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08/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16972

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mars 2004, 16972


Numéro 16972 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 septembre 2003 Audience publique du 8 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16972 du rôle, déposée le 15 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Brazzaville (Congo),...

Numéro 16972 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 septembre 2003 Audience publique du 8 mars 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16972 du rôle, déposée le 15 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Brazzaville (Congo), de nationalité congolaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 juin 2003 portant rejet de sa demande en prolongation de son autorisation de séjour provisoire pour étudiant;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2003;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2004 par Maître David YURTMAN pour compte de Monsieur …;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2004;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître David YURTMAN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 janvier 2004;

Vu le dossier administratif déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er mars 2004 par le délégué du gouvernement sur demande du tribunal.

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Suite à une demande de sa sœur, Madame Marie-Thérèse …, du 26 avril 2001, Monsieur …, préqualifié, obtint en date du 3 mai 2001 une première autorisation de séjour valable jusqu’au 30 septembre 2001 afin de lui permettre de suivre des cours intensifs d’allemand et de se soumettre à des tests organisés par l’Institut Supérieur de Technologie, cette autorisation précisant notamment que Monsieur … devrait s’adresser, dès son entrée au pays, à l’administration communale du lieu de sa résidence pour y faire une déclaration d’arrivée. Sur base d’une attestation de ce dernier Institut du 20 septembre 2001 certifiant la réussite de Monsieur … à ces tests et son inscription pour l’année académique 2001/2002, le ministre de la Justice, ci-après désigné par le « ministre », lui délivra le 1er octobre 2001 une nouvelle autorisation de séjour valable jusqu’au 20 avril 2002, date d’expiration de la garantie bancaire fournie, cette nouvelle autorisation réitérant l’obligation faite à Monsieur … de s’adresser, dès son entrée au pays, à l’administration communale du lieu de sa résidence pour y faire une déclaration d’arrivée. Suite au dépôt d’une nouvelle garantie bancaire, le ministre émit le 18 avril 2002 en faveur de Monsieur … une nouvelle autorisation de séjour valable jusqu’au 17 avril 2003 de la teneur suivante :

« En réponse à votre demande du 26 avril 2001, j’ai l’honneur de vous informer que l’autorisation de séjour est accordée à votre frère …, né le 17 juin 1970, de nationalité congolaise, jusqu’au 17 avril 2003.

Muni du passeport national valable, l’intéressé est invité à se présenter auprès du ministère des Affaires étrangères, bureau des passeports, 43, boulevard F.D. Roosevelt à Luxembourg, pour y solliciter une autorisation de séjour provisoire.

Ensuite, il s’adressera à l’administration communale du lieu de sa résidence pour y souscrire une déclaration d’arrivée.

Je vous prie, Madame, de croire en l’expression de ma considération distinguée ».

Par lettre du 15 mai 2003, Monsieur … soumit au ministre une demande de prolongation de la validité de son « visa de séjour ».

Le ministre informa Monsieur …, par courrier du 13 juin 2003, de ce que sa demande de prolongation de son autorisation de séjour était refusée aux motifs suivants :

« En effet, vous n’avez pas respecté le contenu de mon courrier du 18 avril 2002 concernant la délivrance d’une autorisation de séjour valable jusqu’au 17 avril 2003, étant donné que vous n’avez pas fait votre déclaration d’arrivée auprès de l’autorité locale de la commune où vous entendiez séjourner conformément à l’article de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par conséquent, comme vous vous trouvez en séjour irrégulier au pays, vous êtes invité à quitter le pays sans délai ».

Par requête déposée le 15 septembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 13 juin 2003.

