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03/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16214

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 mars 2004, 16214


Tribunal administratif N° 16214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2003 Audience publique du 3 mars 2004 Recours formé par Monsieur AAA et consorts, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur XXX, … en matière d’établissement classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2003 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, aux noms de 1) Monsieur AAA, demeurant à L-…, et consorts, … tendant à la réformati...

Tribunal administratif N° 16214 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2003 Audience publique du 3 mars 2004 Recours formé par Monsieur AAA et consorts, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de l’administration communale de Kehlen et de Monsieur XXX, … en matière d’établissement classés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16214 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2003 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de 1) Monsieur AAA, demeurant à L-…, et consorts, … tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 12 février 2003, portant autorisation pour l’installation et l’exploitation d’une porcherie pour truies d’élevage de 42 truies, porcelets, jeunes truies de reproduction et verrats en sus, ainsi que d’un réservoir à purin et lisier d’une capacité de 80 m3, sur un fonds sis à Keispelt, inscrit au cadastre de la commune de Kehlen, section E de Keispelt, sous les numéros 162 et 288/2404 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2003 par Maître Steve HELMINGER, pour compte de Monsieur AAA et consorts ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 août 2003 par le délégué du Gouvernement ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Yves TAPELLA, huissier de justice suppléant en remplacement de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 26 septembre 2003, portant signification du recours ainsi que des mémoires qui s’en sont suivis à l’administration communale de Kehlen, ainsi qu’à Monsieur XXX, demeurant à L-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER et Madame la délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 janvier 2004 ;

Vu la visite des lieux ayant été ordonnée le 14 janvier 2004 et ayant eu lieu en date du 23 janvier 2004 à l’issue de laquelle l’affaire a été reprise en délibéré.

Par arrêté du 12 février 2003, référencé sous le numéro 3B/02/0018, le ministre de l’Environnement accorda à Monsieur XXX l’autorisation d’installer et d’exploiter sur un fonds sis à Keispelt et inscrit au cadastre de la commune de Kehlen, section E de Keispelt, sous les numéros 162 et 288/2404, les éléments ainsi énoncés :

« · une porcherie pour truies d’élevage de 42 truies ; porcelets, les jeunes truies de reproduction et les verrats en sus ;

· un réservoir à purin et lisier d’une capacité de 80 m3 », le tout sous réserve d’une série de conditions énoncées par ledit arrêté et sous la précision que n’est pas couvert par ledit arrêté « le réservoir à purin et lisier d’une capacité de 80 m3, dont les prescriptions sont fixées par le règlement grand-ducal du 26 juillet 1999 fixant les prescriptions générales pour les établissements du secteur agricole qui relèvent de la classe 4 en matière d’établissements classés ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2003, Monsieur AAA et 11 consorts, préqualifiés, en leur qualité de voisins plus ou moins directs de l’établissement projeté, ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 12 février 2003.

Le tribunal, conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, est compétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Ledit recours n’ayant pas été autrement critiqué au regard notamment de l’intérêt et du délai pour agir, il est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs concluent d’abord à une violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en faisant valoir que l’autorité ayant statué au sujet d’un établissement relevant de la classe 3B pour laquelle la loi ne prévoit pas le recours à la procédure commodo et incommodo, aurait dû donner à sa décision une publicité adéquate pour mettre les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens, ceci conformément au droit commun en la matière découlant dudit règlement grand-ducal du 8 juin 1979.

Ils estiment plus particulièrement que l’autorité administrative aurait dû rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à la décision litigieuse afin de permettre aux personnes intéressées de faire connaître leurs observations et que la décision définitive aurait dû être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations. Dans la mesure où la consultation du dossier a en l’espèce eu lieu le vendredi 28 mars 2003 à 14.00 heures seulement, l’attitude du ministre s’analyserait en un refus d’autoriser les demandeurs à consulter le dossier dans un délai raisonnable avant l’expiration du délai de recours contentieux, les ayant ainsi mis dans l’impossibilité de préparer utilement la défense de leurs intérêts.

Pour conclure plus en avant sur l’applicabilité en l’espèce de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les demandeurs font valoir dans leur mémoire en réplique que cet article ne limiterait nullement l’application du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 aux textes particuliers antérieurs à son entrée en vigueur, mais qu’au contraire, cet article aurait une portée générale, de manière à trouver application aussi bien aux textes particuliers antérieurs à la loi du 1er décembre 1978, qu’aux textes particuliers postérieurs à cette loi, le contraire privant, à leur sens, ce texte de tout fondement.

