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26/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16974

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 février 2004, 16974


Tribunal administratif N° 16974 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 septembre 2003 Audience publique du 26 février 2004 Recours formé par les époux … et … contre une décision du bourgmestre de la commune de Nommern en matière de permis de construire

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Vu la requête inscrite sous le numéro 16974 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 septembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ

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Tribunal administratif N° 16974 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 septembre 2003 Audience publique du 26 février 2004 Recours formé par les époux … et … contre une décision du bourgmestre de la commune de Nommern en matière de permis de construire

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Vu la requête inscrite sous le numéro 16974 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 septembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse Madame …, sans état, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Nommern datée du 17 mars 2003, par laquelle Monsieur …, …, demeurant à L-…, a été autorisé à démolir partiellement et à bâtir une construction à usage industriel ou artisanal dans l’intérêt de son entreprise de chauffage à côté de sa maison ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 17 septembre 2003, portant signification de ce recours, respectivement à Monsieur …, préqualifié, et à l’administration communale de Nommern, représentée par son collège des bourgmestre et échevins ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 décembre 2003 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Nommern ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 2 décembre 2003 par lequel ledit mémoire en réponse à été notifié au mandataire des demandeurs ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 janvier 2004 par Maître Jean MEDERNACH pour compte des demandeurs ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 2 janvier 2004 par lequel ledit mémoire en réplique à été notifié au mandataire de l’administration communale de Nommern ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2004 par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale de Nommern ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 28 janvier 2004 par lequel ledit mémoire en duplique à été notifié au mandataire des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 9 juillet 1991, le bourgmestre de la commune de Nommern octroya à Monsieur … une autorisation de construire sur son terrain sis à …. Suite au recours introduit par les époux …-… devant le comité du contentieux du Conseil d’Etat en date du 22 août 1991, le bourgmestre de la commune de Nommern opéra par décision du 6 septembre 1991 le retrait du permis de construire.

Par décision du 7 novembre 1991, le collège échevinal de la commune de Nommern, accorda une autorisation à Monsieur … d’ériger un immeuble pour les besoins de son entreprise. Suite au recours introduit par les époux …-… devant le comité du contentieux du Conseil d’Etat en date du 27 janvier 1992, la prédite décision fut annulée pour incompétence.

Par courrier adressé en date du 12 mars 2003 au mandataire des époux …-…, le bourgmestre de la commune de Nommern informa les demandeurs que l’architecte … avait présenté pour le compte des époux …… une demande d’autorisation de bâtir et que le dossier était en train d’être instruit.

Par décision du 17 mars 2003, référencée sous le numéro 06/2003, le bourgmestre de la commune de Nommern autorisa Monsieur et Madame … à démolir partiellement la construction existante et à construire un immeuble dans l’intérêt de leur entreprise de chauffage sur leur terrain situé à L- …, en spécifiant notamment que ladite construction devrait être construite suivant les plans joints à l’autorisation de bâtir tels qu’approuvés par l’administration communale, que la façade postérieure ne devrait en aucun cas dépasser la distance de 22,00 mètres, que la construction aurait une profondeur de 14,08 mètres, que le recul à front de voirie serait de 7,92 mètres, le recul sur la limite latérale droite de 4,10 mètres, le recul du côté gauche de 7,70 mètres et la hauteur de la corniche au milieu de la façade antérieure de 6,27 mètres.

Par courrier daté du 11 avril 2003 à l’adresse du bourgmestre de la commune de Nommern, le mandataire des demandeurs s’opposa formellement à l’octroi de l’autorisation de bâtir sollicitée au motif que le projet violerait différentes dispositions du plan d’aménagement général et du règlement sur les bâtisses de la commune de Nommern.

Par lettre datée du 16 avril 2003, le bourgmestre de la commune de Nommern prit position quant au courrier précité du mandataire des demandeurs auquel ce dernier répondit encore par courrier du 3 juin 2003.

Par lettre recommandée datée du 18 août 2003, l’administration communale de Nommern informa les demandeurs que l’autorisation de construire avait été accordée à Monsieur … en date du 17 mars 2003.

Par requête déposée le 16 septembre 2003, les époux …-… ont introduit un recours en annulation contre la décision précitée du bourgmestre de la commune de Nommern prise en date du 17 mars 2003.

