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18/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17490

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2004, 17490


Tribunal administratif N° 17490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2004 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17490 du rôle, et déposée le 19 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie/Etat de Serbie et Monténég

ro), et de son épouse, Madame …, née le …(Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en...

Tribunal administratif N° 17490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 janvier 2004 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17490 du rôle, et déposée le 19 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Serbie/Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le …(Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 19 décembre 2003 déclarant irrecevable leur nouvelle demande de statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 février 2004.

Le 7 juin 1999, Monsieur … et son épouse Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs … et … introduisirent une première demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Cette procédure d’asile fut définitivement clôturée par un arrêt de la Cour administrative du 4 novembre 2003. Le 10 décembre 2003, la famille…-… introduisit une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Monsieur… fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 15 décembre 2003.

Madame … fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 18 décembre 2003.

Par décision du 19 décembre 2003, envoyée par lettre recommandée le 23 décembre 2003, le ministre de la Justice informa la famille…-… de ce que leur nouvelle demande a été considérée comme irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2004, la famille…-… a fait déposer un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 19 décembre 2003.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées irrecevables suite à l’introduction d’une nouvelle demande, de sorte que le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit en ordre principal. Le recours subsidiaire en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En premier lieu les demandeurs font valoir que la décision du ministre de la Justice du 18 décembre 2003 violerait l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme du fait qu’elle est rédigée en langue française et en ce qu’elle ne mentionne pas que le contenu de la décision leur aurait été traduit par un traducteur assermenté.

En ce qui concerne ce moyen, il échet de constater qu’un demandeur d’asile ne saurait se plaindre de ce que la décision ministérielle est rédigée en français, langue qui est incompréhensible pour lui, étant donné que le français est l’une des trois langues officielles du Grand-Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible par le destinataire, de sorte que le moyen soulevé est à déclarer non fondé (cf. Cour adm. 20 décembre 2001, n° 14302C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, I. Réfugiés, n° 19, p.

182).

Quant au fond, ils font valoir que Monsieur… aurait travaillé comme écrivain pour la revue du Sandjak et que suite à une perquisition de la police une grande partie des travaux effectués, dont les textes préparés par Monsieur…, auraient été saisis. Ils font valoir que cet événement est postérieur à la première décision négative du ministre de la Justice du 18 juillet 2002. En plus, ils font état d’un événement remontant à l’année 2000 lors duquel Monsieur… aurait failli être tué en raison du seul fait qu’il aurait participé à une réunion d’un parti opposant à celui au pouvoir. Enfin, ils font valoir que des policiers de la même nationalité que Monsieur… auraient reçu le statut de réfugié, de sorte que Monsieur…, militaire de carrière pour lequel les représailles à attendre seraient encore plus réelles que pour un simple policier, devrait bénéficier d’autant plus du statut de réfugié. Ils ajoutent que Monsieur… serait recherché dans son pays en raison des textes qu’il aurait écrits et en raison du fait qu’il serait déserteur.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte qu’ils seraient à débouter de leur recours.

L’article 15 de la loi du 3 avril 1996 précité prévoit que : « Le ministre de la Justice considérera comme irrecevable une nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

A la base de leur nouvelle demande d’asile, les demandeurs invoquent tout d’abord le fait que Monsieur… serait militaire de carrière et qu’il aurait refusé d’obtempérer à ses supérieurs hiérarchiques pendant la guerre de Croatie et que pendant la guerre du Kosovo il aurait déserté.

Etant donné que ces éléments ont déjà été toisés dans le cadre de la première demande d’asile laquelle s’est soldée par une décision refusant le statut de réfugié aux demandeurs par une décision du ministre de la Justice du 18 juillet 2002 à l’encontre de laquelle le recours introduit a été déclaré non fondé par un jugement du tribunal administratif du 22 mars 2003 (n° 15640 du rôle), confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 4 novembre 2003 (n° 16604C du rôle), ces éléments ne sont pas des éléments nouveaux au sens de l’article 15 cité ci-avant.

En ce qui concerne la participation de Monsieur… à la rédaction de la revue du Sandjak, créée en 1992, force est de constater que la perquisition dont il fait état remonte à 1999. Ces faits ne se sont dès lors pas produits après la première décision négative du 18 juillet 2002, nonobstant le fait qu’ils n’ont pas été relevés dans le cadre de la première audition, de sorte qu’ils ne constituent pas non plus des éléments nouveaux au sens de l’article 15 cité ci-avant. En plus ces faits ne sauraient constituer une sérieuse indication d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’événement invoqué par les demandeurs qui remonterait à l’année 2000 lors duquel Monsieur… aurait failli être tué en raison du seul fait qu’il aurait participé à une réunion du parti opposant, force est de constater d’abord que cet événement ne figure pas dans le compte rendu de la deuxième audition ayant eu lieu en date du 15 décembre 2003 et que deuxièmement ce fait ne semble guère vraisemblable étant donné qu’en l’an 2000 les demandeurs étaient déjà demandeurs d’asile au Luxembourg, de sorte que ce moyen est également à écarter.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation introduit ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 février 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17490
Date de la décision : 18/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-18;17490 ?

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