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15/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17001

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mars 2004, 17001


Numéro 17001 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 15 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17001 du rôle, déposée le 26 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (B), actu...

Numéro 17001 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 15 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 17001 du rôle, déposée le 26 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à … (B), actuellement détenu au Centre pénitencier de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 28 août 2003 lui refusant l’entrée et le séjour au territoire luxembourgeois;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître Nicky STOFFEL pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 février 2004.

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Par jugement n° 1585/97 du 14 juillet 1997 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 9e chambre, siégeant en matière correctionnelle, Monsieur …, préqualifié, fut condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans et à une amende de 50.000 LUF du chef de vols qualifiés, d’infraction à la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions et de recel. Monsieur …, détenu depuis juin 1996, bénéficia d’une libération anticipée à partir du 28 novembre 1997 sous condition de ne plus revenir au pays, sous peine de devoir purger le restant de sa peine, et de payer son ticket de retour, 10% de l’amende et les frais de justice.

Le 16 juin 2000, ayant été trouvé sur le territoire luxembourgeois à cette date, Monsieur … fut incarcéré en vue de purger le restant de sa peine.

En date du 28 août 2003, le ministre de la Justice, ci-après désigné par le « ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté de refus d’entrée et de séjour basé sur les motifs énoncés comme suit :

« Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Attendu que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Attendu que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Attendu que l’intéressé est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics ».

A l’encontre de cet arrêté ministériel, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 26 septembre 2003.

Aucune disposition légale n’instaurant un recours au fond en matière de refus d’entrée et de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur affirme d’abord que l’arrêté ministériel critiqué se limiterait à énoncer de façon lapidaire deux motifs repris des textes légaux applicables, de manière qu’il serait vicié par une motivation insuffisante.

Ce moyen manque cependant en fait, étant donné qu’il se dégage clairement de ladite décision que l’autorisation de séjour a été refusée au demandeur aux motifs que celui-ci ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg et qu’il est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics, ceci sur base des dispositions de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972. Par ailleurs, le délégué du gouvernement a encore précisé la motivation en cours de procédure contentieuse, de sorte que le moyen d’annulation tiré d’un prétendu défaut de motivation de l’arrêté ministériel critiqué est à écarter.

Quant au fond, le demandeur conteste le prétendu défaut de moyens d’existence personnels dans son chef en faisant valoir qu’il se trouverait détenu au Centre pénitencier de Luxembourg où il ne pourrait pas encore exercer une activité rémunérée au vu de la liste d’attente, qu’il aurait pourtant demandé « depuis longtemps » sa libération conditionnelle, sinon l’application du régime de semi-liberté au Centre pénitencier de Givenich afin de pouvoir travailler comme « barman », mais que ces demandes n’auraient pas encore été acceptées par les autorités compétentes. Il conclut qu’il aurait « rapporté à suffisance la preuve de pouvoir gagner sa vie une fois que sa libération sera accordée ».

Le demandeur dénie également l’existence dans son chef d’un danger pour la sécurité et l’ordre publics en exposant qu’il aurait été mal renseigné sur les conditions de sa remise en liberté conditionnelle en croyant que l’interdiction de retourner au pays ne vaudrait que jusqu’à la prescription de la peine. Il soutient encore que le refus d’entrée et de séjour déféré serait disproportionné par rapport à sa situation, vu qu’il « a vécu quasiment toujours dans la région frontalière du Luxembourg, que beaucoup de ses amis y habitent ».

Le délégué du gouvernement rétorque que le défaut de moyens d’existence personnels suffisants serait un motif valable de refus en l’espèce dans la mesure où il ne se dégagerait pas des éléments du dossier que le demandeur aurait disposé de tels moyens au moment de la prise de l’arrêté critiqué. Il renvoie à la condamnation encourue le 14 juillet 1997 par le demandeur et aux renseignements fournis par les autorités belges pour conclure qu’eu égard au fait que le demandeur a déjà compromis dans le passé l’ordre public luxembourgeois, il serait susceptible d’y porter à nouveau atteinte.

Le demandeur fait répliquer que son casier judiciaire belge serait vierge, de manière que les renseignements des autorités belges, auxquels le représentant étatique renvoie selon lesquels le demandeur serait « connu » en Belgique pour meurtre, coups et blessures volontaires et menaces, ne devraient pas être pris en compte à défaut de toute indication si le demandeur a été inculpé de ces chefs ou si une instruction est encore en cours.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

L’arrêté critiqué du 28 août 2003 est fondé expressément sur le motif tiré de la susceptibilité du demandeur de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

A cet égard, il ressort des éléments du dossier administratif que le demandeur a été condamné par jugement n° 1585/97 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à une peine d’emprisonnement de trois ans et à une amende de 50.000 LUF du chef de vol avec effraction, de plusieurs recels de choses obtenues à l’aide de vols ainsi que d’infraction à la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions pour avoir détenu un couteau « Butterfly ».

En outre, le demandeur n’a pas respecté les conditions de la libération conditionnelle lui accordée à partir du 28 novembre 1997 en revenant sur le territoire au mépris de l’interdiction lui faite à cet égard.

Concernant les renseignements fournis le 29 août 2003 par voie de réponse télécopiée par le bureau commun de coopération policière belge, il énonce que « l’intéressé est depuis 1990 en Belgique, il est marié, étranger avec carte d’identité pour étrangers et habite depuis le 16/09/2002 à 6700 ARLON, Rue de l’Alzette 10. Il est connu pour 1 x meurtre (1994), 2 x coups et blessures (93+98), 1 x menaces (01), pas recherché ». Dans la mesure où le dossier administratif soumis au tribunal contient d’un autre côté également un extrait du casier judiciaire belge du demandeur au 25 août 2003 renseignant dans son chef une absence de condamnations, la prise en compte des infractions relatées par le susdit bureau commun doit être, du moins en ce qui concerne les faits situés avant l’année 2001, largement nuancée par l’absence de condamnations établies de ces chefs.

Dans la mesure néanmoins où l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 laisse au ministre une large liberté d’appréciation pour se prononcer sur la capacité latente d’un étranger pouvant compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics (Cour adm. 5 décembre 2002, n° 15097C, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 182), on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir méconnu la disposition légale prévisée, ni d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de fait en ce qu’il a estimé que les faits ci-avant visés dans la mesure où ils peuvent être pris en compte, lesquels revêtent une gravité certaine, dénotent à suffisance de droit un comportement du demandeur susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituent des indices suffisants sur base desquels il convient de conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’il sera susceptible de compromettre l’ordre et la sécurité publics à l’avenir.

Il s’ensuit que le ministre de la Justice a valablement pu se fonder sur l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 pour émettre à l’encontre du demandeur un arrêté de refus d’entrée et de séjour.

Le recours en annulation est en conséquence à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 15 mars 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17001
Date de la décision : 15/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-15;17001 ?

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