Les demandeurs en déduisent qu’à partir du constat que la loi du 10 juin 1999 précitée ne prévoit pas, en ce qui concerne les établissements de la classe 3B, le recours à la procédure de commodo et incommodo et dispense du mécanisme spécifique de l’enquête préalable, cette loi ne présenterait partant pas de garanties équivalentes pour l’administré au sens de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 précitée.

Il est constant que l’établissement autorisé à travers l’arrêté ministériel litigieux range, en tant que porcherie pour truies d’élevage de 10 (dix) à 100 (cent) truies, porcelets, les jeunes truies de reproduction et les verrats en sus, dans la classe 3B des établissements classés, ceci conformément à l’annexe du règlement grand-ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés considérée sous son point 285, 1..

Conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi du 10 juin 1999 précitée les décisions portant autorisation pour un établissement de la classe 3B sont notifiées par l’administration de l’Environnement et l’inspection du Travail et des Mines, chacune en ce qui la concerne, aux demandeurs en autorisation ou aux exploitants, et aux autorités communales sur le territoire desquelles est situé l’établissement et, le cas échéant, aux autorités communales dont le territoire se trouve dans un rayon inférieur à 200 mètres des limites de l’établissement, étant entendu que dans les communes ainsi visées à l’alinéa 1er dudit article, le public, conformément aux dispositions du quatrième alinéa du même article, sera informé des décisions en matière d’établissements classés par affichage de celles-ci à la maison communale pendant 40 jours.

En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que la procédure de notification ainsi prévue fut observée en ce que la décision litigieuse fut communiquée à l’administration communale de Kehlen et que celle-ci a procédé à son affichage à la maison communale pendant 40 jours, à partir du 21 février 2003, de manière à l’avoir portée à la connaissance du public à travers le mode de publicité prévu par l’article 16, alinéa 4 de la loi du 10 juin 1999 précitée.

Les demandeurs soulèvent en l’espèce une violation des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu desquelles l’autorité administrative doit donner une publicité adéquate, mettant en mesure les tiers de faire valoir leurs moyens lorsqu’une décision administrative est de nature à affecter leurs droits et intérêts, et que, dans la mesure du possible, elle doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision et porter la décision définitive, par tous les moyens appropriés, à la connaissance des personnes ayant présenté des observations, tandis que l’article 12 prévoit plus particulièrement que toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d’obtenir communication des éléments d’information sur lesquels l’administration s’est basée ou entend se baser.

Au vœu de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les dispositions réglementaires ainsi invoquées ont en principe vocation subsidiaire à s’appliquer aux décisions pour lesquelles un texte particulier n’organise pas de procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré.

S’il est certes vrai que les demandes d’autorisation introduites concernant les établissements de la classe 3B ne font pas spécifiquement l’objet, selon les dispositions de la loi du 10 juin 1999, d’une procédure de consultation publique, il n’en demeure cependant pas moins que la loi du 10 juin 1999 précitée constitue, de par son objet et quant au volet procédural plus particulièrement sous examen, une loi spéciale par rapport à celle du 1er décembre 1978 précitée, et qu’elle réglemente d’une manière générale les établissements classés, tant au niveau procédural qu’au fond, de manière à traduire la volonté expresse du législateur de couvrir cette matière dans son intégralité et partant également quant au volet de la publicité à accorder respectivement aux demandes et décisions d’autorisation par elle visées, en différenciant notamment suivant la nature et le degré de dangerosité potentielle des établissements classés par la mise en place de mécanismes de consultation et d’information du public plus ou moins poussés, allant à de multiples égards bien au-delà des exigences minimales posées par le règlement grand-

ducal du 8 juin 1979.

Appliqué au cas d’espèce, l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 précitée aboutit ainsi au constat que s’agissant d’une décision administrative individuelle en matière d’établissements classés, il existe un texte particulier, en l’occurrence la loi du 10 juin 1999 précitée, qui globalement considérée organise une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré, sans que cette procédure spéciale, couvrant de par son objet tous les établissements classés y visés en les assortissant de différents degrés de protection procédurale en fonction notamment de leur nature, puisse être disséquée, pour les besoins de l’application de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978, sous peine de méconnaître la volonté présumée du législateur ayant consisté à réglementer à travers la loi du 10 juin 1999 les établissements classés d’une manière cohérente dans leur ensemble, y compris le volet procédural.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen des demandeurs basé sur une violation alléguée des articles 5 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité laisse d’être fondé.

