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19/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16516

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 février 2004, 16516


Numéro 16516 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2003 Audience publique du 19 février 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg en présence de la société anonyme …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16516 du rôle, déposée le 6 ju

in 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas BANNASCH, avocat à la Cour, inscrit...

Numéro 16516 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 juin 2003 Audience publique du 19 février 2004 Recours formé par la société à responsabilité limitée …, … contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg en présence de la société anonyme …, … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16516 du rôle, déposée le 6 juin 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas BANNASCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, représentée par son gérant actuellement en fonction, établie et ayant son siège social à L-

…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1. d’un permis de construire délivré le 7 mars 2003 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg à la société anonyme … pour la construction d’un immeuble d’habitation et de bureaux avec un laboratoire sur la parcelle sise …;

2. d’un accord de principe du 3 août 2001 du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg concernant le même projet;

3. d’une modification de l’accord de principe du 3 août 2001 émise le 20 mars 2002 par le collège des bourgmestre et échevins;

Vu le mémoire en réponse déposé le 7 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé le 14 novembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston STEIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2003 par Maître Gaston STEIN pour compte de la société à responsabilité limitée …;

Vu le mémoire en duplique déposé le 5 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean MEDERNACH au nom de l’administration communale de la ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique déposé le 13 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston STEIN au nom de la société anonyme …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Nicolas BANNASCH, Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Astrid BUGATTO, en remplacement de Maître Gaston STEIN, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 janvier 2004.

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En date du 3 août 2001, le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Luxembourg, ci-après désigné par le « collège des bourgmestre et échevins », délivra à la société anonyme …, préqualifiée, ci-après désignée par la « société … », un accord de principe pour la construction d’un immeuble d’habitation et de bureaux avec un laboratoire sur une partie des parcelles n° … et … sises …. Cet accord de principe fut modifié par une décision afférente du collège des bourgmestre et échevins de la ville de Luxembourg du 20 mars 2002.

Le collège des bourgmestre et échevins délivra le 7 mars 2003 à la société … un permis de construire pour la construction d’un immeuble d’habitation et de bureaux avec un laboratoire sur une partie des parcelles n° 654/2135 et 654/2606 sises … et représentant le lot n° 1 d’après un plan n° 5240 du 8 janvier 2003 dressé par l’administration du Cadastre et de la Topographie.

Par courrier du 5 mai 2003, la société à responsabilité limitée …, préqualifiée, ci-après désignée par la « société … », demanda au collège des bourgmestre et échevins de lui faire parvenir une copie du permis de construire du 7 mars 2003, y compris des plans y relatifs, et du projet de plan de morcellement du lot C1 à C7 éventuellement déjà déposé.

La société … informa le collège des bourgmestre et échevins, par lettre du 2 juin 2003, de son opposition formelle au permis de construire prévisé du 7 mars 2003 et réitéra sa demande en obtention de copies des documents visés dans son courrier antérieur du 5 mai 2003.

Par requête déposée le 6 juin 2003, la société … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre 1. du permis de construire prévisé du 7 mars 2003 délivré à la société anonyme …, 2. de l’accord de principe du 3 août 2001 du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Luxembourg concernant le même projet, 3. de la décision de modification de l’accord de principe du 3 août 2001 émise le 20 mars 2002 par le collège des bourgmestre et échevins.

Quant à la recevabilité des mémoires La ville de Luxembourg soulève le moyen de l’irrecevabilité du mémoire en réplique déposé le 5 décembre 2003 pour compte de la société … en ce que ce mémoire lui aurait certes été notifié par courrier télécopié du 5 décembre 2003, mais signifié seulement le 15 décembre 2003, donc au-delà du délai légal d’un mois à partir de la notification de son mémoire en réponse en date du 6 novembre 2003.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (1), (5) et (6) que : « 1. Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) 5. Le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à duplique dans le mois.

6. Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il se dégage des dispositions de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais y émargés sous peine de forclusion.

Par ailleurs, au vœu de l’article 5 (1) précité, la fourniture du mémoire en réponse dans le délai de trois mois de la signification de la requête introductive inclut – implicitement, mais nécessairement – l’obligation cumulative de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie voire aux parties défenderesses dans ledit délai de trois mois.

Pour le surplus l’article 10 de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose que : « Les communications entre avocats constitués et entre le délégué du Gouvernement et les avocats constitués peuvent être faites moyennant signification par ministère d’huissier ou notification par voie postale ou par voie directe ou par voie de greffe en ce qui concerne les communications avec le délégué du Gouvernement.