Quant à la recevabilité du recours Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de Nommern, désignée ci-après « la commune », se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qui concerne les délais et la forme.

La commune conteste en second lieu l’intérêt à agir des demandeurs en faisant valoir que, s’il était vrai qu’en règle générale le propriétaire d’un immeuble contigu à une construction litigieuse aurait intérêt à attaquer un permis de construire s’il était établi que ce dernier n’est pas conforme aux dispositions urbanistiques, néanmoins faudrait-il encore que les irrégularités dont il fait état, devraient être susceptibles d’aggraver sa situation de voisin. Or, dans le cas d’espèce, elle considère que la construction projetée ne saurait entraîner une aggravation de la situation des demandeurs au motif que ceux-ci n’auraient pas de vue directe sur le terrain devant accueillir la construction litigieuse, le terrain des demandeurs étant situé à l’arrière et en aval du terrain … et que les deux terrains seraient séparés par un épais écran de verdure.

Elle conclut dès lors à voir déclarer le recours irrecevable.

Les demandeurs répliquent qu’ils auraient bien une vue directe sur la construction à ériger. En effet, les photos soumis au tribunal par la commune ne seraient pas concluantes vu que seuls y seraient visibles le plancher du rez-de-

chaussée et le sous-sol de la construction actuellement existante. Or, la construction projetée devrait ajouter à la construction existante un premier étage avec combles. En plus, ils soutiennent que leur intérêt à agir ne devrait pas dépendre des arbres existants en bordure du terrain.

Il est constant que toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général. S’il est vrai que les proches voisins ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation ne constitue qu’un indice pour l’intérêt à agir, alors qu’elle ne suffit pas à elle seule pour le fonder.

Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner l’aggravation concrète de la situation de voisin dans le chef de la partie demanderesse en question (cf. trib. adm. 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm. 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 19 et autres références y citées).

Il ressort du dossier que les terrains …… et …-… sont adjacents et se touchent par leurs côtés arrières. Les deux parcelles et les constructions y érigées se trouvent ainsi dans des champs de vision réciproques, étant spécifié que la construction litigieuse projetée se trouvera à un niveau plus élevé par rapport au terrain des époux …-…, au vu de l’inclinaison du terrain.

En se basant sur des arguments relatifs au recul et à l’implantation de la construction litigieuse, ensemble le fait que la construction litigieuse se situera sur un terrain qui est plus élevé que leur terrain, les époux …-… en tant que voisins directs et immédiats, justifient d’un intérêt personnel, direct et légitime suffisant à voir contrôler la conformité du permis aux dispositions réglementaires en vigueur, dans la mesure où les irrégularités invoquées sont de nature à aggraver leur situation de voisins, leur intérêt ne se confondant pas avec l’intérêt général (cf. trib. adm. 20 octobre 1997, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir n°20 et autres références y citées).

Cette conclusion ne saurait être ébranlée par l’existence d’un prétendu écran de verdure qui de toute façon n’est qu’éphémère.

Il s'ensuit que le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d'un intérêt à agir est à rejeter.

Le recours en annulation, ayant par ailleurs été introduit dans le délai et les formes de la loi, il est recevable.

Quant à la procédure administrative non contentieuse Les demandeurs concluent à la violation de l’article 5 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes dans la mesure où ils n’auraient pas eu la possibilité de faire valoir leurs moyens préalablement à la prise de la décision attaquée.

Ils reprochent à la commune, non seulement, d’avoir accordé le permis de construire à peine trois jours après les avoir informés qu’une demande de permis de construire avait été déposée pour le compte de Monsieur …, ce qui aurait rendu leur participation à la prise de décision pratiquement impossible, mais encore de s’être livrée par la suite à un échange de correspondance avec le mandataire des demandeurs en se gardant bien d’informer celui-ci qu’une autorisation de construire avait déjà été délivrée.

La commune soutient, dans son mémoire en réponse, qu’il n’y aurait pas violation de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité dans la mesure où la décision litigieuse serait intervenue suite à une procédure contentieuse lors de laquelle les demandeurs auraient largement eu l’occasion de présenter leurs observations en fait et en droit.

Les demandeurs font valoir dans leur mémoire en réplique que les antécédents judiciaires ne sauraient valoir comme participation à la prise de décision au motif que les plans à la base de l’autorisation de construire litigieuse ne seraient pas identiques à ceux ayant déjà fait l’objet d’un recours contentieux en 1991, respectivement en 1992.

