La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17055

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2004, 17055


Tribunal administratif N° 17055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par la société immobilière … GmbH, … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17055 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 octobre 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

la société immobilière … GmbH, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’ann...

Tribunal administratif N° 17055 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2003 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par la société immobilière … GmbH, … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17055 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 octobre 2003 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société immobilière … GmbH, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation de la décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 18 septembre 2003 portant refus d’autorisation pour l’installation d’une enseigne publicitaire illuminée sur la face latérale de l’immeuble lui appartenant sis à … à l’adresse pré-indiquée, au motif que la publicité est beaucoup trop grande dans un site villageois ayant conservé son caractère rural ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2004 par Maître Michel KARP, au nom de la société immobilière … GmbH ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sandra FADI, en remplacement de Maître Michel KARP, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mars 2004.

Considérant que par courrier du 10 avril 2003, le collège échevinal de la commune de … a indiqué à la société immobilière … GmbH, désignée ci-après par « la société … », que la publicité par elle apposée sur la façade latérale de l’immeuble résidentiel sis à …, n’était pas conforme aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et suivants de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments, tout en l’invitant à enlever de suite l’objet litigieux et à introduire dans les meilleurs délais une demande motivée en autorisation auprès de l’administration communale de … aux fins de transmission avisée à la ministre compétente ;

Que le 12 mai 2003 la société … a sollicité l’autorisation d’installer l’enseigne publicitaire en question sur la face latérale du bâtiment … à …, tout en indiquant qu’elle a définitivement transféré son siège social à … en vue de « participer à la prospérité de la commune » ;

Que dans sa séance du 14 mai 2003 le collège échevinal de …, à l’unanimité, a retenu être dans l’impossibilité d’aviser la demande d’installation d’une enseigne publicitaire illuminée présentée par la société … le 12 mai 2003, étant donné que l’enseigne a déjà été installée par la demanderesse ;

Que par courrier recommandé du 24 septembre 2003 la Commission des sites et monuments nationaux a sommé la société … d’enlever la publicité en question dans les meilleurs délais et de rétablir l’état pristin de la façade, sous peine que plainte soit portée contre elle ;

Que par décision du 18 septembre 2003 la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, désignée ci-après par « la ministre », a refusée l’autorisation sollicitée par dérogation aux dispositions du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité pour le motif « que la publicité est beaucoup trop grande dans un site villageois qui a bien conservé son caractère rural » ;

Considérant que par requête déposée en date du 16 octobre 2003 la société … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 18 septembre 2003 ;

Considérant que le recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’à l’appui de son recours la demanderesse conclut à l’annulation de la décision déférée pour défaut, sinon insuffisance de motivation en faisant valoir que les éléments de motivation avancés par la ministre ne seraient point vérifiés, la commune de … étant une petite ville et non pas un village, de sorte qu’aucun caractère rural ne saurait être utilement invoqué, de même que la publicité apposée aux dimensions de 1,55 x 6,45 mètres ne serait réellement pas trop grande eu égard aux nombreux panneaux et enseignes de la « ville de … » figurant plus particulièrement sur les stations service d’essence de sorte que la décision déférée serait au surplus discriminatoire ;

Considérant que le délégué du Gouvernement fait valoir qu’à partir de la jurisprudence du tribunal administratif, la ministre de la Culture n’est pas habilitée à déroger aux dispositions des articles 1er à 8 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité, de sorte à ne pas être autorisée à accorder une autorisation pour une enseigne dépassant les dimensions prévues à l’article 2 du même règlement grand-ducal, c’est-à-

dire qui dépasse une surface maximale de 1,5 m2, sinon de 2,5 m2 dans le cas où la publicité se fait par des lettres aux contours découpés, apposées à plat ;

Que ce serait dès lors à bon droit que la ministre aurait refusé de délivrer l’autorisation, le législateur ne l’y ayant pas habilité ;

Que dans les conditions données l’examen des autres moyens invoqués par la demanderesse ne serait plus nécessaire ;

Que la demanderesse de répliquer en concluant à « l’incompétence de la ministre de la Culture » en ce que celle-ci, en rendant une décision sans y être habilitée par la loi ou un règlement, aurait commis un excès de pouvoir et un détournement de pouvoir « manifestes », et ce en violation flagrante de la loi ;

