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17/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17061

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2004, 17061


Tribunal administratif N° 17061 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2003 Audience publique du 17 mars 2004

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Recours formé par Madame …, épouse …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière d’instructeur d’auto-école

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17061 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2003 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, fonctionnaire communale, demeurant à L-…...

Tribunal administratif N° 17061 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 octobre 2003 Audience publique du 17 mars 2004

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Recours formé par Madame …, épouse …, … contre deux décisions du ministre des Transports en matière d’instructeur d’auto-école

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17061 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2003 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, épouse …, fonctionnaire communale, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux décisions du ministre des Transports des 26 juin et 18 août 2003 lui accordant l’agrément de compagnon-instructeur dans la mesure où cet agrément ministériel est limité à l’enseignement théorique et « au minimum [sic] à deux leçons d’une heure à raison de deux fois par semaine » ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique CLEMENT, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING, en sa plaidoirie.

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En date du 1er juillet 1999, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg a autorisé Madame …, épouse …, chauffeur d’autobus principal, à exercer temporairement l’activité d’instructeur d’auto-école pour compte de Monsieur … de …, en précisant que cette activité devra se limiter à la dispense de cours théoriques qui ne pourront se tenir qu’au maximum deux fois par semaine pendant deux heures et que cette occupation accessoire ne devra en aucun cas porter préjudice à son emploi de chauffeur d’autobus.

Le 2 août 2002, le ministre des Transports a rencontré la demande d’agrément d’instructeur de candidats-conducteurs de véhicules automoteurs, présentée par Madame …, comme suit :

« Madame, Après avoir pris connaissance de l’ensemble de votre dossier, dont notamment les différents courriers échangés avec Maître Henri Frank et l’avis de la Chambre des Métiers du 25 avril 2000, j’ai l’honneur de vous informer suite à l’entrevue du 10 juillet 2000 avec Monsieur …, instructeur d’auto-école, de ma prise de position afférente.

Il résulte de par sa nature et son objectif que la profession d’instructeur requiert un parallélisme soutenu entre l’enseignement de l’instruction théorique et l’enseignement de l’instruction pratique. L’expérience démontre clairement que la qualité de l’instruction n’est assurée que lorsque ce corollaire est rempli.

Aussi suis-je d’accord à la lumière des avis favorables tant de la Chambre des Métiers que de votre employeur, pour vous délivrer un agrément d’instructeur pour enseigner l’art de conduire dans l’auto-école gérée par Monsieur …, à condition que le temps consacré à cette tâche porte sur au moins une journée de travail par semaine se répartissant à raison d’un quart sur l’enseignement de la théorie et à raison de trois quarts sur l’instruction pratique.

Il est sous-entendu qu’il vous incombe de solliciter l’accord préalable pour ce faire auprès du Collège échevinal de la Ville de Luxembourg.

Conformément à l’article 5 du règlement ministériel modifié du 29 mai 1992 déterminant l’exercice de la profession d’instructeur de candidats-conducteurs de véhicules automoteurs vous êtes obligée de vous soumettre aux épreuves portant sur les connaissances théoriques et pratiques en vue de la délivrance de cet agrément.

Veuillez agréer, (…) » .

Suite à la réussite de l’intéressée aux examens théorique et pratique en vue de l’obtention éventuelle de l’agrément ministériel d’instructeur, Madame … s’est vu adresser le 28 février 2002 le courrier ministériel suivant :

« Madame, Par la présente, j’ai l’honneur de confirmer votre réussite aux épreuves théorique et pratique de l’examen d’instructeur d’auto-école, prévues à l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 août 2000 déterminant le contenu de l’instruction préparatoire aux examens du permis de conduire ainsi que l’exercice de la profession d’instructeur de candidats-conducteurs de véhicules automoteurs.