L’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité dispose que « lorsqu’une décision administrative est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l’autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.

Dans la mesure du possible, l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.

Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations.

La décision définitive doit être portée par tous moyens appropriés à la connaissance des personnes qui ont présenté des observations ».

L’article 5 en question entend protéger les tiers contre les décisions que l’administration est amenée à prendre, les procédures y prévues devant respecter les trois grands principes y retenus, savoir réaliser une information appropriée des tiers intéressés, leur permettre de présenter leurs observations et assurer la communication de la décision finale aux personnes qui ont présenté des objections (cf. doc. parl.

2313, commentaire des articles, page 5).

Il résulte des travaux préparatoires à la base du texte sous analyse que les observations y visées ont été entendues comme devant pouvoir être présentées par les tierces personnes concernées préalablement à la prise de décision par l’administration (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, Mousel, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 74 et suivants, p. 484).

En l’espèce, il ressort du dossier qu’une première autorisation de construire est intervenue le 9 juillet 1991, laquelle a été retirée par le bourgmestre suite au recours introduit par les demandeurs. Une deuxième autorisation a ensuite été accordée le 7 novembre 1991 par le collège échevinal de la commune de Nommern, laquelle fut annulée par le comité du contentieux du Conseil d’Etat en date du 27 janvier 1992, suite à un nouveau recours des demandeurs.

S’il est vrai que, dans la mesure où une décision est intervenue suite à une procédure contentieuse ayant porté sur une autorisation concernant la même construction, dans le cadre de laquelle toutes les parties ont pu, de façon exhaustive, présenter l’ensemble de leurs observations en fait et en droit, les conditions de participation préalable posées par l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 se trouvent remplies à suffisance dans la mesure où l’autorisation de construire nouvellement délivrée se borne à entériner la décision judiciaire ainsi intervenue, sans y introduire un quelconque élément nouveau, non soumis aux dites parties dans le cadre de la procédure contentieuse préalablement menée, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce, vu le laps de temps qui sépare l’autorisation de construire actuellement déférée devant le tribunal de celles ayant déjà fait l’objet d’un recours contentieux concernant le même terrain, la commune ne peut utilement invoquer que les demandeurs auraient déjà pu exposer l’intégralité de leurs doléances dans le cadre des premières procédures contentieuses, trop de temps, à savoir plus de dix ans, s’étant écoulé depuis. Pour le surplus, ce moyen ne saurait valoir en l’espèce étant donné que les plans à la base de l’autorisation déférée ne sont pas identiques par rapport aux plans ayant donné lieu aux permis de construire précédents.

Il convient ensuite de constater que la publicité réservée par l’administration à l’ouverture de la procédure ayant abouti au permis litigieux était insuffisante pour permettre une participation des demandeurs préalablement à la prise de décision. En effet, bien que la commune ait informé le mandataire des demandeurs qu’une nouvelle demande de permis de construire avait été introduite, la décision afférente a été prise trois jours après. L’intervalle de temps séparant la communication de l’information aux demandeurs de la prise effective de décision était manifestement trop court pour permettre aux demandeurs de présenter leurs observations.

Il est vrai qu’en cas de violation de la prescription édictée par les alinéas 2 et 3 de l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, la sanction à retenir est, en principe, l’annulation pour omission d’une formalité de bonne administration ayant trait au respect des droits de la défense.

Il est vrai encore que le moyen tiré du non-respect de cette formalité doit être invoqué, dans le délai contentieux, par le demandeur et que ce dernier doit faire valoir des éléments concrets de participation à la décision à prendre, qui, eussent-ils pu être proposés en temps utile, auraient été de nature à conduire l’autorité compétente à prendre une décision différente en tenant compte de ces propositions, dans les limites d’appréciation laissées au cas précis à l’auteur de la décision (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, précité).

En l’espèce, le recours en annulation a été introduit dans le délai du recours contentieux, de sorte que le non-respect de l’obligation de publicité a été invoqué utilement par les demandeurs.

Il convient encore d’analyser la deuxième condition susénoncée, à savoir celle relative à l’existence d’éléments concrets de participation à la décision à prendre.

