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25/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17619

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 février 2004, 17619


Tribunal administratif N° 17619 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2004 Audience publique du 25 février 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né à … (Afghanistan), déclarant être âgé de 15 ans, de nationalité afghane, placé au Centre de séjou

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Tribunal administratif N° 17619 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 février 2004 Audience publique du 25 février 2004 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête déposée le 19 février 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né à … (Afghanistan), déclarant être âgé de 15 ans, de nationalité afghane, placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 10 février 2004 ordonnant la prorogation de son placement pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 février 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2004 par Maître Louis TINTI ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2004.

Il ressort d’un procès-verbal référencé sous le numéro 60035 de la police grand-ducale, du 12 janvier 2004 que Monsieur … fut intercepté le même jour dans l’avenue de la Gare à Luxembourg-ville sans être en possession des papiers de légitimation prescrits.

Par décision du ministre de la Justice du 12 janvier 2004, Monsieur … fut placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la dite décision dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

1Par une décision du ministre de la Justice du 10 février 2004, notifiée le 20 février 2004, la mesure de placement fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de sa notification sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 12 janvier 2004 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités afghanes ;

- qu’en attendant la réponse des autorités afghanes, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;» Par requête déposée le 19 février 2004 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle du 10 février 2004 portant prorogation de son placement.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre ladite décision. Ledit recours ayant, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait valoir qu’il aurait introduit une demande d’asile, de sorte qu’il ne pourrait pas être considéré comme un étranger en situation irrégulière au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Ensuite il estime qu’au vu de sa minorité, ledit article 15 ne lui serait par ailleurs pas applicable pour ne viser que les retenus adultes, de sorte que sa rétention aurait eu lieu sans la base légale nécessaire exigée en la matière. Il soulève encore que son placement ensemble avec des adultes audit Centre de séjour provisoire serait contraire aux dispositions de la loi du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse.

Il invoque encore que les autorités administratives resteraient en défaut de justifier des circonstances particulièrement graves à la base de la décision litigieuse au sens dudit article 15 qui subordonne la prorogation de la décision de placement au constat d’une « nécessité absolue » afférente.

Enfin il estime que la mesure de placement constituerait une mesure disproportionnée, l’esprit de la loi du 28 mars 1972, ainsi que les travaux parlementaires étant à interpréter dans le sens que le pouvoir exécutif devrait mettre en place une structure spécifique et appropriée pour accueillir les personnes retenues dans l’attente de leur éloignement du pays.

2 En ce qui concerne l’absence de démarches suffisantes entreprises et par conséquent l’absence de « nécessité absolue » en résultant, pourtant nécessaire à la prorogation de la décision de placement, il appartient au tribunal d’analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (trib. adm. 20 décembre 2002, n° 15747 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

En effet l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib. adm.

20 décembre 2002, n° 15735 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, n° 276 et autres références y citées).

Force est de constater que le ministre de la Justice a contacté, le 28 janvier 2004, les autorités afghanes, via le consulat général de l’Afghanistan à Bonn, en vue de la délivrance d’un laissez-passer permettant le rapatriement de Monsieur … vers l’Afghanistan, soit seulement au bout de 15 jours après la prise de la première décision de rétention administrative du 12 janvier 2004. Pour le surplus le dossier tel que soumis au tribunal ne permet pas de dégager que les autorités luxembourgeoises auraient entrepris une quelconque diligence afin de procéder à l’éloignement du demandeur.

En effet la simple constatation que les autorités afghanes n’ont pas encore répondu à la demande de délivrance d’un laissez-passer ne saurait suffire pour justifier la décision litigieuse, d’autant plus qu’il ne résulte aucunément du dossier que le ministère de la Justice aurait recontacté les autorités afghanes depuis le premier contact qui a eu lieu le 28 janvier 2004 ou aurait entrepris une quelconque autre démarche afin d’assurer que le demandeur puisse être éloigné du pays dans les meilleurs délais.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’à défaut d’avoir pris des mesures appropriées pour accélérer la procédure, le ministre de la Justice ne saurait se prévaloir d’une nécessité absolue pour justifier la décision de reconduction de la rétention administrative, de sorte que celle-ci encourt la réformation.

Le recours est partant fondé sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours.

3Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant par réformation de la décision du ministre de la Justice du 10 février 2004 ordonne la mise en liberté de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 25 février 2004 par le vice-président, en présence de M. Schmit, greffier.

Schmit Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17619
Date de la décision : 25/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-25;17619 ?

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