La délivrance de l’agrément ministériel afférent reste néanmoins conditionnée à l’accord du Conseil échevinal de la Ville de Luxembourg, quant à la possibilité d’exercer une deuxième activité professionnelle pendant au moins une journée de travail par semaine, se répartissant à raison d’un quart sur l’enseignement de la théorie et à raison de trois quarts sur l’instruction pratique (voir mon courrier du 2 août 2000 joint en annexe).

Je vous prie de croire, Madame, … » .

Une réclamation du mandataire de Madame … du 3 mai 2002 ayant été rejetée par le ministre par décision du 10 juin 2002, Madame … fit introduire un recours devant le tribunal administratif en date du 9 août 2002, ce recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles des 28 février et 10 juin 2002.

Par jugement du 20 janvier 2003, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du recours en réformation, mais il reçut le recours subsidiaire en la forme, le déclara justifié, annula les décisions déférées dans la mesure de la double condition y portée consistant dans l’exercice de l’activité professionnelle, accessoire, dont s’agit pendant au moins une journée de travail par semaine, se répartissant à raison d’un quart sur l’enseignement de la théorie et à raison de trois quarts sur l’instruction pratique et renvoya le dossier devant le ministre des Transports.

Les considérations à la base de la décision d’annulation étaient les suivantes :

« Considérant que s’il est vrai, tel que l’avance le ministre à travers son courrier précité du 10 juin 2002, que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 août 2000 en question, précise que l’agrément ministériel porte tant sur l’enseignement théorique que sur l’enseignement pratique, cette disposition réglementaire se confine à l’exigence y exprimée suivant laquelle pour les deux aspects en question de l’activité professionnelle de l’instructeur de candidats-conducteurs un agrément ministériel est requis ;

Considérant que ni ledit article 6, ni aucune autre disposition du règlement grand-ducal du 8 août 2000 n’apparaissent comme érigeant une durée minimale d’exercice professionnel par semaine en condition d’obtention de l’agrément ministériel y prévu, ni ne prévoient un dosage par plages horaires des activités respectives d’enseignement théorique et d’enseignement pratique ;

Que force est dès lors au tribunal de retenir que les conditions incriminées par la demanderesse ont été posées au-delà des exigences portées par la réglementation du 8 août 2000 en vigueur ;

Que les décisions ministérielles déférées encourent en conséquence l’annulation dans la mesure où elles sont déférées au tribunal, étant entendu que les conditions critiquées par la demanderesse s’analysent en éléments détachables de l’agrément ministériel multiconditionnel non critiqué pour le surplus ;

Qu’il s’ensuit encore que l’annulation prononcée n’affecte point le principe de l’obtention d’une autorisation de l’employeur, tout comme le recours n’est pas dirigé contre celle d’ores et déjà délivrée le 14 juillet 1999 concernant notamment les limites y posées ; ».

Ce jugement n’ayant pas été frappé d’appel, Madame WEIS fit intervenir auprès du ministre des Transports en date des 21 mai et 11 juin 2003 en vue de la délivrance d’un nouvel agrément ministériel.

Le 26 juin 2003, le ministre des Transports délivra à Madame WEIS un agrément de compagnon-instructeur valable jusqu’au 26 juin 2005, lequel agrément précise qu’il est « uniquement valable pour l’enseignement théorique, limité au maximum à 2 leçons d’une heure à raison de 2 fois par semaine ».

Par lettre de son mandataire du 14 juillet 2003, Madame … réclama contre la restriction apportée à son agrément, restriction qu’elle soutint être illégale pour constituer « une nouvelle fois » une exigence allant au-delà de la réglementation du 8 août 2000 et pour solliciter la délivrance d’un « agrément sans restriction ».

Par lettre du 18 août 2003, le ministre des Transports rencontra ce recours gracieux dans les termes suivants :

« Maître, Votre courrier du 14 juillet 2003 en rapport avec l’affaire émargée m’est bien parvenu.