Les demandeurs concluent ensuite à une violation du règlement sur les bâtisses de la commune de Kehlen en faisant valoir que le ministre de l’Environnement ne peut délivrer l’autorisation d’exploitation que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone en conformité avec les lois du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire et du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Or, la parcelle devant accueillir l’établissement litigieux se situant dans le secteur d’habitation de faible densité d’après les dispositions du règlement sur les bâtisses de la commune de Kehlen, ci-après désigné par « Rb », ils estiment que l’établissement projeté ne rentrerait pas dans les prévisions afférentes de l’article 5.1 Rb, étant donné qu’il ne s’agirait ni d’une habitation, ni d’un édifice ou d’un aménagement propre à ce secteur et ne gênant pas l’habitat.

Ils relèvent encore que même à supposer qu’il s’agisse d’un édifice ou d’un aménagement propre de ce secteur, il n’en resterait pas moins que l’établissement projeté gênerait considérablement l’habitat, ne serait-ce que par les odeurs et les bruits causés par les bêtes.

Conformément aux dispositions de l’article 17, (2) de la loi du 10 juin 1999 précitée, l’établissement litigieux, en ce qu’il est projeté dans un immeuble existant, ne peut être autorisé par application de cette même loi « que lorsque l’établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d’aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire ou avec la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles », étant entendu qu’en vertu de la même disposition légale il en est de même lorsque l’établissement est projeté dans un immeuble à construire.

Conformément à la disposition légale prévisée il y a dès lors lieu d’examiner préalablement la question de la conformité de l’établissement projeté par rapport à la zone devant l’accueillir, compte tenu de la législation urbanistique applicable.

En l’espèce, les parties sont en accord pour admettre que l’établissement litigieux est situé en secteur de faible densité régi par les dispositions de l’article 5.1 Rb dans sa version produite au dossier par les soins des demandeurs dans les termes suivants :

« Les secteurs de faible densité sont destinés aux habitations à caractère unifamilial isolées, jumelées, ou groupées en bandes de cinq unités au plus, et aux édifices et aménagements servant aux besoins propres de ces secteurs et ne gênant pas l’habitat ».

Le secteur de faible densité étant, d’après les dispositions de l’article 3 Rb, une zone d’habitation et le territoire de la commune, par l’effet de son plan d’aménagement général et de son règlement sur les bâtisses, ayant été divisé en plusieurs zones distinctes dont notamment les zones d’habitation à l’intérieur du périmètre d’agglomération et la zone rurale, comprenant les secteurs forestier et agricole, à l’extérieur du périmètre d’agglomération, il y a lieu d’admettre qu’en principe les parties du territoire communal destinées à l’exploitation agricole sont celles faisant partie du secteur agricole de la zone rurale telle que définie à l’article 14.1 Rb, voire éventuellement le secteur d’habitation de moyenne densité tel que réglementé depuis la modification de l’article 4 Rb suivant décision du conseil communal du 13 mai 1992 en ce sens que des édifices agricoles ne gênant pas l’habitat peuvent y être autorisés.

Il s’ensuit que la zone prévue aux fins d’accueillir une porcherie d’élevage pour truies est en principe le secteur agricole, voire, en l’absence de gêne pour l’habitat, le secteur d’habitation de moyenne densité, un établissement de ce type ne pouvant en effet a priori pas être considéré comme étant un édifice ou aménagement servant aux besoins propres d’un secteur d’habitation de faible densité destiné principalement aux habitations à caractère unifamilial.

En l’espèce, il y a cependant lieu de relever que l’effet obligatoire et contraignant d’un plan d’aménagement général ne joue qu’à partir de son dépôt à la maison communale, de sorte qu’il ne saurait avoir pour effet d’empêcher la continuation d’une exploitation agricole ayant existé depuis maintes décennies et en tout cas antérieurement à l’adoption du plan d’aménagement général sous examen, sous peine de porter atteinte à la situation acquise de l’exploitant concerné.

Or, force est de constater que la décision litigieuse porte non pas sur une demande relative à l’implantation d’une première exploitation agricole dans la zone concernée, mais que l’immeuble dans lequel l’activité litigieuse est projetée, d’après les informations concordantes fournies en cause et confirmées lors de la visite des lieux, a depuis ses origines abrité une exploitation agricole familiale, de sorte à avoir été affecté à des fins agricoles bien avant l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires urbanistiques sous examen.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner en l’espèce si l’établissement projeté est à considérer comme s’inscrivant dans la continuité de l’entreprise agricole familiale telle qu’elle fut exploitée par le passé dans l’immeuble concerné, ou bien si de par sa nature et son envergure il constitue un établissement nouveau devant s’inscrire en tant que tel à tous égards dans les prévisions de la réglementation urbanistique applicable.

