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01/03/2004 | LUXEMBOURG | N°16718

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 mars 2004, 16718


Tribunal administratif N° 16718 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2003 Audience publique du 1er mars 2004

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Recours formé par Monsieur … et la société en commandite par actions B. (LUXEMBOURG) S.C.A. contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16718 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2003 par Maître François WARKEN, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité néo...

Tribunal administratif N° 16718 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 juillet 2003 Audience publique du 1er mars 2004

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Recours formé par Monsieur … et la société en commandite par actions B. (LUXEMBOURG) S.C.A. contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16718 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2003 par Maître François WARKEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité néo-

zélandaise, demeurant à L-…, et la société en commandite par actions B. (LUXEMBOURG) S.C.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 16 décembre 2002, ainsi que de la décision implicite de refus par l’effet du silence gardé pendant plus de trois mois suite à l’introduction le 15 janvier 2003 d’un recours gracieux, portant refus de prolonger le permis de travail existant, respectivement de délivrer un nouveau permis de travail à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 janvier 2004 par Maître François WARKEN au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée du 16 décembre 2002 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître François WARKEN et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … bénéficia d’un permis de travail de type A, valable pour une année, initialement délivré par le ministre du Travail et de l’Emploi le 23 août 1999. Ledit permis fut renouvelé à deux reprises, respectivement en date du 5 octobre 2000 et en date du 9 novembre 2001, chaque fois pour une année.

Par lettre du 27 septembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi informa l’employeur de Monsieur …, la société en commandite par actions B. (Luxembourg) S.C.A., préqualifiée, que le permis de travail de Monsieur … viendrait à expiration le 8 novembre 2002 et l’invita à introduire une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail.

Par déclaration datée du 11 novembre 2002, les demandeurs introduisirent auprès de l’administration de l’Emploi une demande en obtention d’un permis de travail en tant que responsable du « Marketing » en faveur de Monsieur ….

Par lettre du 16 décembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi écrivit à la société en commandite par actions B. (Luxembourg) S.C.A. pour l’informer qu’il n’était pas en mesure de prolonger le permis de travail de Monsieur … au motif que leur demande serait sans objet compte tenu du fait qu’il avait été spécifié lors de l’engagement initial de Monsieur … que son engagement se limiterait à trois ans, lesquels seraient désormais révolus.

Par lettre du 15 janvier 2003, la société en commandite par actions B. (Luxembourg) S.C.A. adressa au ministre du Travail et de l’Emploi un recours gracieux contre le prédit refus ministériel. Dans ledit courrier, elle reconnut que, s’il était vrai que l’engagement de Monsieur … n’aurait initialement été prévu que pour une durée de trois ans, elle fit valoir que depuis le … 2001 celui-ci serait marié avec une ressortissante irlandaise travaillant au Luxembourg près de la Banque … et qu’il n’aurait partant en vertu de l’article 11 du règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et de la jurisprudence administrative pas besoin d’un permis de travail. En ordre subsidiaire, pour le cas où le ministre retiendrait néanmoins que Monsieur … aurait besoin d’un permis de travail, elle demande au ministre de reconsidérer sa position.

Restant sans réponse du ministre relativement à ce recours gracieux, Monsieur … et la société en commandite par actions B. (Luxembourg) S.C.A. ont fait introduire, par requête déposée le 15 juillet 2003, un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 16 décembre 2002 ainsi que contre la décision implicite de refus résultant du silence gardé pendant plus de trois mois suite au recours gracieux.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef des demandeurs en faisant valoir que le dossier aurait été classé suite à une réunion du mandataire des demandeurs avec un fonctionnaire du ministère du Travail et de l’Emploi en date du 24 avril 2003, lors de laquelle il aurait été confirmé au mandataire de Monsieur … que celui-ci était dispensé de permis de travail compte tenu du fait que son conjoint rentrait dans le champ d’application de l’article 11 du règlement communautaire n° 1612/68, précité.

Ledit moyen d’irrecevabilité laisse d’être fondé, étant donné qu’il ne se dégage pas du dossier soumis au tribunal que la décision de refus existante dans le chef de Monsieur … ait été explicitement retirée par l’autorité administrative, les seules déclarations verbales d’un fonctionnaire du ministère du Travail et de l’Emploi sont insuffisantes en l’absence de décision de retrait formalisée de la part de l’autorité compétente. Il s’ensuit que les demandeurs en tant que destinataires directs d’une décision administrative explicite de refus et d’une décision implicite de refus de leur demande en obtention d’un permis de travail qu’ils ont introduite devant l’administration gardent un intérêt personnel et direct suffisant pour introduire un recours contentieux tendant à en faire vérifier la légalité.

Le recours en annulation, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, les demandeurs soutiennent que, par le fait que Monsieur … est marié avec une ressortissante irlandaise, il n’aurait pas besoin d’un permis de travail conformément à l’article 11 du règlement communautaire n° 1612/68 précité, et ils demandent partant l’annulation des décisions ministérielles de refus précitées.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, rétorque qu’il n’y aurait pas en l’espèce de refus de permis de travail alors que Monsieur … serait dispensé du permis de travail en vertu de l’article 11 du règlement communautaire précité.

Il convient de relever que l’article 11 du règlement communautaire n° 1612/68 précité du Conseil dispose que « le conjoint et les enfants de moins de vingt-et-un ans ou à charge d’un ressortissant d’un Etat membre exerçant sur le territoire d’un Etat membre une activité salariée ou non salariée ont le droit d’accéder à toute activité salariée sur l’ensemble du territoire de ce même Etat, même s’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre ».

Cette disposition institue un droit au profit du conjoint du travailleur bénéficiaire de la libre circulation d’accéder à toute activité salariée dans l’Etat membre où ledit travailleur communautaire exerce sa propre activité salariée ou non salariée et ledit droit dérivé confère ainsi un droit à un traitement national pour l’accès à l’activité salariée.

L’existence du droit dérivé du conjoint est cependant conditionnée par la nécessité d’un facteur de rattachement avec une situation envisagée par le droit communautaire, en l’occurrence une circulation intra-communautaire d’un travailleur ressortissant d’un autre Etat membre des communautés (cf. trib. adm. 27 juin 2001, n° 12703 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Travail n° 67, page 625) .

Or, force est de constater que cette condition est remplie en l’espèce, étant donné qu’il est constant en cause que le demandeur est marié depuis le … 2001 avec une ressortissante de la République d’Irlande qui s’est installée et qui travaille près de la Banque… au Grand-

Duché.

Il s’ensuit que le demandeur n’avait pas besoin d’un permis de travail pour l’exercice de son activité de responsable du « Marketing » auprès de la société en commandite par actions B. (Luxembourg) S.C.A. et que sa soumission, par le ministre du Travail et de l’Emploi, aux dispositions nationales relatives aux étrangers ne disposant pas de droit assimilé aux droits des ressortissants nationaux, était illégale, car contraire au droit communautaire. Il s’ensuit que les décisions ministérielles encourent l’annulation en ce qu’elles tendent à restreindre le droit dérivé du demandeur d’accéder à toute activité salariée dans l’Etat membre où son conjoint exerce sa liberté de circulation.

Quant à l’indemnité de procédure La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 1.000.- euros demandée par les demandeurs est à rejeter, les conditions de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en la forme;

au fond le dit justifié;

partant annule la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 16 décembre 2002 et la décision implicite de refus par l’effet du silence de plus de trois mois dudit ministre suite à l’introduction du recours gracieux en date du 15 janvier 2003;

déboute les demandeurs de leur demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 1er mars 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16718
Date de la décision : 01/03/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-03-01;16718 ?

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