Or, force est de constater que les demandeurs n’ont avancé, outre les moyens tenant à la procédure administrative non contentieuse, ni dans leur recours introductif d’instance, ni dans leur mémoire en réplique, un élément de participation concrète qu’ils entendent faire valoir à l’encontre du projet de construction litigieux qui ne serait pas constitutif d’un moyen de pure légalité.

Ainsi, en l’absence d’éléments concrets sur lesquels les demandeurs se basent aux fins de voir établir l’illégalité de l’autorisation de bâtir, aucun grief concret dans leur chef n’a pu être dénoté par le tribunal concernant la non-observation des formalités prévues aux alinéas 2 et 3 de l’article 5 précité, de sorte que la décision déférée n’encourt pas l’annulation de ce chef.

Dès lors le moyen tiré de la violation de l’article 5 en question est à écarter.

Au fond, les demandeurs querellent d’abord la légalité de l’autorisation de construire au regard de la réglementation sur les bâtisses.

Il y a lieu de relever que le juge administratif n’est pas obligé de respecter l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par les parties à l’instance. Ceci dit, il convient d’analyser en premier lieu la légalité du plan d’aménagement général de la commune de Nommern, par voie d’exception, étant donné que la légalité de ce plan d’aménagement général est une condition de validité de l’autorisation de construire.

Quant à la modification du plan d’aménagement général Les demandeurs font valoir que la modification de l’article 8.1. de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Nommern, ci-après « PAG », telle que décidée par le conseil communal en date du 30 avril 1990 et approuvée par le ministre de l’Intérieur le 23 mai 1992, aurait été introduite à la seule demande de Monsieur …, afin de lui permettre d’implanter son entreprise de chauffage et d’installation sanitaire dans une zone d’habitation de faible densité.

A cette fin, ils soutiennent que le texte de l’article 8.1. PAG, libellé comme suit : « Les zones d’habitation de faible densité comprennent les parties du territoire communal réservées aux maisons d’habitation et aux édifices et aménagements servant aux besoins propres de ce secteur », aurait été modifié par l’ajout du texte suivant : « (…) ainsi qu’à l’artisanat et au commerce compatible avec la fonction de l’habitat. Il s’agit dans ce dernier cas d’entreprises d’industrie légère destinées aux établissements ne dégageant ni fumées, ni émanations de gaz, d’odeurs, de poussières, ni bruits excessifs, ceci suivant les directives en vigueur fixées par l’administration de l’environnement » et ils estiment que cette modification du PAG serait illégale pour détournement de pouvoir au motif qu’elle serait intervenue dans l’intérêt exclusif de Monsieur … et non pas dans l’intérêt général.

La commune conteste l’existence d’un détournement de pouvoir et soutient que la modification de l’affectation de la zone d’habitation en question concernerait tous les propriétaires de terrains situés dans ladite zone et non seulement la parcelle appartenant à Monsieur ….

Le détournement de pouvoir consiste dans l’utilisation d’une compétence du pouvoir réglementaire communal dans un but autre que celui pour lequel elle est conférée.

Le moyen ainsi présenté amène le juge administratif à examiner si le mobile véritable de l’administration correspond à celui qu’elle a exprimé, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe aux demandeurs invoquant les faits incriminés.

Il convient de noter que la modification d'un plan d'aménagement général est, dans son essence même, prise dans l'intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu'à preuve du contraire (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation n° 5, page 582).

A ce titre, c’est à bon droit que la commune fait valoir que les demandeurs n’ont à aucun moment expliqué en quoi la modification du PAG aurait heurté l’intérêt général.

Ainsi, les éléments invoqués par les demandeurs à l’appui de leur recours ne sont pas de nature à établir la preuve que les décisions ayant autorisé, sinon approuvé la modification du PAG auraient été prises exclusivement, sinon essentiellement dans l’intérêt particulier, voire privé des consorts …. Il résulte par contre du dossier, que la modification du PAG ne profite pas seulement aux consorts …, mais à tous les propriétaires de terrains situés dans la zone d’habitation de faible densité.

A défaut d’avoir apporté des éléments de preuve tangibles à ce sujet, le tribunal est amené à considérer qu’aucun détournement de pouvoir ne peut être retenu à l’encontre des autorités concernées.

Les demandeurs exposent en deuxième lieu que la modification du PAG serait illégale au motif qu’elle violerait la loi.

