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19/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17525

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 février 2004, 17525


Tribunal administratif N° 17525 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2004 Audience publique du 19 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17525 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Douala (Cameroun), tendant à l’annulation

d’une décision du ministre de la Justice du 21 octobre 2003, par laquelle ledit ministre a ...

Tribunal administratif N° 17525 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 janvier 2004 Audience publique du 19 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17525 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2004 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Douala (Cameroun), tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 octobre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré irrecevable sa demande en transcription du statut de réfugié obtenu en Autriche, ainsi que d’une décision confirmative implicite suite à un recours gracieux du demandeur du 23 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée du 21 octobre 2003 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

En date du 15 octobre 2003, Monsieur … introduisit une demande de transcription du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, qui lui a été reconnu en Autriche suivant décision du 16 janvier 2003, auprès du bureau d’accueil pour demandeurs d’asile et il fut entendu le même jour par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande de transcription.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre du 21 octobre 2003, que sa demande avait été déclarée irrecevable au sens de l’article 8 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire. Ladite décision est de la teneur suivante :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 au Luxembourg que vous avez présentée en date du 15 octobre 2003.

Il ressort du rapport d’audition de l’agent du Ministère de la Justice du 15 octobre 2003 que vous avez obtenu le statut de réfugié politique en Autriche au sens de la convention de Genève en date du 16 janvier 2003.

Vous expliquez avoir quitté l’Autriche pour venir vous installer au Luxembourg avec votre fiancée luxembourgeoise.

Selon l’article 8 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile et 2) d’un régime de protection temporaire :

« Une demande peut être considérée comme irrecevable s’il existe un pays tiers d’accueil. On entend par pays tiers d’accueil tout pays dans lequel le demandeur d’asile a déjà obtenu une protection ou a eu la possibilité réelle de solliciter une protection avant de formuler sa demande au Grand-Duché de Luxembourg ».

Je me dois de constater que vous êtes à l’abri de mesures de refoulement au sens de la Convention de Genève en Autriche et que vous y êtes traité conformément aux normes humanitaires reconnues. Vous n’y êtes également pas soumis à des persécutions et votre sécurité et liberté ne sont en aucun cas menacées.

Ainsi, votre demande en obtention du statut de réfugié politique au Luxembourg est considérée comme irrecevable sur base de l’article 8 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile et 2) d’un régime de protection temporaire. » Par lettre du 23 novembre 2003, Monsieur … fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 21 octobre 2003.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 janvier 2004, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 21 octobre 2003, ainsi que contre la décision implicite de rejet se dégageant du silence gardé par le ministre de la Justice à la suite de l’introduction de son recours gracieux du 23 novembre 2003 à l’encontre de la décision initiale.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées irrecevables au sens de l’article 8 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que les autorités autrichiennes lui ont accordé le statut de réfugié suivant décision du 16 janvier 2003 et qu’il a sollicité auprès des autorités luxembourgeoises la transcription de son statut de réfugié pour le territoire du Luxembourg en raison de sa vie commune avec Madame …, de nationalité luxembourgeoise, qu’il a d’ailleurs épousé à Vienne en date du … et avec laquelle il réside à … depuis le 1er décembre 2003.

