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15/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17027

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2004, 17027


Tribunal administratif N° 17027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2003 Audience publique du 15 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17027 du rôle, déposée en date du 7 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à B- … , ayant élu domicile à L- … , t

endant à la réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directe...

Tribunal administratif N° 17027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 octobre 2003 Audience publique du 15 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17027 du rôle, déposée en date du 7 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à B- … , ayant élu domicile à L- … , tendant à la réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 septembre 2003 déclarant non fondée sa réclamation datée du 4 juillet 2003 dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 émis le 3 juillet 2003 par le bureau d’imposition Luxembourg 10 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 7 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 9 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 mars 2004.

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Le 3 juillet 2003, le bureau d’imposition Luxembourg 10 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes émit à l’encontre de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu relatif à l’année 2001, différant de la déclaration d’impôt déposée en ce qu’il indique ne pas avoir admis la déduction des intérêts débiteurs du prêt hypothécaire souscrit par le contribuable.

Monsieur … formula une réclamation contre ce bulletin de l’impôt sur le revenu par lettre datée du 4 juillet 2003 et notifiée le 10 juillet 2003.

Par décision directoriale du 2 septembre 2003, le directeur de l’administration des Contributions directes déclara la réclamation recevable, mais non fondée.

Par requête déposée le 7 octobre 2003, Monsieur …, introduisit un recours tendant à la réformation de cette décision directoriale déclarant non fondée sa réclamation datée du 4 juillet 2003 dirigée à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2001 litigieux.

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » , ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ouvrant un recours au fond contre la décision directoriale litigieuse, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par le demandeur. Le recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … reproche en substance à la décision déférée que contrairement à l’article 24 § 4 de la convention belgo-luxembourgeoise préventive des doubles impositions du 17 septembre 1970, ci-après dénommée la « convention belgo-

luxembourgeoise », et à une décision du tribunal administratif du 22 décembre 1999 (n° 11111 du rôle), il aurait été omis de porter en déduction de ses revenus imposables au Luxembourg les « charges d’intérêts sur [son] emprunt immobilier » et il demande au tribunal de procéder au recalcul de sa base imposable.

Le délégué du Gouvernement résiste à cette argumentation en relevant que l’article 24 § 4 de la convention belgo-luxembourgeoise invoqué par le demandeur ne modifierait pas les critères pour déterminer des revenus sur lesquels un résident belge est imposable au Grand-

Duché de Luxembourg, mais porterait uniquement sur la détermination du taux d’impôt luxembourgeois sur ces revenus. Or, la détermination du taux par application de l’article 24 § 4 précité exigerait une demande expresse de la part du contribuable, demande qui n’aurait pas été formulée en l’espèce par Monsieur ….

Dans son mémoire en réplique, le demandeur précise qu’il sollicite la détermination du taux d’impôt moyen applicable telle que prévue par l’article 24 §4 précité, et non pas un simple recalcul de sa base imposable par déduction des intérêts de son prêt hypothécaire. Il plaide à ce sujet que la question du recalcul de la base imposable - fictive - par incorporation des intérêts débiteurs relatifs à l’acquisition d’un bien immobilier serait nécessaire pour déterminer le taux applicable à ses revenus imposables au Grand-Duché.

L’article 24 § 4 de la convention belgo-luxembourgeoise dispose qu’« une personne physique, résidente en Belgique, qui, conformément aux articles 7 et 14 à 19, est imposable au Luxembourg du chef de plus de 50% de ses revenus professionnels, est, sur sa demande, imposée au Luxembourg, en ce qui concerne ses revenus y imposables conformément aux articles 6, 7 et 13 à 19 de la Convention, au taux moyen d’impôt qui, compte tenu de sa situation et de ses charges de famille et du total de ses revenus généralement quelconques, lui serait applicable si elle était un résident du Luxembourg ».

Il appert à la lecture dudit article qu’il prévoit - sur demande - une méthode spécifique de détermination du taux d’impôt luxembourgeois applicable aux revenus sur lesquels un résident belge peut devenir imposable au Grand-Duché de Luxembourg et qu’il n’a nullement pour vocation de modifier les critères d’imposabilité d’un revenu au Grand-Duché.

Le tribunal est amené à constater que le contribuable, tel qu’il l’a précisé dans son mémoire en réplique, réclame cependant la détermination du taux d’impôt moyen applicable, par application du prédit article 24 § 4, détermination qui nécessite préalablement le calcul d’une base imposable fictive regroupant le « total de ses revenus généralement quelconques » tel qu’y visé.

