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03/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16733,16734

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mars 2004, 16733,16734


Tribunal administratif Nos 16733 et 16734 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 18 juillet 2003 Audience publique du 3 mars 2004 Recours formé par Monsieur AAA et consorts, … contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Kehlen en présence de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur XXX, … en matière de permis de construire

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 16733 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2003 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, aux noms de 1) Monsieur AAA , …, et consorts, … tendant ...

Tribunal administratif Nos 16733 et 16734 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 18 juillet 2003 Audience publique du 3 mars 2004 Recours formé par Monsieur AAA et consorts, … contre deux décisions du bourgmestre de la commune de Kehlen en présence de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur XXX, … en matière de permis de construire

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 16733 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2003 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de 1) Monsieur AAA , …, et consorts, … tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen du 13 mai 2003 accordant à Monsieur XXX l’autorisation pour l’aménagement d’un dépôt de purin à L- ….;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 16734 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2003 par Maître Steve HELMINGER, préqualifié, aux noms de Monsieur AAA et 11 consorts ci-avant qualifiés, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Kehlen du 30 avril 2003 accordant à Monsieur XXX l’autorisation de transformer une grange existante en étable pour porcs d’élevage à L- … ;

I. et II.

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, huissier de justice suppléant en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 22 juillet 2003 portant signification de ces deux recours à l’administration communale de Kehlen, ainsi qu’à Monsieur XXX, demeurant à L-… ;

Vu les mémoires en réponse déposés au greffe du tribunal le 15 septembre 2003 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Kehlen ;

Vu la notification de ces mémoires en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires de Monsieur AAA et consorts et de Monsieur XXX en date du 12 septembre 2003 ;

Vu les mémoires en réplique déposés au greffe du tribunal administratif le 10 octobre 2003 par Maître Steve HELMINGER, pour compte de Monsieur AAA et consorts ;

Vu la notification de ces mémoires en réplique par voie de télécopie adressée aux mandataires de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur XXX en date du 10 octobre 2003;

Vu les mémoires en duplique déposés au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2003 par Maître Albert RODESCH pour compte de l’administration communale de Kehlen ;

Vu la notification de ces mémoires en duplique par voie de télécopie adressée au mandataire de Monsieur AAA et consorts en date du 30 octobre 2003 et au mandataire de Monsieur XXX en date du 5 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse par voie de télécopie adressée aux mandataires de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur AAA et consorts en date du 15 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Steve HELMINGER, Albert RODESCH et Edmond DAUPHIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2004 ;

Vu la visite des lieux ayant été ordonnée le 14 janvier 2004 et ayant eu lieu en date du 23 janvier 2004 à l’issue de laquelle l’affaire a été reprise en délibéré.

Suivant autorisation de construire référencée sous le numéro 47/2003, le bourgmestre de la commune de Kehlen accorda en date du 30 avril 2003 à Monsieur XXX l’autorisation pour la transformation d’une grange existante en étable pour porcs d’élevage à …, suivant les plans annexés à la demande afférente présentée par l’intéressé le 5 juillet 2002.

Le 8 mai 2003 Monsieur XXX présenta une demande complémentaire tendant à l’obtention de l’autorisation pour l’aménagement d’un dépôt de purin à la même adresse.

Le bourgmestre, suivant décision datant du 13 mai 2003, a fait droit à cette demande en délivrant à Monsieur XXX l’autorisation de construire afférente référencée sous le numéro 57/2003.

Par deux requêtes déposées chacune en date du 18 juillet 2003, Monsieur AAA et 11 consorts, préqualifiés, en leur qualité de voisins plus ou moins directs de l’étable et du dépôt de purin projetés, ont fait introduire deux recours en annulation à l’encontre des autorisations prévisées du bourgmestre datant respectivement des 30 avril et 13 mai 2003.

Les décisions déférées à travers les deux recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 16733 et 16734 ayant trait à une seule et même exploitation agricole, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice, de joindre les deux recours et d’y statuer par un seul jugement.

L’administration communale de Kehlen conteste en l’espèce l’intérêt à agir des requérants en faisant valoir que l’exploitation de Monsieur XXX existerait et fonctionnerait depuis des temps « immémoriaux » au même endroit et bien avant la date à laquelle les requérants se seraient portés acquéreurs des immeubles situés dans ce village à caractère purement rural, il y a encore une vingtaine d’années. Elle relève en outre que les demandeurs sub 5, 6 et 10 auraient eux-mêmes acquis des fermes souhaitant ainsi probablement exprimer leur attachement à la terre et à la vie rurale, ce qui rendrait encore plus incompréhensible leur « acharnement procédurier » en l’espèce par rapport à un agriculteur qui essayerait de survivre par l’exercice de son métier. L’administration communale signale en outre que Monsieur YYY, demandeur sub 6, exploiterait lui-même une porcherie de production à quelque 220 mètres de l’endroit où se trouve installée la ferme XXX, ce qui, à son sens, lui enlèverait tout intérêt à agir.