Lors de la visite des lieux, les différentes prises de position des parties au litige ont permis de dégager une divergence de vue certaine à cet égard, les parties demanderesses d’estimer en effet que c’est justement en raison de l’envergure et de la nature, par elles qualifiée de quasi industrielle, de l’activité poursuivie que celle-ci se distinguerait nettement de l’ancienne exploitation agricole familiale ayant existé par le passé, tandis que le bénéficiaire de l’autorisation déférée a soutenu que l’exploitation d’une porcherie d’élevage de la taille de celle sous examen n’excéderait pas, compte tenu du contexte agricole actuel, le cadre d’une exploitation traditionnelle du type de celle ayant jadis caractérisé les lieux.

L’une des composantes essentielles de l’agriculture étant l’élevage d’animaux domestiques en vue de la contribution, à travers la viande s’en dégageant, au ravitaillement en denrées alimentaires et plus loin en matières premières pour le domaine industriel, l’élevage de porcs s’inscrit en principe dans le cadre d’une exploitation agricole, même si traditionnellement d’autres composantes venaient compléter l’activité agricole sur le site litigieux et que l’élevage spécifique de porcs n’était pas l’activité principale.

Compte tenu notamment de l’évolution du marché de l’agriculture et des impératifs de politique agricole s’en dégageant au niveau de l’organisation de la population agricole qui se voit contrainte de transformer l’activité agricole, même à petite et moyenne échelle, en une entreprise économique moderne et compétitive, force est encore de constater que l’agriculture, à l’heure actuelle, a subi des mutations sous forme notamment d’une spécialisation plus poussée, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’une exploitation agricole réduite à l’élevage d’un seul type d’animaux ne s’inscrit pas moins dans un esprit de continuité d’une exploitation agricole au sens large du terme, à condition de ne pas verser, à travers l’envergure de l’exploitation concernée, dans le domaine de l’industrie agricole.

Il se dégage des considérations qui précèdent que de par sa nature, l’activité d’élevage de porcs s’inscrit dans la continuité de l’activité agricole exercée jadis dans l’immeuble devant recevoir l’exploitation sous autorisation, de sorte qu’il reste à examiner plus en avant si de par son envergure l’exploitation projetée dépasse le cadre de l’acquis dont peut se prévaloir l’actuel exploitant.

L’envergure d’une exploitation agricole se mesurant notamment à son impact au niveau des nuisances pour le voisinage, il y a lieu de se référer à cet égard aux développements du délégué du Gouvernement contenus dans son mémoire en duplique en rapport avec l’évaluation des émanations de mauvaises odeurs en provenance d’une porcherie en fonction du poids des bêtes.

Il se dégage des explications afférentes non utilement contestées en cause que le poids des animaux est dans ce contexte exprimé en « unité gros bétail (ugb) » correspondant à l’unité à 500 kilogrammes de poids vif avec la précision qu’une truie d’élevage présente en moyenne 0,3 ugb et un porcelet jusqu’à 25 kg en moyenne 0,02 ugb, tandis que les truies d’élevage avec leurs porcelets sont considérés comme totalisant 0,5 ugb, correspondant à l’hypothèse de 10 porcelets par truie d’élevage.

Il s’ensuit que, schématiquement, une porcherie de 42 truies avec porcelets totalise 21 ugb, soit à peu près l’équivalent en poids vif d’une étable avec 17 à 18 vaches, de manière à s’analyser de ce point de vue en une exploitation de taille somme toute relativement modeste.

Il s’ensuit qu’eu égard à la dimension réduite de l’établissement concerné, celui-ci est encore à considérer comme s’inscrivant du point de vue de son envergure dans la continuité de l’exploitation agricole ayant existé en l’endroit litigieux, de sorte qu’il y a lieu d’admettre qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle exploitation devant être soumise au test de compatibilité, pour les besoins du respect des dispositions de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée, avec la zone d’habitation de faible densité concernée.

Le moyen afférent des demandeurs basé sur une violation de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 précitée laisse partant d’être fondé.

Les demandeurs critiquent finalement l’arrêté ministériel déféré pour non respect des dispositions de l’article 13, alinéas 1er et 3 de la loi du 10 juin 1999 précitée en faisant valoir que le ministre, loin de prévoir des conditions d’exploitation particulières, se serait borné en l’espèce à reproduire des conditions passe-partout se mouvant sur le terrain des généralités, de manière à être resté en défaut de fixer des conditions claires et précises, clairement identifiables et intelligibles pour toute personne intéressée compte tenu des éléments et circonstances de l’espèce.

