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15/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17700

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2004, 17700


Tribunal administratif Numéro 17700 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2004 Audience publique du 15 mars 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17700 du rôle, déposée le 8 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, né le …, de nationalité gambienne, retenu actuellement au Centre de séjour provisoire ...

Tribunal administratif Numéro 17700 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 mars 2004 Audience publique du 15 mars 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17700 du rôle, déposée le 8 mars 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité gambienne, retenu actuellement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 février 2004 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 mars 2004 à 15.00 heures.

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Suite à l’interception de Monsieur … par la police grand-ducale en date du 12 février 2004, le ministre de la Justice, en date du même jour, ordonna à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

1« Vu le rapport n° 27/127/04/HA du 12 février 2004 établi par le Service de Police Judiciaire, section Stupéfiants ;

Considérant que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il n’est pas en possession d’un document de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé a déposé une demande d’asile en France en date du 29 avril 2003 ;

- qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 sera adressée aux autorités françaises dans les meilleurs délais ;

- que dans l’attente de l’accord de reprise un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 12 février 2004.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Le recours est également recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur relève sa qualité de demandeur d’asile en France et soutient qu’aucune circonstance n’aurait empêché son éloignement immédiat vers la France, de sorte qu’il conviendrait de retenir un défaut des autorités luxembourgeoises d’avoir entrepris des diligences nécessaires pour assurer son prompt éloignement. Dans cet ordre d’idées, il relève encore que les autorités françaises auraient marqué leur accord dès le 23 février 2003.

Pour le surplus, il estime que l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 ne serait pas applicable aux demandeurs d’asile et que son placement au « Centre pénitentiaire de Schrassig » et le fait de lui infliger un traitement quasi-identique à celui des détenus de droit commun manqueraient au principe de proportionnalité. Dans ce contexte, il fait état de ce qu’il aurait été placé dans un premier temps ensemble avec des détenus de droit commun et seulement par la suite dans une partie exclusivement réservée aux étrangers en séjour irrégulier. Sur ce, il sollicite la réformation de la décision déférée et sa remise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement rétorque que les autorités luxembourgeoises auraient entrepris des diligences suffisantes en vue d’un éloignement rapide du demandeur. Ainsi, ils auraient contacté les autorités françaises dès le 13 février 2004 en vue de la reprise en charge du demandeur et que suite à l’accord des autorités françaises par lettre datée du 23 février 2004, le transfert aurait été organisé ensemble avec le service de police judiciaire qui doit 2assurer le transfert à partir du Centre de séjour provisoire à la frontière, ledit transfert étant prévu pour le 16 mars 2004 à 10.00 heures.

Il ajoute que la mesure de rétention serait légale au regard du séjour illégal du demandeur au pays, une exécution immédiate ayant été impossible avant l’obtention de l’accord des autorités françaises.

Par ailleurs, le représentant étatique soutient que le Centre de séjour provisoire constituerait un établissement approprié au sens de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 dans le chef du demandeur.

Force est de constater qu’en présence d’un étranger non autorisé à résider au pays, lequel a, préalablement à sa venue au Luxembourg, présenté une demande d’asile en France, c’est à juste titre que le mécanisme de reprise prévu en la matière par le règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers a pu être déclenché. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que s’il est vrai que la Convention de Genève contient des mesures qui restreignent le droit d’expulser ou de refouler des demandeurs d’asile, elle ne tient pas entièrement en échec les droits nationaux afférents concernant l’expulsion et le refoulement et, par voie de conséquence, le droit luxembourgeois concernant l’entrée et le séjour des étrangers qui prévoit le placement, sous certaines conditions, d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.

La mesure de placement entreprise n’est cependant légalement admissible que si l’éloignement ne peut être immédiatement mis à exécution en raison d’une circonstance de fait.

Cette exigence légale appelle le tribunal à vérifier si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances de fait permettant de justifier en l’espèce une impossibilité de procéder à un éloignement immédiat de l’intéressé.

Force est de relever que la mesure de rétention a été prise le 12 février 2003 et que le demandeur a été placé au Centre de séjour provisoire à Schrassig, lequel, s’il ne peut certes pas être assimilé, notamment de par le régime y applicable, à un centre pénitentiaire, implique non moins une restriction des libertés du demandeur, et qu’à l’heure actuelle, il y est toujours retenu dans l’attente de son éloignement.

Force est encore et surtout de constater que Monsieur … est demandeur d’asile en France et que si les autorités françaises ont marqué leur accord à le reprendre en charge par lettre datée du 23 février 2004, communiquée le lendemain aux autorités luxembourgeoises par voie de télécopie, le transfert n’est actuellement fixé qu’au 16 mars 2004.

Ceci étant, sans remettre en question que l’organisation matérielle d’un transfert requiert un certain temps, même celui vers un pays limitrophe, il y a cependant lieu de relever qu’en l’espèce, ce n’est qu’en date du 1er mars 2004 que le ministère de la Justice a contacté le service de police judiciaire en vue de la fixation d’une date pour l’exécution du transfert et que la réponse de la police grand-ducale ne date que du 8 mars 2004, c’est-à-dire que 14 jours se sont écoulés pour l’accomplissement d’une formalité qui, compte tenu d’une mesure 3restrictive des libertés du demandeur qui doit nécessairement être réduite à un strict minimum, aurait dû être réalisée en un laps de temps beaucoup plus court.

Il suit des considérations qui précèdent que les démarches nécessaires et utiles qui auraient pu assurer un éloignement de la personne intéressée dans les meilleurs délais n’ont pas été entreprises, de sorte que l’impossibilité d’un éloignement immédiat, certes patente au jour de la prise de la décision litigieuse, voire au cours des premières journées qui s’ensuivirent, a cessé d’exister par la suite.

Le tribunal étant certes appelé à statuer dans le cadre d’un recours en réformation légalement prévu en la matière, il convient cependant encore de noter qu’au jour des présentes, le demandeur n’est plus retenu en vertu de la décision litigieuse, mais, conformément aux explications fournies par le délégué du gouvernement lors des plaidoiries et non contestées par le mandataire du demandeur, en vertu d’une décision de prorogation du placement de l’intéressé prise par le ministre de la Justice en date du 10 mars 2004. Il s’ensuit que le tribunal ne saurait plus ordonner la libération immédiate du demandeur, la demande afférente ayant perdu son objet par rapport à la décision litigieuse, qui a cessé de produire ses effets, mais il doit se limiter à annuler la décision litigieuse.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, dit que la demande tendant à la libération immédiate du demandeur a perdu son objet ;

pour le surplus, annule la décision du ministre de la Justice du 12 février 2004 ayant ordonné le placement de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 15 mars 2004 à 17.00 heures par le vice-

président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17700
Date de la décision : 15/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-15;17700 ?

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