L’intérêt à agir se mesurant aux prétentions des demandeurs, abstraction faite de leur caractère justifié au fond (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 17607 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Procédure contentieuse, n° 1 et autres références y citées, p. 495), il y a lieu de relever en l’espèce que les prétentions des demandeurs s’agencent par rapport à la question de la compatibilité de l’étable et du dépôt à purin litigieux avec la zone urbanistique concernée, en l’occurrence le secteur de faible densité des zones d’habitation de la commune de Keispelt, entrevue sur la toile de fond spécifique des nuisances olfactives et sonores susceptibles de s’en dégager.

Dans la mesure où l’ensemble des demandeurs, à l’exception de Monsieur ZZZ, demeurant à …, … , sont propriétaires de maisons d’habitation sises dans un rayon relativement rapproché de la ferme XXX, le moyen d’irrecevabilité pour absence d’intérêt à agir opposé aux demandeurs sub 1 à 10 et 12 laisse d’être fondé, sans que cette conclusion ne se trouve utilement énervée par le fait avancé en cause par la commune de Kehlen que plusieurs requérants ont acquis à titre d’habitation des fermes ou que l’un d’eux exploiterait lui-même une porcherie de production.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en annulation, par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable dans le chef des demandeurs sub 1 à 10 et 12, tandis qu’il est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir suffisamment établi dans le chef du demandeur sub 11, Monsieur ZZZ.

A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent à une violation du règlement sur les bâtisses de la commune de Kehlen (Rb) en faisant valoir que la parcelle devant accueillir l’étable et le dépôt à purin litigieux est située dans le secteur d’habitation de faible densité tel que réglementé par les dispositions de l’article 5.1. Rb, étant donné qu’il ne s’agirait ni d’une habitation, ni d’un édifice ou d’un aménagement propre à ce secteur et ne gênant pas l’habitat.

Ils relèvent encore que même à supposer qu’il s’agisse d’un édifice ou d’un aménagement propre de ce secteur, il n’en resterait pas moins que l’établissement projeté gênerait considérablement l’habitat, ne serait-ce que par les odeurs et les bruits causés par les bêtes.

En l’espèce, les parties sont en accord pour admettre que l’établissement litigieux est situé en secteur de faible densité régi par les dispositions de l’article 5.1 Rb dans sa version produite au dossier par les soins des demandeurs dans les termes suivants :

« Les secteurs de faible densité sont destinés aux habitations à caractère unifamilial isolées, jumelées, ou groupées en bandes de cinq unités au plus, et aux édifices et aménagements servant aux besoins propres de ces secteurs et ne gênant pas l’habitat ».

Le secteur de faible densité étant, d’après les dispositions de l’article 3 Rb, une zone d’habitation et le territoire de la commune, par l’effet de son plan d’aménagement général et de son règlement sur les bâtisses, ayant été divisé en plusieurs zones distinctes dont notamment les zones d’habitation à l’intérieur du périmètre d’agglomération et la zone rurale, comprenant les secteurs forestier et agricole, à l’extérieur du périmètre d’agglomération, il y a lieu d’admettre qu’en principe les parties du territoire communal destinées à l’exploitation agricole sont celles faisant partie du secteur agricole de la zone rurale telle que définie à l’article 14.1 Rb, voire éventuellement le secteur d’habitation de moyenne densité tel que réglementé depuis la modification de l’article 4 Rb suivant décision du conseil communal du 13 mai 1992 en ce sens que des édifices agricoles ne gênant pas l’habitat peuvent y être autorisés.

Il s’ensuit que la zone prévue aux fins d’accueillir une porcherie d’élevage pour truies est en principe le secteur agricole en l’absence de gêne pour l’habitat, le secteur d’habitation de moyenne densité, alors qu’un établissement de ce type ne peut, voire, a priori pas être considéré comme étant un édifice ou aménagement servant aux besoins propres d’un secteur d’habitation de faible densité destiné principalement aux habitations à caractère unifamilial.

Force est cependant de relever que l’effet obligatoire et contraignant d’un plan d’aménagement général ne joue qu’à partir de son dépôt à la maison communale, de sorte qu’il ne saurait avoir pour effet d’empêcher la continuation d’une exploitation agricole ayant existé depuis maintes décennies et en tout cas antérieurement à l’adoption du plan d’aménagement général sous examen, sous peine de porter atteinte à la situation acquise de l’exploitation concernée.