Ils critiquent plus particulièrement à cet égard le renvoi à la demande d’autorisation avec la mention que les installations doivent être aménagées et exploitées conformément aux plans et indications techniques contenus dans le dossier de la demande, sauf en ce qu’ils auraient de contraire aux dispositions de l’autorisation, cette technique du renvoi étant équivalente, à leur avis, à une absence de fixation, par le ministre, des réserves et conditions d’aménagement et d’exploitation.

Les demandeurs ajoutent que l’autorisation serait assortie de conditions qui ne pourraient pas être respectées en fait, en ce que l’autorisation précise que, sauf accord des parties concernées, les porcheries seront distantes d’au moins trente mètres des locaux habités ou occupés par des tiers et des établissements recevant du public et de cinq mètres du terrain voisin, étant entendu qu’en l’espèce l’établissement projeté serait situé à moins de trente mètres de la maison d’habitation de Monsieur YYY, de sorte qu’il ne pourrait à l’évidence pas remplir cette condition.

Force est de constater qu’en l’espèce, la formule selon laquelle les indications contenues dans la demande d’autorisation telle que formulée le 20 août 2002 et complétée le 19 décembre 2002 ne constituent la base de l’autorisation que pour autant qu’elles ne sont pas contraires au contenu de l’autorisation, n’est pas de nature à rendre cette dernière inintelligible, étant donné que par sa structuration et son contenu, l’autorisation permet tant à l’exploitant lui-même qu’à tout tiers intéressé, de se reporter aux passages de la demande concernée par les dispositions respectives de l’autorisation.

En effet, tel que relevé par le délégué du Gouvernement, l’autorisation litigieuse prend elle-même soin de fixer toute une série de conditions d’exploitation concrètes, relatives notamment à l’extraction de l’air vicié, aux déjections liquides, aux eaux usées, aux émissions sonores et autres, de sorte que cette autorisation, entrevue sur la toile de fond des précisions d’ordre technique apportées par l’exploitant, notamment à travers ses annotations apposées sur la fiche de renseignements supplémentaires jointe à son dossier de demande par courrier du 19 décembre 2002, permet de déterminer avec toute la précision requise la configuration de l’exploitation litigieuse, étant entendu que d’après les termes-mêmes de l’arrêté ministériel déféré celui-ci ne couvre pas le réservoir à purin et lisier d’une capacité de 80 m3 dont les prescriptions sont directement fixées à travers le règlement grand-ducal du 26 juillet 1999 fixant les prescriptions générales pour les établissements du secteur agricole qui relèvent de la classe 4 en matière d’établissements classés.

Quant aux différentes prescriptions générales épinglées par les demandeurs se caractérisant entre autres par une référence aux règles de l’art pour la construction et l’entretien de l’établissement ou encore à la prise de mesures nécessaires pour éviter, dans la mesure du possible, l’émanation de mauvaises odeurs, voire la formation et l’émanation de poussières ou d’odeurs pouvant incommoder sérieusement le voisinage, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’obligations imposées à l’exploitant, lesquelles sont suffisamment concrètes à travers le résultat escompté pour permettre le contrôle de leur respect en cours d’exploitation, ceci eu égard notamment à la fixation par ailleurs de nombreuses conditions techniques en rapport plus ou moins direct avec ces prescriptions.

Concernant ensuite la prescription libellée sub 10) de l’autorisation litigieuse relative à une distance d’au moins trente mètres devant séparer l’établissement litigieux des locaux habités ou occupés par des tiers, voire des établissements recevant du public, force est encore de constater que cette condition, au regard des informations fournies en cause et plus particulièrement d’une attestation écrite afférente de l’administration communale de Kehlen datant du 25 novembre 2002 et confirmant que la distance entre l’établissement projeté et la demeure de Monsieur YYY est de + 38 mètres, ne saurait être qualifiée en l’espèce et en l’état actuel du dossier de condition impossible susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêté ministériel litigieux, en raison de l’absence de tout élément tangible avancé en cause par les demandeurs pour sous-tendre leurs contestations pures et simples afférentes restées jusque lors à l’état de simples affirmations.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Encore que ni le bénéficiaire de l’autorisation ministérielle litigieuse, Monsieur XXX, ni l’administration communale de Kehlen, auxquels le recours fut signifié par exploit d’huissier du 26 septembre 2003, n’aient déposé de mémoire en réponse dans le délai légal, le tribunal, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est appelé à statuer à l’égard de toutes les parties.

Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais .

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mars 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme. Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16214
Date de la décision : 03/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-03;16214 ?

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