La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17701

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2004, 17701


Tribunal administratif Numéro 17701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2004 Audience publique du 17 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité roumaine, actuellem...

Tribunal administratif Numéro 17701 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2004 Audience publique du 17 mars 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17701 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2004 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité roumaine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de la Justice du 25 février 2004 prorogeant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de l'arrêté en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2004 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2004.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Monsieur … fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 29 janvier 2004, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté ministériel du 25 février 2004, cette mesure de rétention administrative fut prorogée pour la durée d'un mois sur base des considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 29 janvier 2004 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il a présenté une demande d’asile en France en date du 12 août 2003 ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge a été adressée aux autorités françaises à plusieurs reprises ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 8 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel de prorogation prévisé du 25 février 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 25 février 2004. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que le ministre avait connaissance du fait qu’il a déposé une demande d’asile territorial en France en date du 12 août 2003 et que partant aucune circonstance de fait n’aurait empêché les autorités luxembourgeoises de l’éloigner vers la France. Il reproche aux autorités luxembourgeoises de ne pas avoir entrepris promptement des diligences suffisantes en vue de l’organisation et de l’exécution matérielle de son éloignement vers la France et il conclut partant à la réformation de l’arrêté ministériel litigieux pour défaut d’accomplissement des diligences nécessaires dans un délai raisonnable. Il se réfère plus particulièrement à cet égard à la possibilité de refoulement qui existerait par application des dispositions de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, ceci en conformité avec les accords de réadmission France-Benelux du 16 avril 1764 (sic), prévoyant la possibilité pour les signataires de renvoyer un étranger en situation irrégulière vers le territoire de l’autre Etat si l’Etat requis démontre la présence de l’étranger sur le territoire d’un autre Etat membre tel que cela serait le cas en l’espèce. Le demandeur reproche en outre à l’autorité administrative de rester en défaut de justifier d’une nécessité absolue pour procéder à la prorogation d’une décision de rétention sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée et conclut pour le surplus au caractère tout à fait disproportionné de son placement au Centre pénitentiaire de Schrassig au regard de sa situation personnelle, étant donné que le régime auquel il serait soumis audit centre serait identique à celui des détenus de droit commun à l’exception du droit limité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail. Dans la mesure où il aurait été placé dans un premier temps dans la partie des détenus de droit commun, il y aurait dès lors eu en l’espèce une violation de l’article 15 prévisé compte tenu du caractère inapproprié du lieu de placement.

Le délégué du Gouvernement relève à cet égard que par courrier du 6 février 2004, les autorités luxembourgeoises ont demandé la reprise en charge du demandeur auprès des autorités françaises en se référant à sa demande d’asile territorial présentée en France, mais que par télécopie du 23 février 2004, les autorités françaises ont refusé de faire droit à cette requête. Il signale que le ministre a poursuivi ses diligences en vue de l’éloignement du demandeur par une demande du 3 mars 2004 adressée aux autorités françaises pour solliciter la reprise de l’intéressé en indiquant comme base légale l’accord de réadmission France-

Benelux de 1964. Il fait valoir pour le surplus qu’il ne serait pas contesté en cause que Monsieur … est en situation irrégulière et qu’il subit une mesure de rétention administrative sur base de l’article 15 prévisé de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, de manière à rentrer directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Il signale en outre qu’au vu de l’existence d’engagements conclus par le Luxembourg avec les autres Etats membres de l’Union européenne, il ne serait pas admissible qu’une personne en séjour irrégulier dans un pays soit simplement refoulée vers la frontière d’un autre pays. Il conteste pour le surplus les affirmations du demandeur suivant lesquelles il serait soumis au régime des détenus de droit commun, étant donné qu’il serait placé en fait au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière.

Conformément aux dispositions de l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, une mesure de placement peut « en cas de nécessité absolue être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois. » Il se dégage du libellé de la disposition légale prérelatée que le tribunal, appelé à statuer par rapport à une décision de prorogation d’une mesure de placement, doit analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rendait la prorogation de la décision de placement inévitable.

