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21/02/2004 | LUXEMBOURG | N°18369

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2004, 18369


Tribunal administratif N° 18369 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2004 Audience publique du 21 février 2004 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18369 du rôle, déposée le 9 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation dâ€

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Tribunal administratif N° 18369 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2004 Audience publique du 21 février 2004 Recours formé par Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 18369 du rôle, déposée le 9 juillet 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 19 février 2004 lui refusant l’entrée et le séjour au Luxembourg ;

Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascal PETOUD en ses plaidoiries à l’audience publique du 14 février 2005.

Par décision du 19 février 2004, le ministre de la Justice refusa l'entrée et le séjour à Madame … aux motifs que celle-ci ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis, vu l'arrêté ministériel du 28 avril 2003 portant refus du permis de travail, qu'elle se trouve en séjour irrégulier au pays, malgré le refus ministériel lui opposé le 4 septembre 2002, et qu’elle est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

Par requête déposée le 9 juillet 2004, inscrite sous le numéro 18368 du rôle, Madame … a introduit une requête en sursis à exécution par rapport à la décision du ministre de la Justice du 19 février 2004 lui refusant l’entrée et le séjour au pays.

Par une ordonnance du 13 juillet 2004, le président du tribunal administratif a déclaré la demande non justifiée et en a débouté la demanderesse.

Par requête déposé le 9 juillet 2004, inscrite sous le numéro 18369 du rôle Madame … a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle de refus du 19 février 2004.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

La demanderesse fait valoir qu’elle serait arrivée en Europe par la Belgique où une carte d’identité lui aurait été délivrée. Ensuite elle aurait fait la connaissance de Monsieur … de nationalité luxembourgeoise. Ils auraient décidé de vivre ensemble et de se marier en septembre 2004.

Elle estime que ce serait à tort que le ministre lui oppose le défaut de moyens personnels, étant donné qu’elle vivrait en concubinage avec Monsieur … lequel se serait engagé de la prendre en charge.

Elle conteste ensuite qu’elle constituerait un danger pour l’ordre public, dans la mesure où elle ne se serait jamais soustraite aux autorités et qu’elle n’aurait fait l’objet d’aucune condamnation pénale.

Enfin elle soulève que la décision litigieuse violerait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La décision litigieuse est fondée entre autre sur le fait que Madame … ne dispose pas de moyens d’existence personnels, de sorte qu’il appartient au tribunal d’analyser si ce motif a pu en l’espèce servir de fondement à la décision déférée.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : …qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront dès lors être refusés lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

Dans le cadre d’un recours en annulation, le juge tient compte des faits tels qu’ils se sont présentés au moment où la décision litigieuse a été prise.

En l’espèce, force est de constater que Madame … ne soumet au tribunal aucun élément lui permettant de retenir qu’au moment de la prise de la décision litigieuse elle disposait de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que le ministre a pu valablement invoquer ce motif de refus pour asseoir sa décision de refus.

A cela s’ajoute que Madame … ne conteste pas que moyennant une décision du 28 avril 2003 le permis de travail lui a été refusé. En ce qui concerne la référence à la déclaration de prise en charge signée par Monsieur … en date du 9 juillet 2004, force est de constater que le tribunal ne saurait, en l’espèce, en tenir compte, étant donné qu’en tout état de cause son émission est postérieure à la décision litigieuse datant du 19 février 2004.

Il y a cependant lieu d’examiner encore le moyen de la demanderesse fondé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

S’il est de principe, en droit international, que les Etats ont le pouvoir souverain de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, il n’en reste pas moins que les Etats qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme ont accepté de limiter le libre exercice de cette prérogative dans la mesure des dispositions de la Convention.

Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont fait état la demanderesse pour conclure dans son chef à l’existence d’un droit à la protection d’une vie familiale par le biais des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est, le cas échéant, de nature à tenir en échec la législation nationale.

A l’audience à laquelle l’affaire était fixée pour plaidoiries, Madame … précise qu’entre-temps Monsieur … serait divorcé et qu’ils envisageraient de se marier au cours du mois de février 2005. Elle se réfère en plus à l’attestation versée par Monsieur … et au fait que celui-ci a reconnu son fils, de nationalité luxembourgeoise.

En l’espèce, il échet tout d’abord de relever qu’il n’est ni allégué ni établi qu’une vie familiale effective ait existée entre Madame … et Monsieur … antérieurement à l’arrivée au Grand-Duché de Luxembourg et la demanderesse n’a pas non plus apporté la preuve qu’une vie familiale effective s’est constituée entre eux au moment de la prise de la décision litigieuse.

S’il est certes exact qu’une attestation versée par Monsieur … datée du 12 juillet 2004 renseigne qu’il vit depuis 8 mois avec Madame …, cette attestation ne saurait suffire pour prouver l’existence d’une vie familiale effective. En effet elle atteste tout au plus que Madame … et Monsieur … ont vécu ensemble depuis deux ou trois mois au moment de la prise de la décision litigieuse.

En ce qui concerne la déclaration de prise en charge du 9 juillet 2004 et la reconnaissance du 23 septembre 2004 par Monsieur … de l’enfant de Madame …, né au Cameroun le 25 mars 1999, force est de constater que ces pièces ne sauraient être prises en compte étant donné qu’elles sont postérieures à la prise de la décision litigieuse de sorte qu’elles ne prouvent en aucune façon l’existence d’une vie familiale au moment de la décision prise.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que la demanderesse ne tombe pas sous le champ d’application de l’article 8 de la CEDH à défaut d’avoir rapporté la preuve d’une vie privée et familiale avec Monsieur … au moment de la prise de la décision litigieuse.

Malgré le fait que l’Etat n’a pas comparu, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2005 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 18369
Date de la décision : 21/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-21;18369 ?

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