L’octroi de l’option telle que prévue par l’article 24 § 4, à savoir l’application du taux spécial prévu par ce même article, nécessite cependant une demande expresse devant le bureau, de sorte que c’est a priori à juste titre que le délégué du Gouvernement relève que pareille demande ne saurait se dégager implicitement d’une déclaration de dépenses ou d’une demande de déduction, ni intervenir pour la première fois dans le cadre de la procédure de réclamation devant le directeur de l’administration des Contributions directes, voire devant le juge administratif.

Il se dégage cependant des pièces versées en cause, et plus précisément de la note intitulée « Instructions relatives à la déclaration pour l’impôt sur le revenu des non-résidents de l’année 2001 », jointe par l’administration des Contributions directes à la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001 adressée au demandeur, en particulier le chapitre C intitulé « Assimilation des contribuables non résidents aux contribuables résidents », qu’en vertu de l’article 24 de la convention belgo-luxembourgeoise les résidents belges peuvent opter pour la déduction de certaines dépenses réservées en principe aux contribuables résidents, à condition qu’ils soient imposables au Grand-Duché du chef de plus de 50 % desdits revenus, et que « les détails à fournir en cas de telle option sont mentionnées aux parties vertes de la déclaration ».

Or il résulte de la déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2001 telle qu’adressée par le demandeur au bureau d’imposition, que le demandeur a indiqué à la ligne 82 de la déclaration, ligne faisant partie de la « partie verte » de la déclaration, les intérêts de son prêt hypothécaire à prendre en considération selon lui.

Il appert encore que le contribuable a joint à sa déclaration un courrier manuscrit libellé en ces termes : « vous trouverez ci-après la directive européenne qui prévoit qu’un emprunt hypothécaire peut être déduit dans un Etat de l’Union, même si la maison est située dans un autre Etat de l’Union.(…) Or la convention bilatérale entre le Luxembourg et la Belgique prévoit qu’aucun ressortissant d’un pays ne peut être traité de façon plus lourde qu’il ne le serait dans l’autre pays (voir article 24 de la convention en annexe). Je réclame par conséquent que les intérêts débiteurs liés à mon emprunt hypothécaire soient pris en considération (…) », courrier qui se réfère explicitement à ladite ligne 82 de la déclaration.

Il en résulte que le demandeur a, conformément aux « Instructions relatives à la déclaration pour l’impôt sur le revenu des non-résidents de l’année 2001 », formulé une demande en vue de se voir accorder le bénéfice de l’option prévue par l’article 24 de la convention belgo-luxembourgeoise.

Le tribunal relève encore que le directeur de l’administration des Contributions directes a examiné la réclamation sous toute sa portée, alors qu’il admet que Monsieur DIERICKS peut a priori prétendre au bénéfice de l’option prévue par l’article 24 § 4 de la convention belgo-luxembourgeoise, de sorte que même le revenu négatif provenant de la déduction des intérêts débiteurs de la valeur locative peut être a priori englobé - comme sollicité par le demandeur – dans la base d’imposition.

En revanche, le directeur se saisit d’une circulaire, émise par lui-même postérieurement à l’exercice d’imposition faisant l’objet du bulletin litigieux, interne de l’administration des Contributions directes (circulaire L.G. – Conv. n° 53 du 27 septembre 2002) pour refuser l’application effective à la situation de Monsieur … des dispositions de l’article 24 § 4 de la convention belgo-luxembourgeoise, cette circulaire prohibant la prise en compte d’un revenu négatif en tant que revenu exempté lorsque la somme des revenus exonérés en vertu de la convention aboutit à un solde négatif.

Or une circulaire administrative ne constitue qu’une instruction en forme de lettre adressée par une autorité administrative aux divers fonctionnaires de son département. Elle n'a pas de caractère légal; elle ne constitue pas un acte réglementaire ou une décision obligatoire pour les administrés et ne s'impose ni aux tribunaux, ni aux personnes étrangères à l'administration. Une telle circulaire doit garder en principe un caractère interne à l'administration, en ce qu'elle réglemente la manière dont les fonctionnaires doivent accomplir leur mission. Une circulaire doit se borner à interpréter les textes de loi en vigueur, sans pouvoir fixer des règles nouvelles. Elle ne saurait être invoquée comme base juridique suffisante, alors qu'elle ne reflète que l'opinion de son auteur et ne constitue pas une norme juridique dont le respect s'impose à ses destinataires (voir trib. adm. 23 décembre 1997, n° 9938, confirmé par Cour adm. 14 juillet 1998, n° 10528C, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 38, p.437 et les autres références y citées).