Vous y contestez la restriction inscrite sur l’agrément ministériel d’instructeur délivré à votre mandante en date du 26 juin 2003 au motif que cette limitation serait contraire aux errements du jugement du tribunal administratif du 20 janvier 2003 dans cette affaire.

Dans son jugement précité, le tribunal administratif a annulé les décisions antérieures de refus de délivrance de l’agrément ministériel d’instructeur sollicité par votre cliente, basées sur la double condition consistant dans l’exercice de cette activité professionnelle accessoire pendant au moins une journée par semaine, se répartissant à raison d’un quart sur l’enseignement de la théorie et à raison de trois quarts sur l’instruction pratique.

Il a été donné suite à ce jugement par la délivrance, le 26 juin 2003, de l’agrément ministériel en question à Madame ….

La mention restrictive figurant sur l’agrément ministériel de votre mandante ne fait que reprendre les conditions dont est assortie l’autorisation du 30 septembre 1999 du collège échevinal de la Ville de Luxembourg (copie en annexe) qui constitue un préalable indispensable à l’exercice de l’activité professionnelle accessoire d’instructeur ainsi qu’à la délivrance de l’agrément ministériel requis pour ce faire.

Le jugement du tribunal administratif du 20 janvier 2003 que vous invoquez reste muet à ce sujet.

J’en déduis que l’agrément ministériel d’instructeur a été délivré à votre mandante dans le respect des formes légales requises.

Veuillez croire, Maître, à l’expression de ma parfaite considération ».

Par requête déposée le 17 octobre 2003, Madame … a saisi le tribunal administratif d’un recours contentieux tendant à la réformation sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 26 juin et 18 août 2002.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait soutenir que tout comme les deux premières décisions qui ont été annulées par la juridiction administrative, les décisions litigieuses seraient viciées en ce qu’il ne se dégage d’aucune disposition légale « que le Ministre serait en droit de fixer un minimum (sic) par rapport aux leçons à donner ou encore à fixer le nombre de cours par semaine » et « qu’en posant la restriction incriminée, le Ministre a posé une nouvelle fois des exigences qui dépassent la réglementation du 8 août 2000 en vigueur ».

Même si l’Etat n’a pas comparu dans le délai légal prévu à l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il n’en reste pas moins que, conformément à son article 6, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

QUANT AU RECOURS PRINCIPAL EN REFORMATION Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

QUANT AU RECOURS SUBSIDIAIRE EN ANNULATION Le recours en annulation ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Le recours est également fondé.

En effet, sans remettre en question l’obligation parallèle au titre de laquelle l’exercice de l’activité professionnelle d’instructeur à titre accessoire requiert l’accord de l’employeur de la demanderesse, force est de constater que cette obligation, faute de disposition légale ou réglementaire l’érigeant en condition préalable pour l’octroi de l’agrément ministériel des instructeurs de candidats-conducteurs, ne relève que des rapports entre l’employé et l’employeur.

Ainsi, s’il est vrai qu’à travers le recours sous examen et son objet spécifique, Madame … ne saurait tendre à remettre en cause la validité de l’autorisation lui délivrée par son employeur le 14 juillet 1999 et des limitations y spécifiées, il n’en reste pas moins que l’existence de cette autorisation ne saurait justifier que le ministre des Transports, lequel est nécessairement cantonné dans les limites de ses attributions spécifiques, restreigne la validité de l’agrément délivré par l’introduction d’une limitation qui n’est pas prévue par les dispositions spécifiques gouvernant l’agrément ministériel des instructeurs de candidats-conducteurs.

Par conséquent, les décisions ministérielles déférées encourent l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions du ministre des Transports des 26 juin et 18 août 2003 accordant à Madame … l’agrément de compagnon-instructeur dans la mesure où ledit agrément est limité d’une façon non légalement prévue ;

renvoie le dossier devant le ministre des Transports pour exécution ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 17 mars 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17061
Date de la décision : 17/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-17;17061 ?

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