La signification est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom du délégué du Gouvernement ou de l’avocat destinataire. La notification directe s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire au délégué du Gouvernement ou à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé ».

Le terme de « communication » constitue le terme générique qui englobe les notions de signification – qui s’opère par voie d’huissier – et de notification – qui est faite directement ou par l’intermédiaire de la poste. Les communications officielles (échanges des mémoires, communications de requêtes adressées au tribunal ou à son président) entre avocats et avec les délégués du gouvernement, se font, au choix, soit par signification d’huissier ou par notification directe ou par voie postale. Il convient en outre d’admettre que la notification par télécopieur doit être assimilée à la notification par voie postale (cf. trib.

adm. 6 novembre 2000, n° 11870 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Procédure contentieuse, n° 313 et autres références y citées).

En l’espèce, il est établi par les pièces produites en cause que le mandataire de la ville de Luxembourg a effectivement reçu communication du mémoire en réplique de la société … en date du 5 décembre 2003 par voie de télécopie, donc dans le délai d’un mois à partir de la notification du mémoire en réponse de la ville de Luxembourg en date du 6 novembre 2003.

La signification par voie d’huissier intervenue en date du 15 décembre 2003 n’est dès lors en réalité qu’une simple communication confirmative de la notification par télécopieur intervenue en date du 5 décembre 2003, laquelle doit être considérée comme valant communication valable du mémoire au regard de l’article 10 de la loi prévisée du 21 juin 1999. Le moyen d’irrecevabilité de la ville de Luxembourg doit partant être écarté.

Quant à la compétence du tribunal La ville de Luxembourg conteste la compétence du tribunal pour connaître du recours sous analyse au motif que le premier moyen de la société … consisterait à reprocher la délivrance d’un permis de construire à une société qui ne serait pas propriétaire des terrains sur lesquels la construction est autorisée, tandis qu’elle affirme être elle-même propriétaire de ces mêmes terrains. Dans la mesure où la société … se référerait en outre à une procédure judiciaire pendante devant les juridictions judiciaires concernant cette question de propriété, la ville de Luxembourg soutient que l’objet de la contestation soulevée par la société … à travers son recours s’analyserait en l’affirmation d’une violation d’un prétendu droit de propriété à travers une construction sur le sol d’autrui et que toutes les actions judiciaires ouvertes pour parer à une telle situation seraient de la compétence exclusive des juridictions de l’ordre judiciaire, entraînant que, conformément à l’article 84 de la Constitution, le tribunal administratif devrait se déclarer incompétent pour connaître du recours.

La répartition des compétences entre les juridictions judiciaires et les juridictions administratives s'opère, non en fonction des sujets de droit - personnes privées ou autorités administratives - mais en fonction de l'objet du droit qui engendre une contestation portée devant le juge (cf. trib. adm. 11 octobre 2001, n° 12729, Pas. adm. 2003, v° Compétence, n° 16). L’objet d’une action est le résultat que le plaideur entend obtenir et, en matière de permis de construire, l’objet du recours est le permis de construire que le plaideur entend contester (cf. Cour adm. 15 mars 2001, n° 12138C, Pas. adm. 2003, v° Procédure contentieuse, n° 137). Or un permis de construire est un acte administratif qui constitue un préalable nécessaire afin de pouvoir légalement ériger la construction en cause et qui constate la conformité d’un projet de construction avec les dispositions légales et réglementaires en matière d’urbanisme et de salubrité et de sécurité des bâtisses, mais n’emporte pas d’effets quant à la question du droit de propriété sur le terrain concerné.

Un permis de construire doit partant être considéré comme objet d’une action qui est distinct de celui d’une contestation sur le droit de propriété et ce indépendamment des moyens au fond invoqués pour énerver la validité du permis de construire déféré. Le moyen d’incompétence de la ville de Luxembourg est partant à écarter.

C’est cependant à juste titre que tant la ville de Luxembourg que la société … concluent à l’incompétence du tribunal pour connaître du recours principal en réformation introduit, étant donné qu’aucune disposition législative ne confère au tribunal le pouvoir de statuer comme juge du fond en matière de permis de construire.

Quant à la recevabilité du recours subsidiaire en annulation La ville de Luxembourg et la société … soulèvent le moyen d’irrecevabilité du recours tiré du défaut d’intérêt à agir de la société …. Elles font valoir que cette dernière ne figurerait comme propriétaire d’aucune des parcelles avoisinantes de celle sur laquelle le projet immobilier litigieux devra être érigé et qu’elle ne verserait aucune autre pièce de nature à documenter l’existence dans son chef d’un droit sur une parcelle voisine. Elles affirment en outre que le dit projet immobilier n’aurait pas une incidence concrète sur la prétendue situation de voisin de la société ….