Le tribunal constate par ailleurs que la convention belgo-luxembourgeoise, et plus particulièrement son article 24 §4 ne prévoit pas d’exception telle celle invoquée par le directeur de l’administration des Contributions directes.

Or, si une autorité administrative, dans le cadre de son champ de compétence, tel qu’il est défini par la législation en vigueur, peut adopter des directives internes pour se donner des lignes de conduite en fixant notamment des procédures ou critères suivant lesquels certaines affaires qui lui sont soumises ou qui relèvent de son domaine de compétence sont à traiter notamment par les fonctionnaires qui se trouvent sous ses ordres, de telles directives doivent obligatoirement se situer dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables et elles ne peuvent en aucun cas comprendre des règles allant au-delà de ce qui est expressément prévu par la loi ou ses règlements grand-ducaux d’application, sous peine pour l‘autorité administrative d’excéder ses pouvoirs et d’empiéter sur une compétence réservée soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir réglementaire déterminé par l’article 36 de la Constitution.

Toute directive qui va au-delà de la fixation de lignes de conduite à l'administration dans le cadre d'une législation existante et qui prétend fixer des règles nouvelles voire déroger à des règles existantes, est anti-constitutionnelle pour violer ledit article 36 de la Loi fondamentale (voir trib.adm. 18 décembre 2002, n° 15126, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 39, p.437).

Il s’ensuit que tant le bulletin d’imposition que la décision directoriale litigieuse n’ont pas pu valablement s’asseoir sur la prédite circulaire pour refuser la prise en compte des intérêts débiteurs de l’emprunt immobilier de Monsieur …, de sorte qu’il échet de réformer sur ce point le bulletin entrepris .

Par conséquent, en l’absence d’une quelconque restriction légale ou réglementaire afférente, il échet d’admettre que le solde, même négatif, provenant de la déduction des intérêts débiteurs d’un emprunt des revenus provenant de biens immobiliers, est à prendre en considération, ensemble les autres revenus généralement quelconques du contribuable, afin de déterminer le taux moyen d’impôt applicable.

Cette conclusion n’est pas énervée par les dispositions des articles 7 alinéa 2 et 134ter, alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, invoquées dans la décision directoriale, celles-ci trouvant à s’appliquer dans le cadre de la fixation de la base imposable réelle d’un contribuable, et, non, comme en l’espèce, dans le cadre de la fixation du taux moyen d’imposition à partir d’une base imposable fictive prévue par la convention belgo-luxembourgeoise, par ailleurs d’essence supérieure.

Etant donné qu’il était dans l’intention du législateur de ne pas faire du tribunal un « taxateur » et de ne pas l’amener à « s’immiscer dans le domaine de l’administration » sous peine de « compromettre son statut judiciaire » (cf. doc. parl. 3940A2, p. 11, ad (3) 8. et doc.

parl. 3940A4, avis complémentaire du Conseil d’Etat, p. 7, ad amendement 5)), son rôle consiste à dégager les règles de droit et à opérer les qualifications nécessaires à l’application utile de la législation fiscale, sans pour autant porter sur l’intégralité de l’imposition, ni aboutir à fixer nécessairement une nouvelle cote d’impôt (voir trib.adm. 29 mars 1999, n° 10428, confirmé par Cour adm. 11 janvier 2000, n° 11285C, Pas. adm. 2003, V° Impôts, XI Procédure contentieuse, n° 378, p.409).

En application des développements qui précèdent, il y a en conséquence lieu de renvoyer l’affaire au directeur de l’administration des Contributions directes pour permettre au bureau d'imposition compétent de procéder à l’imposition conformément au dispositif du présent jugement ensemble les motifs à sa base.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le dit justifié;

partant et par réformation dit que le solde, même négatif, résultant de la déduction des intérêts débiteurs d’un emprunt des revenus provenant de biens immobiliers, est à prendre en considération, ensemble les autres revenus généralement quelconques du contribuable, afin de déterminer le taux moyen d’impôt applicable;

renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes en vue de sa transmission au bureau d’imposition compétent pour exécution, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mars 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17027
Date de la décision : 15/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-15;17027 ?

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