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10/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17564

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2004, 17564


Tribunal administratif N° 17564 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17564 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a

vocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité serbo-monténégrine, deme...

Tribunal administratif N° 17564 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 février 2004 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17564 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le… , de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 6 janvier 2004, par laquelle sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée comme étant manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 mars 2004.

En date du 24 novembre 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 5 janvier 2004, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 6 janvier 2004, lui notifiée par voie de courrier recommandé expédié en date du 8 janvier 2004, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été rejetée comme étant manifestement infondée au motif qu’elle ne correspondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, étant donné que les menaces par lui invoquées de la part de la famille d’une fille avec laquelle il serait sorti ne sauraient être considérées comme émanant d’agents de persécution au sens de ladite Convention. Le ministre a retenu en outre que la demande d’asile de Monsieur … se limiterait tout au plus à l’expression d’un vague sentiment général d’insécurité et que par ailleurs le Monténégro serait à considérer comme étant un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 6 janvier 2004.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la même loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur conclut d’abord à une violation de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce que la décision litigieuse est rédigée en langue française, partant dans une langue qui lui est inconnue, étant donné qu’il ne parle que le serbe.

Quant au fond il estime remplir manifestement les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique et signale qu’il résulterait des explications contenues dans la décision litigieuse que la situation au Monténégro serait « loin d’être aussi rose » que veut le faire entendre le ministre de la Justice. Il fait valoir encore à cet égard que le fait d’avoir quitté sa famille pour se rendre dans un pays totalement inconnu et loin du sien démontrerait à suffisance qu’il n’aurait pas voulu recourir de façon abusive à la procédure d’asile.

Le délégué du Gouvernement conclut au bien-fondé de la décision litigieuse.

Il échet de rappeler en premier lieu que le français est l’une des trois langues officielles du Grand-Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi spécial obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible pour le destinataire (cf. trib. adm. 12 mars 1997, n° 9679 du rôle, Pas.

adm. 2003, V° Etrangers, n° 19 et autres références y citées).

Cette conclusion ne saurait être énervée par la référence vague et non autrement explicitée à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Quant au fond, il est constant que la décision litigieuse repose sur le constat que les personnes privées, auteurs des menaces invoquées à l’appui de la demande d’asile de Monsieur …, ne sauraient être considérées comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève et que dès lors cette demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis par ladite convention.

Le tribunal étant appelé à toiser un litige dans le cadre des moyens avancés dans la requête introductive d’instance, force est de constater en l’espèce qu’au-delà de la simple affirmation que Monsieur … « remplit manifestement les conditions pour bénéficier du statut de réfugié politique », ainsi que du constat, par ailleurs non autrement contesté à travers la décision litigieuse, qu’il « a pu décrire en détail les événements l’ayant conduit à quitter son pays d’origine », aucun moyen concret susceptible d’énerver la motivation en droit et en fait retenue à la base de la décision litigieuse n’a été fourni en cause , de sorte que le tribunal ne se trouve pas en mesure de procéder utilement à la vérification du bien-fondé de la décision ministérielle litigieuse.

La même conclusion s’impose relativement au deuxième motif de refus retenu à la base de la décision litigieuse consistant à considérer le Monténégro comme un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution, étant donné qu’ici encore le recours sous examen, outre de se référer aux explications contenues dans la décision entreprise, lesquelles sont au contraire de nature à sous-

tendre la conclusion du ministre de la Justice à ce sujet, voire de la considération d’ordre tout à fait général que la situation au Monténégro serait « loin d’être aussi rose » que veut le faire entendre le ministre de la Justice, le demandeur reste encore en défaut de fournir à l’appui de son recours le moindre élément concret susceptible d’énerver le bien-fondé de la décision litigieuse.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours, au stade actuel de l’instruction du dossier, laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mars 2004 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17564
Date de la décision : 10/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-10;17564 ?

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