Dans ce contexte le demandeur estime que les décisions attaquées seraient entachées d’une erreur d’appréciation manifeste en droit en ce que « c’est à tort que [l’autorité administrative] est arrivée à la conclusion que le statut de réfugié politique du requérant lui accordé par les autorités autrichiennes en date du 16 janvier 2003 ne pourra pas faire l’objet d’une transcription au Luxembourg », que sa demande aurait à tort été examinée sous l’angle d’une demande en obtention du statut de réfugié et que la base légale invoquée par l’autorité compétente, à savoir l’article 8 de la loi du 3 avril 1996, précitée, viserait uniquement l’examen d’une demande d’asile au fond et non une demande de transcription du statut de réfugié.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement précise en premier lieu que le demandeur se serait effectivement présenté en date du 15 octobre 2003 au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile pour solliciter la transcription de son statut de réfugié obtenu en Autriche en expliquant vouloir s’installer au Grand-Duché avec sa fiancée. Ce serait cependant à bon droit que le ministre aurait rejeté cette demande sur base de l’article 8 de la loi du 3 avril 1996, précitée, étant donné que le demandeur avait déjà obtenu une protection, en l’occurrence le statut de réfugié en Autriche. Ledit article 8 ne ferait d’ailleurs pas de distinction entre demande d’asile ou demande de transcription d’un statut et « dans la mesure où une personne qui a obtenu le statut de réfugié dans un autre pays demande forcément la transcription d’un statut déjà obtenu, [et le délégué du gouvernement soutient que] restreindre l’application de l’article 8 aux seuls demandes d’asile en excluant toutes demandes de transcription lui enlèverait tout effet utile ». Pour le surplus, le représentant étatique expose qu’aucune base légale quelconque n’obligerait le ministre de la Justice à opérer la transcription d’un statut de réfugié déjà obtenu dans un autre pays et que ce serait justement pour éviter que tout réfugié reconnu dans un pays ne puisse par après s’installer au pays de son choix, « sous-entendu au pays le plus attractif », que le législateur aurait inséré l’article 8 dans sa législation.

Aux termes de l’article 8 de la loi précitée du 3 avril 1996, « une demande peut être considérée comme irrecevable s’il existe un pays tiers d’accueil.

On entend par pays tiers d’accueil tout pays dans lequel le demandeur d’asile a déjà obtenu une protection ou a eu la possibilité réelle de solliciter une protection avant de formuler sa demande au Grand-Duché de Luxembourg. (…) » Il est constant en cause que le demandeur s’est présenté le 15 octobre 2003 devant les autorités luxembourgeoises pour solliciter la transcription de son statut de réfugié obtenu en Autriche, afin de s’installer au Luxembourg avec sa fiancée ayant terminé ses études en Autriche, et que suivant décision du 21 octobre 2003 le ministre de la Justice a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié du demandeur sur base de l’article 8 de la loi précitée du 3 avril 1996 au motif que Monsieur … avait déjà obtenu une protection en Autriche.

Il convient de retenir en premier lieu, comme l’a d’ailleurs souligné à juste titre le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, qu’aucun texte de loi ne prévoit à l’heure actuelle le droit à une transcription automatique d’un statut de réfugié obtenu dans un autre pays.

Dès lors, le ministre de la Justice a procédé à bon droit à un examen au fond de la demande du demandeur sur base de la loi du 3 avril 1996, précitée, et plus particulièrement au regard des dispositions inscrites à l’article 8 de ladite loi, et il a partant constaté à juste titre que le demandeur avait déjà obtenu une protection de la part des autorités autrichiennes. Admettre la thèse défendue par le demandeur conduirait à permettre à tout étranger ayant obtenu le statut de réfugié à l’étranger de s’installer automatiquement pour des raisons de convenance personnelle au Luxembourg, en sollicitant la transcription de son statut de réfugié, et viderait la notion de « pays tiers d’accueil » de toute sa substance dans pareille hypothèse.

Dans ce contexte, il échet encore d’ajouter que le fait que le demandeur s’est marié entretemps avec une citoyenne luxembourgeoise est irrelevant, étant donné que sa demande visait la reconnaissance du statut de réfugié sur le territoire luxembourgeois et non pas un titre de séjour pour le Luxembourg en raison de son futur mariage, d’autant plus que le ministre, au moment de la prise des décisions attaquées, était dans l’ignorance de la célébration effective du mariage de Monsieur … avec Madame … à Vienne en date du 25 novembre 2003, c’est-à-dire à une date même postérieure à l’introduction du recours gracieux.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande du demandeur comme étant irrecevable, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié ;

partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais .

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 19 février 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17525
Date de la décision : 19/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-19;17525 ?

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