Etant donné que ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition législative n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur fait valoir que si l’introduction obligatoire d’une déclaration d’arrivée auprès de l’autorité locale de la commune où l’étranger concerné entend séjourner est certes prévue par l’article 3 alinéa 1er de la loi prévisée du 28 mars 1972 et si son non-respect est bien sanctionné d’une amende par l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays, le refus d’une autorisation de séjour et l’obligation lui faite de quitter le pays sans délai sur base de cette seule omission serait disproportionnée en l’espèce, étant donné qu’il aurait suivi une formation d’ingénieur dispensée par le CESI à Villey-lès-Nancy durant la période du 5 novembre 2001 au 4 juillet 2003 et que son emploi du temps chargé et notamment la nécessité de faire quotidiennement le trajet à Villey-lès-Nancy l’aurait empêché de satisfaire à cette obligation administrative. Il ajoute que le ministère de la Justice aurait cependant été informé de son adresse, qu’une caution de près de 2.300 € aurait été déposée auprès du ministère du Travail et que sa sœur, résidente luxembourgeoise, se serait toujours portée garante pour lui. Le demandeur estime finalement que sa situation ne rentrerait dans aucune des hypothèses de nature à fonder une décision de refus d’autorisation de séjour, telles que visées par l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972.

Le délégué du gouvernement rappelle que le demandeur n’aurait pas satisfait à l’obligation légale de déclarer son arrivée à sa commune de résidence, lui rappelée dans le courrier ministériel du 18 avril 2002, tout comme sa demande n’aurait pas été accompagnée de pièces quant aux études par lui suivies, hormis celle attestant le suivi d’une formation d’ingénieur à Villey-lès-Nancy du 5 novembre 2001 au 4 juillet 2003. A défaut de déclaration d’arrivée à la commune et de dépôt à ce moment par le demandeur des pièces requises à l’appui d’une telle déclaration, dont celles concernant ses moyens d’existence personnels et la disposition d’un logement adéquat ainsi qu’un certificat quant à son état civil et un extrait de son casier judiciaire, tout comme en absence de précisions de la part du demandeur sur les études qu’il entendait poursuivre au Luxembourg, essentiellement après la fin de son stage, le ministre aurait été en droit, au vu de ce dossier lacuneux et du défaut du demandeur de se conformer à l’obligation déclarative lui incombant, de refuser la prolongation de l’autorisation de séjour sollicitée.

Le demandeur fait répliquer qu’il aurait encore accompli un stage pratique obligatoire auprès de la société CEGEDEL à Heisdorf du 4 mars au 4 avril 2003 et qu’il pourrait dès lors débuter le cycle d’études de l’Institut Supérieur de Technologie, de manière qu’il pourrait justifier d’un projet d’études pour les trois années à venir. Il s’empare de l’article 3 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 concernant la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, instaurant d’après lui un principe de collaboration entre l’administration et l’administré, pour soutenir que le ministre, saisi d’une demande par lui qualifiée d’imprécise ou d’incomplète à défaut de précisions quant aux études à suivre et de certaines autres pièces, ne pourrait pas se contenter de garder le silence ou refuser la demande sur pied de ce motif, mais serait tenu de demander à l’administré de compléter son dossier afin de pouvoir statuer utilement.

Le délégué du gouvernement rétorque en termes de duplique que le demandeur avouerait le caractère incomplet de sa demande de prolongation et fournissant en instance contentieuse des éléments complémentaires quant à ses études. Il fait en outre valoir que le ministre n’aurait pas refusé la demande de prolongation lui soumise « pour le motif qu’aucune précision quant à ses intentions futures n’aurait été fournie par le requérant mais parce que celui-ci avait omis de renouveler son autorisation à l’échéance et que par ailleurs il n’avait pas présenté une déclaration d’arrivée à l’administration communale du lieu de sa résidence ».

Au vœu de l’article 3 alinéa 1er de la loi prévisée du 28 mars 1972, « l’étranger qui a l’intention de séjourner au Grand-Duché, devra faire sa déclaration d’arrivée auprès de l’autorité locale de la commune où il entend séjourner dans les délais et d’après des modalités à déterminer par règlement grand-ducal ».