Que la demanderesse de reprendre pour le surplus son argumentaire relatif à l’absence de motivation de la décision déférée, tout en faisant valoir que les avis respectivement fournis par la commune et la Commission des sites et monuments ne suffiraient pas aux exigences légales ;

Considérant qu’au vœu de l’article 37 de la loi précitée du 18 juillet 1983, on entend par publicité : « tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l’objet de la publicité et l’emplacement du dispositif à l’exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l’intérieur des immeubles » ;

Qu’en vertu de l’article 38 de la même loi « toute publicité, qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal, est interdite » ;

Considérant qu’il est constant que la localité de … ne figure pas parmi celles énumérées à l’article 13 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 pour lesquelles, d’après l’article 12 du même règlement, toute publicité, au sens de l’article 37 précité, est subordonnée à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles ;

Que pour ces localités toutes les publicités sans exception doivent être autorisées préalablement par ledit ministre, même celles visées aux articles 1er et 2 du même règlement et qui n’excèderaient pas les limites y prévues, ainsi que cette prescription est prévue par l’article 12 alinéa 2 du même règlement ;

Que par voie de conséquence pour les autres localités, non prévues à l’article 13, il est de principe qu’aucune autorisation ministérielle n’est requise, dans la mesure où les publicités s’inscrivent dans le cadre des prescriptions des articles 1 à 8 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 1984 ;

Que ce n’est qu’au cas où une dérogation aux prescriptions desdits articles 1 à 8 devait être sollicitée, que le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder pareille dérogation suivant les modalités plus amplement prévues à l’article 9 du même règlement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 6 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 1984 l’ensemble des surfaces de la publicité, à plat et en saillie, ne peut dépasser, cadre et support compris, 1,5 m2 par façade, les surfaces en saillie comptant une fois ;

Considérant que d’après l’article 9 du même règlement grand-ducal du 4 juin 1984, sur demande motivée à présenter à l’administration communale, et sur l’avis de celle-ci, le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder, la Commission des sites et monuments nationaux entendue en son avis, des dérogations aux dispositions qui précèdent ;

Considérant qu’aux termes de l’article 95 de la Constitution, le tribunal n’applique un règlement grand-ducal qu’autant qu’il est conforme aux lois, de sorte qu’il lui appartient d’examiner si la mesure réglementaire qui lui est soumise est ou n’est pas contraire à la loi, notamment au vu du cadre par elle fixé ;

Considérant qu’aux termes de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 précitée, les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légale doivent être définis par règlement grand-ducal ;

Que le texte n’autorise pas le pouvoir exécutif à subdéléguer en cette matière son application à un ministre ;

Qu’il en résulte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, en ce qu’il prévoit que le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles, peut accorder des dérogations sous la forme y visée, sort du cadre de la disposition habilitante de l’article 38 de ladite loi ;

Qu’à défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal administratif serait dès lors amené à refuser l’application dudit article 9, conformément à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’il sont conformes aux lois (cf. C.E. 3 février 1988, Office des assurances sociales, n° 7928 du rôle ; C.E. 26 avril 1988, M&S Mode België, n° 7921 du rôle ; trib. adm. 16 février 1998, nos 10130 et 10131 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Sites et Monuments, n° 4, page 596 et autres décisions y citées) ;

Qu’il s’ensuit qu’en tout état de cause la ministre n’aurait pas su légalement fonder sa décision sur ledit article 9 ;

Considérant qu’il se dégage des éléments qui précèdent qu’à propos de la publicité litigieuse, la ministre n’est habilitée ni à conférer une autorisation, ni à en refuser la délivrance ;

Que la ministre ayant partant excédé ses pouvoirs en statuant quant au fond sur la demande lui adressée, la décision déférée encourt par conséquent l’annulation, sans qu’il n’y ait lieu d’analyser plus loin le caractère vérifié ou non des éléments de fait invoqués en son support, ni de toiser plus en avant les autres moyens proposés ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée ;

condamne l’Etat aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mars 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17055
Date de la décision : 10/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-10;17055 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award