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17/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17070

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2004, 17070


Tribunal administratif N° 17070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2003 Audience publique du 17 mars 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17070 du rôle et déposée le 20 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur …, de nationalité marocaine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformat...

Tribunal administratif N° 17070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2003 Audience publique du 17 mars 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17070 du rôle et déposée le 20 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité marocaine, demeurant à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 27 août 2003 portant refus dans son chef d’un permis de travail par lui sollicité en tant que aide-cuisinier plongeur auprès de la société à responsabilité limitée … S.àr.l., établie à L-…, ainsi que de la décision confirmative dudit ministre du 10 septembre 2003 suite à un recours gracieux introduit par la S.àr.l. … par lettre du 1er septembre 2003 pour le compte du demandeur ;

Vu la lettre télécopiée de Maître BELESGAA du 15 mars 2004, informant le tribunal de ce qu’elle ne pourrait pas se présenter à l’audience du même jour fixée pour les plaidoiries de l’affaire et précisant que l’affaire pourrait être prise en délibéré ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport.

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En date du 29 avril 2003, la société à responsabilité limitée H. S.àr.l. licencia Monsieur … avec effet au 30 juin 2003. Celui-ci présenta alors le 18 août 2003 une demande en obtention d’un permis de travail pour un poste d’aide-cuisinier plongeur auprès de la société à responsabilité limitée … S.àr.l., laquelle demande fut refusée par le ministre suivant arrêté du 27 août 2003, « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes:

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place: 2052 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 18.08.2003 - changement d’employeur non autorisé ».

Par lettre du 1er septembre 2003, la société à responsabilité limitée … S.àr.l. introduisit, pour le compte du demandeur, un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 27 août 2003.

Le recours gracieux s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 10 septembre 2003, Monsieur … a fait introduire, par requête déposée le 20 octobre 2003, un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation des décisions ministérielles précitées des 27 août et 10 septembre 2003.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre les décisions litigieuses. En effet, comme l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Aucun texte de loi ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance du demandeur, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ailleurs, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, la non-représentation de l’avocat constitué pour le demandeur à l’audience fixée pour les débats oraux ne porte pas à conséquence, le demandeur ayant pris position par écrit par le fait de déposer la requête introductive d’instance, de sorte que le tribunal statuera contradictoirement à son égard.

A l’appui de son recours, concernant les motifs de refus tirés de la prétendue disponibilité concrète de main d’œuvre et de la priorité des ressortissants de l’Espace Economique Européen, le demandeur reproche au ministre de ne pas s’être référé avec précision à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi ayant existé au moment où la décision a été prise, de s’être limité à reprendre comme seuls motifs de refus les formules générales et abstraites prévues par la loi, sans préciser les raisons concrètes qui l’ont amené à prendre sa décision, cette attitude devant être considérée comme une absence de motivation mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’arrêté attaqué. Le demandeur estime encore que l’administration de l’Emploi se serait bornée à faire état du nombre d’ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi, sans tenir compte de la situation particulière ayant existé à ce moment dans la profession d’aide-cuisinier pour laquelle le permis aurait été sollicité, de sorte qu’elle n’aurait pas rapporté concrètement la preuve de la présence d’une main-d’œuvre disponible et prioritaire. Il conteste encore la réalité du motif de refus tiré de l’absence de déclaration de poste vacant, le poste ayant été déclaré vacant par l’employeur, mais que les candidats assignés par l’administration de l’Emploi n’auraient pas correspondu au profil recherché. Il fait valoir que l’omission d’une telle déclaration ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis de travail. Enfin, il expose que la prétendue occupation irrégulière depuis le 18 août 2003 résultant d’un changement d’employeur non autorisé ne saurait non seulement pas justifier le refus, mais qu’il n’aurait pas été occupé de façon irrégulière alors que toutes les formalités auraient été accomplies par l’employeur pour que le demandeur puisse obtenir un permis de travail.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base d’une décision administrative qui lui est soumise et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf.

trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 10, et autres références y citées).

En l’espèce, en l’absence d’une prise de position de l’administration produite en cause et faute par elle d’avoir produit le dossier administratif, tel qu’exigé par l’article 8 (5) de la loi précitée du 21 juin 1999, le tribunal n’est pas en mesure de vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’arrêté ministériel du 27 août 2003 et de la décision confirmative du 10 septembre 2003 face aux affirmations du demandeur, c’est-à-dire de vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure administrative prise à l’égard du demandeur est valablement justifiée au regard des dispositions légalement applicables.

Il suit des considérations qui précèdent relativement à l’impossibilité de la juridiction saisie d’exercer son contrôle sur les éléments de fait et de droit que l’arrêté ministériel du 27 août 2003 et la décision confirmative du 10 septembre 2003 encourent l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule l’arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 27 août 2003 et la décision confirmative du 10 septembre 2003 dudit ministre rendue sur recours gracieux et renvoie l’affaire devant ledit ministre pour prosécution ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 17 mars 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17070
Date de la décision : 17/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-17;17070 ?

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