A travers son mémoire en réplique, la société … expose que ses droits de propriété résulteraient du fait que suivant offre de l’Etat du 1er octobre 1998 et acceptation de la société … du 2 décembre 1998, le groupe Hein, dont également la société …, seraient devenus propriétaires d’un nombre de terrains situés dans le périmètre du plan d’aménagement particulier de la Place de l’Etoile, dont notamment le terrain sur lequel la société … entend ériger le projet immobilier litigieux et certains terrains attenant à ce dernier. En exécution de ce consentement, plusieurs compromis d’échange comportant une clause suspensive, dont les conditions resteraient à ce jour à être satisfaites, auraient été signés en date du 18 septembre 2003. La société … ajoute que, face à un refus de l’Etat de donner suite au consentement résultant de l’offre du 1er octobre 1998 et de l’acceptation du 2 décembre 1998, le groupe Hein aurait initié contre l’Etat des actions en passation d’acte et des procédures en expropriation forcée de certains propriétaires de terrains situés dans le périmètre du plan d’aménagement particulier de la Place de l’Etoile, dont le terrain visé par le permis de construire critiqué du 7 mars 2003.

La ville de Luxembourg rétorque que la société … serait restée en défaut d’établir avec certitude sa qualité de propriétaire, de produire des pièces documentant les actions judiciaires qu’elle affirme avoir entamées et d’étayer une aggravation concrète de sa situation de voisin.

L’intérêt à agir d’une partie demanderesse s’analyse au jour du dépôt de la requête introductive d’instance (cf. trib. adm. 27 juin 2001, n° 11342, Pas. adm. 2003, v° Procédure contentieuse, n° 9).

En l’espèce, la société … fonde son intérêt à agir sur sa qualité alléguée de propriétaire d’au moins un lot attenant directement à celui sur lequel la société … entend ériger le projet immobilier litigieux.

S’il est vrai que la société … se prévaut à cet égard d’un contrat d’échange, qui aurait été conclu par le biais de l’échange d’une offre de l’Etat du 1er octobre 1998 et d’un consentement de sa part du 2 décembre 1998, et d’une action judiciaire en passation d’acte diligentée contre l’Etat, elle reste par contre entièrement en défaut de soumettre au tribunal des pièces qui établiraient l’existence de ces actes et actions judiciaires.

Pour étayer son affirmation de l’existence de droits dans son chef sur le terrain visé par le projet de construction de la société … et de terrains avoisinants, la société … verse en guise de pièces d’abord un acte d’échange du 12 août 1999 entre l’Etat d’une part et des personnes privées d’autre part, à travers lequel l’Etat est devenu propriétaire d’un lot distant de quelques mètres du lot sur lequel l’immeuble en cause est projeté, tandis que les personnes privées parties à l’acte sont devenues propriétaires de lots situés à des distances supérieures.

Etant donné que la société … est entièrement étrangère à cet acte d’échange, celui-ci n’est pas de nature à étayer un intérêt à agir dans son chef.

La société … verse en second lieu un compromis d’échange avec l’Etat daté au 18 septembre 2003, lequel stipule certes un échange de terrains à travers lequel la société … devient propriétaire du lot sur lequel le projet de construction de la société … est appelé à être construit ainsi que de plusieurs lots situés dans le voisinage de ce dernier. Or, le compromis est postérieur à l’introduction du recours contentieux sous analyse en date du 6 juin 2003, de manière qu’il ne peut pas être pris en considération pour apprécier l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de la société ….

S’y ajoute que ce compromis comporte sous son point 7) une clause suspensive en ce sens qu’il n’entre en vigueur qu’après que certaines conditions se trouvent réunies et une clause résolutoire selon laquelle il devient caduc s’il n’est pas entré en vigueur dans les trois mois de l’approbation par les ministres compétentes. Or, sur question afférente du tribunal, les parties à l’instance n’ont pas pu l’informer si ce compromis, portant comme dernière date d’approbation celle du 26 septembre 2003, est effectivement entré en vigueur.

Dans la mesure où la société … ne se prévaut pas d’une autre qualité qui serait de nature à fonder un intérêt à agir suffisant dans son chef, le recours sous analyse encourt l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne la société … aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, M. SPIELMANN, juge, et lu à l’audience publique du 19 février 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16516
Date de la décision : 19/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-19;16516 ?

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