Le tribunal peut et doit examiner la légalité du PAG, par voie d'exception, conformément à l'article 95 de la Constitution, lorsque la légalité de ce plan est une condition de validité de l'autorisation de construire. Ce faisant, il n'a pas le pouvoir d'annuler le plan en question, dont l'existence est et reste acquise, mais il peut être amené à ne pas appliquer ses dispositions si elles se révèlent illégales (cf. trib. adm.

20 décembre 2001, Pas. adm. 2003, n° 13245 du rôle, V° Urbanisme n° 227, p. 701).

En l'espèce, les demandeurs soutiennent que l’ajout à l’article 8.1. du PAG violerait l’article 14 de la loi du 20 mars 1974 concernant l’aménagement général du territoire qui dispose que chaque projet d’aménagement fixe pour le moins l’affectation générale des diverses zones du territoire communal. Ils exposent que la modification du PAG telle qu’intervenue en 1990 aurait bouleversé « la différenciation entre et l’affectation spécifique des différentes zones du territoire communal » en autorisant aux entreprises artisanales et commerciales de s’implanter indistinctement dans les zones d’habitation de faible densité et dans les zones artisanales.

S’il est vrai que la loi précitée du 20 mars 1974 a été abrogée par la loi du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire, toujours est-il que la modification du PAG est intervenue en date du 30 avril 1990, donc sous l’empire de l’ancienne loi.

Or, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (cf. trib. adm., 12 décembre 2002, n° 15377 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 14 et suivants, p. 585).

L’article 14 de la loi précitée du 20 mars 1974 prévoit que chaque PAG « fixe pour le moins l’affectation générale des diverses zones du territoire communal ».

Le PAG de la commune de Nommern divise le territoire de cette commune en différentes zones et notamment en zones d’habitation et en zones artisanales. Les zones d’habitation sont à leur tour subdivisées en zones à caractère rural, en zones de faible densité et en zones soumises à un plan d’aménagement particulier.

Aux termes de l’article 8.1. PAG, « les zones d’habitation de faible densité comprennent les parties du territoire communal réservées aux maisons d’habitation et aux édifices et aménagements servant aux besoins propres de ce secteur, ainsi qu’à l’artisanat et au commerce compatible avec la fonction de l’habitat ». Ladite disposition définit ce qu’il faut entendre par artisanat et commerce compatible avec la fonction de l’habitat. Malgré un libellé légèrement malencontreux, il s’agit en l’occurrence « d’entreprises d’industrie légère destinées aux établissements ne dégageant ni fumées, ni émanations de gaz, d’odeurs, de poussières ni bruits excessifs, ceci suivant les directives en vigueur fixées par l’administration de l’environnement ».

C’est dès lors à tort que les demandeurs considèrent l’ajout à l’article 8.1.

comme illégal. En effet, le PAG en cause prend bien soin de réserver cette possibilité dérogatoire à « l’artisanat et au commerce compatible avec la fonction d’habitat », tout en précisant qu’il s’agit uniquement « d’entreprises d’industrie légère destinées aux établissements ne dégageant ni fumées, ni émanations de gaz, d’odeurs, de poussières ni bruits excessifs, ceci suivant les directives en vigueur fixées par l’administration de l’environnement ».

La distinction entre les zones d’habitation de faible densité et les zones artisanales ainsi que leur affectation respective sont donc fonction de critères bien définis, de sorte qu'il n’y a pas lieu de considérer l’ajout à l’article 8.1. comme illégal et le moyen est dès lors à écarter.

Quant à la légalité de l’autorisation de construire au regard de la réglementation sur les bâtisses Les demandeurs font valoir que le permis de construire litigieux violerait la partie écrite du PAG de la commune de Nommern comprenant le règlement sur les bâtisses, en ce que la construction projetée comportant une deuxième construction non jointive à la maison d’habitation déjà existante sur la parcelle … et devant servir à l’exploitation d’une entreprise de chauffage et de sanitaire serait, par sa nature et sa destination, totalement incompatible avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité du quartier d’habitation situé dans une zone d’habitation de faible densité.

Ils exposent notamment que la circulation des véhicules de l’entreprise … le long de la propriété des demandeurs, les chargements et les déchargements de marchandises et même de matières inflammables, ainsi que leur stockage, les allées et venues du personnel, des clients et des fournisseurs, seraient incompatibles avec l’habitat. Seules des habitations proprement dites et des constructions assimilées qui ne causeraient pas de nuisances seraient permises dans la zone concernée.