D’après l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays, « tout étranger âgé de plus de quinze ans qui se propose de résider au Grand-Duché plus de trois mois, doit dans les trois jours de son arrivée ou de l’achèvement de sa quinzième année, se présenter devant l’autorité chargée de recevoir les déclarations d’arrivée de la commune où il entend fixer sa résidence et y souscrire une demande de carte d’identité d’étranger.

Cette demande vaut déclaration d’arrivée conformément à l’article 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant : 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

A l’appui de sa demande l’étranger doit :

1) présenter le document de voyage sous le couvert duquel il est entré sur le territoire muni, le cas échéant, de l’autorisation de séjour ;

2) justifier de moyens d’existence personnels suffisant ou de la possibilité de les acquérir de manière légale ;

3) présenter un certificat de contrôle médical ; sont dispensés de la présentation de ce document les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne ainsi que les étrangers qui ont déjà déposé ce certificat lors de la déclaration d’arrivée présentée en vertu de l’alinéa final du présent article ;

4) justifier d’un logement adéquat ;

5) remettre trois photos « de face et sans chapeau » au format 45 x 35 mm, la tête ayant au moins 20 mm de hauteur ;

6) fournir les renseignements suivants :

a) nom et prénoms du déclarant, b) ses lieu et date de naissance, c) sa nationalité, d) sa profession, e) son adresse au pays, f) ses résidences antérieures pendant les cinq dernières années, g) son état civil et, s’il y a lieu, le lieu et la date de la célébration du mariage, h) nom et prénoms de son conjoint, i) le nombre des enfants vivant avec lui ;

7) produire une quittance délivrée par l’administration de l’Enregistrement et constatant le paiement de la taxe légale, s’il y a lieu ;

8) produire un extrait récent de son casier judiciaire ou, si son pays n’en délivre pas, un certificat de bonne vie et mœurs délivré par l’autorité compétente de sa dernière résidence ; sont dispensés de la présentation de ce document les ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne ainsi que les étrangers qui ont déjà déposé ce certificat lors de la déclaration d’arrivée présentée en vertu de l’alinéa final du présent article ».

Il se dégage de ces dispositions légale et réglementaire que la finalité d’une déclaration d’arrivée est de permettre tant à l’autorité communale qu’au ministère de la Justice de savoir qu’un étranger, s’étant antérieurement muni d’un titre légalisant son accès au territoire luxembourgeois, est effectivement entré au pays et de pouvoir vérifier, à travers l’examen des pièces que l’étranger est tenu de soumettre avec sa déclaration d’arrivée au vœu de l’article 4 du règlement grand-ducal prévisé du 28 mars 1972, s’il satisfait aux conditions posées par la loi précitée du 28 mars 1972 et ses dispositions d’exécution pour pouvoir résider légalement au pays. Dès lors, un défaut de déclaration d’arrivée et de présentation des pièces prévisées de la part d’un étranger met l’autorité compétente dans l’impossibilité de procéder à cette vérification du caractère légal de son séjour au pays.

S’agissant d’une formalité imposée par la loi et dont le non-respect est en outre sanctionné d’une amende, le défaut d’une déclaration d’arrivée peut valablement justifier une décision de refus de prolongation de séjour dans l’hypothèse vérifiée en l’espèce où le ministre avait déjà attiré itérativement l’attention du demandeur sur son obligation de soumettre cette déclaration et de soumettre les pièces visées par l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972 à travers les autorisations de séjour antérieurement accordées, sans que le principe de collaboration administrative n’ait imposé au ministre de requérir préalablement le demandeur de compléter son dossier au vu du refus constant de ce dernier se de conformer à cette obligation légale.

Il s’ensuit que la décision ministérielle critiquée du 13 juin 2003 est valablement fondée sur le seul motif tiré du non-respect de l’obligation légale de déclarer son arrivée à sa commune de résidence. Le recours en annulation doit partant être rejeté comme n’étant pas fondé sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens avancés par le demandeur.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 8 mars 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16972
Date de la décision : 08/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-08;16972 ?

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