte attaqué. Elle renvoie aux considérants du règlement incriminé du 3 juillet 2003 dont il résulterait que la taxe contestée serait destinée à compenser les nuisances résultant du fonctionnement de décharges sur le territoire communal et elle rappelle « que la problématique des nuisances a fait l’objet d’une analyse approfondie et complète dans le cadre des procédures d’annulation mises en œuvre contre les divers arrêtés ministériels.

Aucune nuisance n’a pu être retenue ». Elle insiste sur le fait que « toutes ces prétendues nuisances ont été scrupuleusement examinées » par les juridictions administratives qui ont rejeté, en confirmant partiellement les explications et moyens en ce sens déployés par l’Etat, l’existence de différents chefs de nuisances, démontrant que le règlement déféré aurait été pris pour des raisons partisanes et arbitraires. La société demanderesse signale finalement que le dit règlement aurait été adopté quelques jours seulement après que le jugement d’annulation du refus d’autorisation de construire pour la décharge en cause du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf aurait acquis autorité de chose jugée et que l’imposition de la taxe d’un euro par tonne l’obligerait à facturer des prix à raison de 30 % supérieurs à ceux d’autres déchetteries, de manière à la mettre dans un désarroi financier et de permettre à la commune d’ « obtenir par la voie financière ce que la voie administrative lui avait refusé ».

La commune d’Ermsdorf fait dupliquer que les décisions juridictionnelles auxquelles la société demanderesse renvoie pour étayer son affirmation d’une absence de nuisances en provenance de la décharge par elle exploitée se seraient situées dans un cadre de modalités de jouissance de la propriétaire immobilière par un individu et qu’en cette matière, le postulat fondamental en droit luxembourgeois reconnaîtrait à l’individu les pleins pouvoirs sur sa propriétaire foncière, tandis que les lois et les autorités publiques ne seraient admises à restreindre ce droit que dans la mesure où leur intervention s’imposerait sur base d’un arbitrage entre le droit de propriété individuelle et le respect de l’environnement i.e. de l’intérêt général. Dans la mesure où seules les nuisances plus graves pourraient justifier une intervention des autorités publiques, le constat à la base du règlement communal déféré du 3 juillet 2003 de la création de charges et de nuisances par l’exploitation d’une décharge ne serait pas en contradiction avec les motifs à la base des décisions juridictionnelles susvisées.

La commune fait valoir qu’alors que l’objectif d’une législation relative à la protection de l’environnement tendrait à éviter une pollution, une taxe sur le dépôt de déchets agirait seulement en aval et aurait pour finalité de lui permettre d’assumer, à travers des rentrées financières, ses devoirs directement ou indirectement liés à la sauvegarde de l’environnement en général, à l’hygiène et la salubrité publiques. Elle conteste que le rôle du juge de l’annulation pourrait s’étendre au contrôle de l’opportunité d’un impôt, aucune disposition légale ne soumettant son introduction à une motivation. Elle renvoie finalement à l’existence d’impôts similaires dans d’autres communes pour voir réfuter l’argumentation de la société demanderesse relative à l’incidence financière de la taxe litigieuse.

L’article 99 de la Constitution dispose notamment que « aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal – La loi détermine les exceptions dont l’expérience démontrera les nécessités relativement aux impositions communales ».

Aux termes de l’article 102 de la Constitution, « hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens ou des établissements publics qu’à titre d’impôts au profit de l’Etat ou de la commune ».

L’article 107 de la Constitution dispose dans ses paragraphes (1), (3) et (6) :

« (1) Les communes forment des collectivités autonomes, à base territoriale, possédant la personnalité juridique et gérant par leurs organes leur patrimoine et leurs intérêts propres. (..) (3) Le conseil établit annuellement le budget de la commune et en arrête les comptes.

Il fait les règlements communaux, sauf les cas d’urgence. Il peut établir des impositions communales, sous l’approbation du Grand-Duc. Le Grand-Duc a le droit de dissoudre le conseil.

(6) La loi règle la surveillance de la gestion communale. Elle peut soumettre certains actes des organes communaux à l’approbation de l’autorité de surveillance et même en prévoir l’annulation ou la suspension en cas d’illégalité ou d’incompatibilité avec l’intérêt général, sans préjudice des attributions des tribunaux judiciaires ou administratifs ».

Ces dispositions combinées de la Constitution consacrent le principe de l’autonomie fiscale des communes et attribuent à ces dernières l’initiative d’établir des taxes et impositions et de déterminer librement leur assiette, leur montant ainsi que les modalités d’application et d’exemption (cf. CE 18 mai 1982, Liesch, n° 7069 : « Considérant par ailleurs que les articles 99 et 102 de la Constitution confèrent expressément et sans restrictions le droit aux conseils communaux d'établir des impositions dans la mesure de leurs besoins, sauf les exceptions prévues par la loi »).

Ce pouvoir autonome des communes est d’abord précisé par les articles 99 et 107 (3) de la Constitution qui attribuent la compétence exclusive pour l’instauration d’un impôt au conseil communal, sauf les exceptions prévues par la loi. Ce même pouvoir se voit circonscrit par l’article 102 de la Constitution prohibant des rétributions sous des formes autres qu’un impôt et par l’article 107 (6) de la Constitution qui autorise le législateur à instaurer un contrôle de la part de l’autorité supérieure sur tout impôt instauré par une commune et sur les modifications apportées à son régime.