La commune, dans son mémoire en réponse, soutient que la construction projetée serait en tous points conforme aux dispositions de l’article 8.1. PAG. Elle fait valoir que le permis de construire aurait été accordé pour une construction comportant au sous-sol un local de stockage, au rez-de-chaussée un show-room, un bureau et un réfectoire et deux studios au premier étage. D’après la demande et les plans, la construction envisagée ne devrait servir à aucune activité de fabrication et ne dégagerait ni fumée, ni émanations de gaz, d’odeurs, de poussières ou de bruits excessifs.

Il est constant en cause que le terrain devant recevoir l’implantation de la construction projetée pour laquelle les époux … … ont sollicité le permis de construire auprès de la commune de Nommern est situé dans une zone classée à l’intérieur du périmètre d’agglomération de ladite commune dans une « zone d’habitation de faible densité ».

Aux termes de l’article 8.1. PAG, « les zones de faible densité comprennent les parties du territoire communal réservées aux maisons d’habitation et aux édifices et aménagements servant aux besoins propres de ce secteur, ainsi qu’à l’artisanat et au commerce compatible avec la fonction de l’habitat. Il s’agit dans ce dernier cas d’entreprises d’industrie légère destinées aux établissements ne dégageant ni fumées, ni émanations de gaz, d’odeurs, de poussières, ni bruits excessifs, ceci suivant les directives en vigueur fixées par l’administration de l’environnement ».

Ladite disposition, outre de poser comme principe que la zone d’habitation de faible densité est réservée à l’habitat, autorise néanmoins l’implantation d’entreprises artisanales et commerciales à condition d’être compatibles avec la fonction de l’habitat. Au vœu de l’article 8.1. PAG, il s’agit entreprises d’industrie légère qui ne causent pas de gêne à leur voisinage.

Force est de constater, tant au regard du projet de construction comportant au sous-sol un local de stockage, au rez-de-chaussée un show-room, un bureau et un réfectoire et deux studios au premier étage, qu’au regard de l’entreprise de chauffage et de sanitaire considérée globalement, laquelle ne comporte aucune activité de fabrication ni autres nuisances, que le projet de construction litigieux relève d’une activité compatible avec le caractère spécifique de la destination de la zone en question, tel que visé par l’article 8.1. PAG .

Le moyen est dès lors à écarter comme n’étant pas fondé.

Quant aux articles 8.3. et 8.7.1. PAG Les demandeurs soutiennent que l’autorisation de construire déférée violerait les articles 8.3. et 8.7.1. PAG. Ils estiment que la marge de reculement antérieure par rapport à l’alignement des rues, fixée à 6 mètres par l’article 8.7.1. PAG, ne serait pas respectée et que l’implantation de la construction projetée par Monsieur … dépasserait l’alignement postérieur de construction qui serait en l’espèce de 22 mètres, par ajout des 16 mètres de profondeur de la bande d’implantation de la construction.

Ils prétendent que l’alignement postérieur serait dépassé d’environ 1,40 mètres par la construction principale et surtout d’environ 9,40 mètres par une plate-forme de 12 x 8 mètres destinée à l’accès au sous-sol de la construction projetée par l’arrière.

Ils soulignent que cette plate-forme ne saurait en aucun cas valoir comme garage ou comme terrasse.

Dans leur mémoire en réponse, la commune rétorque que le recul antérieur de 6 mètres ne serait pas obligatoire et que la façade postérieure ne dépasserait pas la distance de 22 mètres.

Les demandeurs répliquent que les dimensions relatives à l’implantation de l’immeuble et le recul antérieur varierait au gré des autorisations de construire introduites par les consorts …… .

Ils exposent qu’en ce qui concerne la marge de reculement antérieure, comme le PAG ne prévoyant pas d’exception, l’implantation des constructions à une distance de 6 mètres serait la règle.

Enfin, les demandeurs constatent qu’il résulterait des plans versés par la commune que la bande d’implantation de la construction se situerait à une distance d’environ 22,4 mètres pour la façade postérieure et de 30 mètres pour la plate-forme à partir de l’alignement des rues.

Ils précisent encore que l’article 21 PAG ne permettrait pas de faire abstraction de la plate-forme litigieuse pour le calcul de la marge de reculement.