A cet égard le demandeur reproche aux autorités luxembourgeoises de rester en défaut de justifier de la nécessité absolue de proroger la mesure de placement pour la durée d’un mois.

Il y a lieu de relever liminairement que le demandeur ne conteste pas que les conditions de fond d’un refoulement, se trouvant nécessairement à la base de l’arrêté de placement entrepris à défaut d’arrêté d’expulsion, se trouvent réunies en l’espèce.

Il est en outre constant en cause que le demandeur a déposée en France une demande d’asile territorial en date du 12 août 2003.

S’il est certes vrai que l’asile territorial est une forme de protection subsidiaire mise en œuvre en France par une loi spécifique de manière à ne pas trouver son fondement directement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951, il y a cependant lieu d’admettre que le ministre de la Justice, eu égard à la finalité de protection recherchée et à l’objet général de la demande posée en France, en l’occurrence une demande en obtention d’asile, a valablement pu avoir recours dans un premier temps aux instruments de droit international régissant spécifiquement les droits et obligations des Etats membres de l’Union européenne face aux ressortissants d’Etats tiers ayant déposé une demande d’asile sur le territoire de l’Union européenne, voire, à la suite d’un échec essuyé sur ce terrain, aux mécanismes spécifiques mis en place par un accord de réadmission avec la France, des instruments internationaux de ce type devant en effet trouver application prioritaire, conformément au principe que la loi spéciale déroge à la loi générale.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que préliminairement à l’exécution de toute mesure d’éloignement, le ministre a d’abord sollicité l’accord des autorités françaises en vue de la reprise de Monsieur … afin de procéder d’un commun accord avec les autorités étrangères à son transfert.

A cet égard, il ressort des éléments du dossier administratif que les autorités françaises ont refusé par courrier du 23 février 2004 de faire droit à la demande de reprise leur adressée par les autorités luxembourgeoises le 6 février 2004, de sorte qu’au vu du refus ainsi essuyé en raison d’une question d’applicabilité en l’espèce du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, la condition de la nécessité absolue pour procéder à la prorogation d’une mesure de rétention était remplie à la date de la prise de l’arrêté ministériel litigieux le 25 février 2004.

Dans la mesure où le ministre a recontacté les autorités françaises en date du 3 mars 2004 en invoquant à l’appui de sa demande une nouvelle base légale, en l’occurrence un accord de réadmission France-Benelux du 16 avril 1964, il n’y a pas lieu de reprocher en l’espèce au ministre de ne pas avoir entrepris des démarches suffisantes en vue d’assurer l’éloignement du demandeur vers la France dans les meilleurs délais, ceci d’autant plus que l’accord de reprise est intervenu par courrier des autorités françaises datant du 12 mars 2004 et que partant l’éloignement de l’intéressé peut désormais avoir lieu dans les plus brefs délais.

Finalement, il est constant que par application de la décision litigieuse Monsieur … a été placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière créé par règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, précité.

Concernant le caractère approprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, il échet de constater que par ledit règlement grand-ducal, modifiant le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires, le Gouvernement a entendu créer, en application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 précitée, un Centre de séjour où peuvent être placées, sur ordre du ministre de la Justice, en application de l’article 15 précité, certaines catégories d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour lesquelles ledit Centre de séjour provisoire est considéré comme un établissement approprié en attendant leur éloignement du territoire luxembourgeois.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir rapporté un quelconque élément tangible permettant de conclure au caractère inapproprié dudit Centre de séjour par rapport à son cas spécifique, voire d’établir que par application de la décision de placement litigieuse datant du 25 février 2004 il aurait encore été placé dans la partie des détenus de droit commun, le moyen tenant au caractère inapproprié du lieu de placement retenu en l’espèce laisse d’être fondé.

Au vu de ce qui précède, le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute , condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17701
Date de la décision : 17/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-17;17701 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award