L’autonomie fiscale communale est limitée par la nécessité de respecter la Constitution, dont notamment les libertés publiques et les droits fondamentaux, les lois et d’être conforme à l’intérêt général, tout comme elle ne doit pas porter atteinte aux libertés fondamentales consacrées par le Traité sur l’Union européenne et à la législation communautaire.

L’impôt est défini au § 1 de la loi générale des impôts comme suit: « Steuern sind einmalige oder laufende Geldleistungen, die nicht eine Gegenleistung für eine besondere Leistung darstellen und von einem öffentlich-rechtlichen Gemeinwesen zur Erzielung von Einkünften allen auferlegt werden, bei denen der Tatbestand zutrifft, an den das Gesetz die Leistungspflicht knüpft. Zölle fallen darunter; nicht darunter fallen Gebühren für besondere Inanspruchnahme der Verwaltung und Beiträge (Vorzugslasten) ». La caractéristique de l’impôt réside ainsi dans l’absence d’un lien causal entre l’impôt et une prestation publique déterminée et dans la finalité d’alimenter le budget général à travers la création d’une source de recettes nouvelle.

Il se dégage des développements ci-avant qu’une commune jouit d’une large liberté pour taxer les personnes, les choses et les faits se situant ou se déroulant sur son territoire sous la seule condition que l’impôt créé puisse procurer des recettes fiscales destinées à alimenter le budget général et que la commune est limitée dans ses choix uniquement par le respect nécessaire de toutes les dispositions d’essence supérieure susvisées. Il s’ensuit également que la validité d’un impôt communal n’est pas conditionnée par l’existence d’une cause justificative précise et objectivement vérifiable et de ses incidences quantifiables sur le budget communal, mais que la justification à la base d’un impôt communal revêt un caractère plutôt politique.

Cette interprétation des dispositions relevantes de la Constitution trouve son application à travers de la loi communale du 13 décembre 1988 qui, dans son article 29, confère au conseil communal la compétence pour faire les règlements communaux et qui, dans son article 105, soumet à l’approbation du Grand-Duc les délibérations des conseils communaux relatives à l’établissement, au changement et à la suppression des impositions communales et les règlements y relatifs, mais qui ne comporte pas d’autres restrictions à l’autonomie fiscale ainsi accordée aux communes.

Par voie de conséquence, la question de savoir si les « nuisances résultant du fonctionnement de décharges de déchets inertes sur le territoire de la commune d’Ermsdorf », dont la compensation nécessaire est indiquée dans la délibération du 3 juillet 2003 comme motif à la base de l’introduction de la taxe litigieuse, sont réelles et d’un niveau suffisant pour justifier cette dernière reste sans incidence sur la validité du règlement incriminé du 3 juillet 2003 qui est le résultat du libre arbitre du conseil communal de soumettre à un impôt communal un fait se déroulant sur le territoire communal. Le moyen de la société demanderesse que le règlement communal serait fondé sur des raisons non vérifiées en fait et en droit est à écarter pour manquer de fondement.

Concernant le caractère discriminatoire de la taxe avancé par la société demanderesse, il ressort des articles 1er et 2 du règlement déféré du 3 juillet 2003 que l’assiette de la taxe est la mise en décharge de déchets inertes sur le territoire de la commune d’Ermsdorf et que toute personne physique ou morale dûment autorisée ou dispensée d’autorisation conformément à la loi qui dépose des déchets inertes en un endroit du territoire de la commune d’Ermsdorf spécialement désigné à cet effet par les autorités communales est redevable de cette taxe. S’il est vrai qu’à l’heure actuelle la décharge exploitée par la société demanderesse est la seule tombant dans le champ d’application du règlement prévisé du 3 juillet 2003, il n’en reste pas moins que ce dernier définit son assiette sans restriction territoriale et les personnes assujetties d’une manière impersonnelle, de manière à viser également toute décharge qui serait installée dans le futur sur le territoire communal, limite géographique naturelle de la compétence du conseil communal de la commune d’Ermsdorf. Ce règlement ne peut partant pas être considéré comme étant discriminatoire à l’égard de la société demanderesse dont le moyen afférent est ainsi à rejeter.

Quant à l’impact financier allégué de la taxe litigieuse, la société demanderesse reste en défaut d’établir concrètement, au-delà de son affirmation non autrement étayée que l’imposition de la taxe d’un euro par tonne l’obligerait à facturer des prix à raison de 30 % supérieurs à ceux d’autres déchetteries et la mettrait dans un désarroi financier, l’incidence de cette même taxe sur la position par rapport à d’autres décharges, de manière que le tribunal n’a pas été mis en mesure de vérifier si la dite taxe a un caractère prohibitif et empêche en réalité l’exploitation de la décharge de la société demanderesse. Le moyen y relatif est ainsi également à rejeter comme non fondé au stade actuel d’instruction du dossier.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la société demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 18 mars 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16947
Date de la décision : 18/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-18;16947 ?

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