La commune dans son mémoire en duplique fait valoir que la mesure à prendre en considération pour la profondeur de l’immeuble serait celle des 14,08 mètres marqués en jaune sur les plans versés en cause et non les 14,33 mètres qui sont biffés. En y ajoutant les 7,92 mètres de la marge de reculement antérieur, la construction projetée respecterait la distance des 22 mètres. Enfin elle estime que la plate-forme ne devrait pas être incluse dans le calcul de la marge de reculement postérieur en ce que même si elle ne saurait être assimilée à une terrasse, elle serait néanmoins considérée comme installation semblable.

Aux termes de l’article 8.3. PAG, « les constructions servant à l’habitation ou assimilées seront implantées dans une bande de seize mètres de profondeur, parallèle à l’alignement des rues ». Par ailleurs, au vœu de l’article 8.7.1. « la distance entre la bande de construction définie à l’article 8.3. et l’alignement des rues sera en principe de six mètres (les trottoirs faisant partie de la voie publique) ».

Il ressort des plans soumis au tribunal par la commune que la construction projetée sera implantée à une distance de 7,92 mètres de la rue, c’est-à-dire du trottoir.

Il est vrai que la disposition de l’article 8.7.1. PAG prévoit que les constructions doivent respecter en principe une distance de 6 mètres par rapport à l’alignement des rues. Or, ceci n’exclut pas que la construction pourra, le cas échéant, se situer à une distance supérieure à 6 mètres de la rue, mais en aucun cas à une distance moindre.

En outre, il ressort de la lecture combinée des articles 8.3. et 8.7.1. PAG que les constructions seront implantées dans une bande de 16 mètres de profondeur, à une distance de 6 mètres en principe de l’alignement de la rue, de sorte que la bande de constructions ne saura dépasser en tout les 22 mètres. Il est donc possible de dépasser la limite du recul antérieur de 6 mètres tant qu’on ne dépasse pas la limite de l’alignement postérieur de 22 mètres.

En l’espèce, la bande d’implantation des constructions en zone d’habitation de faible densité fixée à seize mètres de profondeur, commence à une distance de 7,92 mètres de la rue, la construction, hormis la plate-forme, ayant une profondeur de 14,08 mètres.

Les demandeurs font encore valoir que la distance de 22 mètres serait dépassée par une plate-forme d’une surface de 12 x 8 mètres laquelle subsistera après démolition de l’extension du niveau – 1 et qui servira d’accès au sous-sol.

La commune soutient que lors du calcul des marges de reculement, on ne devrait pas tenir compte de la plate-forme.

Au vœu de l’article 21 PAG, les dimensions des marges de reculement sont mesurées « dès le nu de la façade, compte non tenu des terrasses non couvertes, des seuils, des perrons, des escaliers extérieurs, des rampes, des balcons des arcs (fermés latéralement ou non) et autres installations semblables ».

Il ressort des plans soumis au tribunal que la plate-forme occupe presque un tiers de la surface au sol de la construction. Contrairement à ce que prétend la commune, compte tenu de la destination de cette plate-forme, laquelle servira d’accès aux voitures et camionnettes au sous-sol pour le stockage de marchandises, et de son envergure, elle ne saurait être assimilée à une terrasse ou autre installation semblable.

Il en résulte que lors du calcul des marges de reculement, on ne peut pas raisonnablement faire abstraction de ladite plate-forme, de sorte que l’alignement postérieur se trouve dépassé de plus de 8 mètres.

Il s’ensuit que l’autorisation de construire litigieuse ne répond pas, sur ce point, aux exigences réglementaires applicables.

Il se dégage de ce qui précède que l’autorisation de construire délivrée le 17 mars 2003 par le bourgmestre de la commune de Nommern encourt partant l’annulation, l’analyse des autres moyens soulevés par les demandeurs devenant surabondante.

Nonobstant le fait que Monsieur …, quoique valablement cité par exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL du 17 septembre 2003, n’a pas déposé - dans le délai de la loi - de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare justifié;

partant annule l’autorisation de construire délivrée en date du 17 mars 2003 et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la commune de Nommern;

condamne la commune de Nommern aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président M. Spielmann, juge Mme Gillardin, juge et lu à l’audience publique du 26 février 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 13


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16974
Date de la décision : 26/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-26;16974 ?

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