Or, il importe encore de constater que la décision litigieuse porte non pas sur une demande relative à l’implantation d’une première exploitation agricole dans la zone concernée emportant au niveau de l’étable litigieuse un changement d’affectation, mais que l’immeuble dans lequel l’activité litigieuse est projetée, d’après les informations concordantes fournies en cause et confirmées lors de la visite des lieux, a depuis ses origines abrité une exploitation agricole familiale, de sorte à avoir été affecté à des fins agricoles bien avant l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires urbanistiques sous examen.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner en l’espèce si l’établissement projeté est à considérer comme s’inscrivant dans la continuité de l’entreprise agricole familiale telle qu’elle fut exploitée par le passé dans l’immeuble concerné, ou bien si de par sa nature et son envergure il constitue un établissement nouveau devant s’inscrire en tant que tel et à tous égards dans les prévisions de la réglementation urbanistique applicable.

Lors de la visite des lieux, les différentes prises de position des parties au litige ont permis de dégager une divergence de vue certaine à cet égard, les parties demanderesses d’estimer en effet que c’est justement en raison de l’envergure et de la nature, par elles qualifiées de quasi industrielle, de l’activité poursuivie que celle-ci se distinguerait nettement de l’ancienne exploitation agricole familiale ayant existé par le passé, tandis que le bénéficiaire de l’autorisation déférée a soutenu que l’exploitation d’une porcherie d’élevage de la taille de celle sous examen n’excéderait pas, compte tenu du contexte agricole actuel, le cadre d’une exploitation traditionnelle du type de celle ayant jadis caractérisé les lieux.

L’une des composantes essentielles de l’agriculture étant l’élevage d’animaux domestiques en vue de la contribution, à travers la viande s’en dégageant, au ravitaillement en denrées alimentaires et plus loin en matières premières pour le domaine industriel, l’élevage de porcs s’inscrit en principe dans le cadre d’une exploitation agricole, même si traditionnellement d’autres composantes venaient compléter l’activité agricole sur le site litigieux et que l’élevage spécifique de porcs n’était pas l’activité principale.

Compte tenu notamment de l’évolution du marché de l’agriculture et des impératifs de politique agricole s’en dégageant au niveau de l’organisation de la population agricole qui se voit contrainte de transformer l’activité agricole, même à petite et moyenne échelle, en une entreprise économique moderne et compétitive, force est encore de constater que l’agriculture, à l’heure actuelle, a subi des mutations sous forme notamment d’une spécialisation plus poussée, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’une exploitation agricole réduite à l’élevage d’un seul type d’animaux ne s’inscrit pas moins dans un esprit de continuité d’une exploitation agricole au sens large du terme, à condition de ne pas verser, à travers l’envergure de l’exploitation concernée, dans le domaine de l’industrie agricole.

Il se dégage des considérations qui précèdent que de par sa nature, l’activité d’élevage de porcs s’inscrit dans la continuité de l’activité agricole exercée jadis dans l’immeuble devant recevoir l’exploitation sous autorisation, de sorte qu’il reste à examiner plus en avant si de par son envergure l’exploitation projetée dépasse le cadre de l’acquis dont peut se prévaloir l’actuel exploitant.

Concernant l’envergure de l’exploitation agricole concernée, se mesurant notamment à son impact au niveau des nuisances pour le voisinage, force est de constater que dans le cadre du litige sous examen, portant sur le permis de construire, il n’appartient pas au tribunal d’examiner la compatibilité des nuisances générées par l’installation autorisée avec la zone d’habitation de faible densité concernée, étant donné que l’activité d’élevage de porcs est sujette à autorisation d’exploitation de la part respectivement des ministre du Travail et de l’Emploi et ministre de l’Environnement qui ont été appelés à examiner le projet litigieux plus particulièrement à cet égard.

Concernant le dépôt de purin, c’est encore à juste titre que Monsieur XXX, dans son mémoire en réponse, s’est référé à l’existence de prescriptions spécifiques en la matière, susceptibles de trouver application par rapport au dépôt de purin litigieux, de sorte que le bourgmestre, statuant en l’espèce non pas en matière d’établissements classés mais dans le cadre de la réglementation urbanistique applicable, n’est pas autrement appelé à examiner l’établissement concerné sous l’aspect des nuisances occasionnées.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable en tant qu’introduit par Monsieur ZZZ reçoit pour le surplus le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mars 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16733,16734
Date de la décision : 03/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-03;16733.16734 ?

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