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10/03/2004 | LUXEMBOURG | N°17034

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2004, 17034


Tribunal administratif N° 17034 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 octobre 2003 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17034 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2004 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse Madame …, née

le … , tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en leur nom personnel qu’en le...

Tribunal administratif N° 17034 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 octobre 2003 Audience publique du 10 mars 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17034 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2004 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … et de son épouse Madame …, née le … , tous les deux de nationalité yougoslave, agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs …, né le … et …, né le …., demeurant actuellement tous ensemble à L- …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision implicite de refus du ministre de la Justice de faire droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour sollicitée en date du 31 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 février 2004 par Maître Guy THOMAS au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra ESPOSITO, en remplacement de Maître Guy THOMAS, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er mars 2004.

Après s’être vu refuser au Grand-Duché de Luxembourg l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, se sont adressés par courrier de leur mandataire du 31 mai 2003 au ministre de la Justice pour solliciter l’octroi d’une autorisation de séjour au pays pour des motifs humanitaires en faisant état de leur appréhension d’être obligés de retourner dans leur pays d’origine où ils seraient exposés à de sérieuses représailles en tant que musulmans bosniaques.

Dans le cadre de cette même demande ils ont prié le ministre de prendre également en considération leur intégration réussie dans le tissu social luxembourgeois, ainsi que leur réelle volonté de parfaire cette intégration dans un proche avenir, ainsi que l’intérêt supérieur de leurs deux enfants dont l’un, en l’occurrence, leur fils …, aurait la nationalité luxembourgeoise.

Cette demande étant restée sans suite de la part du ministre, les consorts… ont fait introduire, par requête déposée en date du 10 octobre 2003, un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision implicite de refus se dégageant du silence ainsi observé par le ministre de la Justice.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours les demandeurs concluent d’abord à une violation de l’article 3 du protocole numéro 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953 ci-après désignée par « la Convention européenne des droits de l’homme », en faisant valoir que leur enfant … est né sur le territoire luxembourgeois et serait à considérer comme luxembourgeois d’origine faute de posséder une autre nationalité, de manière à ne pouvoir être ni expulsé, par voie individuelle ou collective, du territoire de l’Etat luxembourgeois dont il serait le ressortissant, ni privé du droit d’entrer sur ce même territoire.

Ils concluent ensuite à une atteinte à leur vie familiale et privée telle que protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme en faisant valoir qu’ils auraient noué de solides relations humaines, sociales, économiques et culturelles au Luxembourg et qu’ils y auraient établi une vie familiale effective en tant que parents de l’enfant …, ressortissant luxembourgeois, avant la prise de la décision litigieuse, de manière à remplir la condition de la préexistence d’une vie familiale effective au pays.

Ils font valoir qu’un juste équilibre entre les intérêts en jeu n’aurait pas été assuré en l’espèce par le ministre, de sorte qu’il y aurait eu disproportion entre les moyens employés et le but légitime visé emportant une violation dudit article 8.

Les demandeurs concluent en troisième lieu à une violation de la Convention relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989, approuvée au Grand-Duché de Luxembourg par une loi du 20 décembre 1993, en faisant valoir que la décision litigieuse violerait l’intérêt supérieur de leurs enfants en ce qu’elle aurait pour objet d’obliger leurs parents à quitter le Grand-Duché de Luxembourg.

Les demandeurs concluent finalement à une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en faisant valoir que par l’effet de leur refoulement vers leur pays d’origine ils n’auraient aucune perspective d’avenir et que leurs enfants ne sauraient ni lire ni écrire la langue de leur pays d’origine en raison de leur scolarité prolongée au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement rétorque que la loi monténégrine accorde de plein droit la nationalité monténégrine à un enfant même né en dehors du Monténégro dès lors que ses deux parents ont la nationalité monténégrine, de sorte que le raisonnement tendant à dire que l’enfant … est de nationalité luxembourgeoise serait incorrect.

Il conclut par conséquent au caractère non fondé des moyens basés sur la prémisse de la nationalité luxembourgeoise de l’enfant concerné.

Le représentant étatique relève en outre que la protection de la vie privée et familiale découlant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne comporterait pas le droit de choisir l’implantation géographique de la vie familiale, tout en relevant que dans le cas d’espèce un retour dans le pays d’origine ne serait pas impossible puisque tant le tribunal que la Cour administrative ont constaté que les motifs invoqués à l’appui de la demande d’asile des demandeurs n’étaient pas fondés et que par ailleurs de nombreuses autres familles originaires du Monténégro seraient rentrées volontairement dans leurs pays d’origine, notamment au cours de l’année 2003.

Quant aux violations alléguées de la Convention relative aux droits des enfants, le délégué du Gouvernement relève que l’entité familiale ne se trouve pas rompue par l’effet de la décision litigieuse et que partant aucune violation de la convention en question ne serait établie.

Il vient à la même conclusion concernant la violation alléguée du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en relevant qu’il ne s’agirait pas en l’espèce de rapatrier un mineur seul dans son pays d’origine, mais qu’ici encore l’entité familiale est respectée, la décision visant tant les parents que leurs deux enfants.

Il y a lieu de relever liminairement que les prétentions des demandeurs reposent en l’espèce essentiellement sur la prémisse que l’enfant … a la nationalité luxembourgeoise. Or, dans le cadre d’un recours contentieux il appartient en principe à la partie qui se prévaut d’un moyen d’établir les faits à la base de ses prétentions.

Eu égard aux contestations formelles afférentes du délégué du Gouvernement et en l’absence de preuve, à travers notamment la présentation en cause d’un certificat de nationalité établi par l’autorité luxembourgeoise compétente, ensemble le jugement civil numéro 63/2004 rendu en date du 2 février 2004 par la première chambre du tribunal d’arrondissement du Luxembourg fourni en cause par le délégué du Gouvernement et retenant qu’en l’absence de pièces émanant de l’autorité yougoslave compétente indiquant qu’un enfant concerné ne possède pas la nationalité yougoslave, ledit enfant ne saurait être considéré comme étant de nationalité luxembourgeoise par application de l’article 1er, paragraphe 3 de la loi modifiée du 22 février 1968 sur la nationalité, le tribunal est amené à constater qu’en l’état actuel du dossier la nationalité luxembourgeoise de l’enfant …… n’est pas utilement établie en cause.

Il s’ensuit que le moyen des demandeurs basé sur une violation de l’article 3 du protocole numéro 4 de la Convention européenne des droits de l’homme laisse d’être fondé.

Concernant la garantie du respect de la vie privée et familiale telle que découlant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, force est encore de relever que ledit article ne garantit pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale, mais qu’il faut des raisons convaincantes pour qu’un droit de séjour puisse être fondé sur cette disposition.

En l’espèce, les demandeurs n’ont pas établi la préexistence d’une quelconque vie familiale au Grand-Duché de Luxembourg avant leur venue en 1998. Il paraît au contraire que le noyau familial, composé au départ du couple…-… et l’enfant …, s’est déplacé vers le Luxembourg et s’y est développé, par la naissance d’un deuxième enfant, sans qu’un autre élément de rattachement familial n’ait été présent préalablement sur le territoire luxembourgeois.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est à écarter.

La même conclusion s’impose relativement à la violation alléguée de la Convention relative aux droits des enfants, étant donné que la décision litigieuse n’a pas pour effet d’éloigner les enfants ou l’un deux de ses parents, l’unité familiale étant au contraire respectée.

Aucun autre moyen de nature à énerver utilement la légalité de la décision litigieuse n’ayant été présenté en cause, il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mars 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17034
Date de la décision : 10/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-10;17034 ?

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