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18/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17086

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2004, 17086


Tribunal administratif Numéro 17086 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17086 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant à L- …

, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juin 2003 portan...

Tribunal administratif Numéro 17086 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 octobre 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17086 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 octobre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juin 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 27 septembre 2003 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 janvier 2004.

Le 22 avril 2003, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 6 mai 2003, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 30 juin 2003, lui notifiée par courrier recommandé envoyé le 21 juillet 2003, le ministre de la Justice informa Madame… de ce que sa demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’elle n’invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de son opinion politique, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social.

Par courrier de son mandataire du 14 août 2003, Madame… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 24 septembre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 30 juin 2003.

Le 24 octobre 2003, Madame… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les décisions ministérielles de refus datées des 30 juin et 24 septembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi est recevable.

Quant au fond, Madame…, de nationalité yougoslave et appartenant à la minorité des Bochniaques, fait valoir que son cas personnel serait particulièrement dramatique du fait qu’elle est une femme livrée à elle-même. Elle ajoute que cette situation de fait précaire expliquerait en grande partie l’acharnement dont elle aurait été victime à l’époque où elle vivait au Kosovo. Elle relate qu’elle aurait été victime d’actes de violence commis de façon grave et répétée à son domicile par des individus selon toute vraisemblance d’origine albanaise. En fin de compte elle expose que les autorités en place seraient dans l’incapacité de lui assurer un minimum de protection, de sorte qu’il faudrait considérer ses agresseurs, à savoir les Albanais, comme des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Madame… ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant la crainte exprimée par la demanderesse d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité bochniaque, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Bochniaques, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, la demanderesse risque de subir des persécutions. En plus comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

A cet égard, il y a lieu de constater en plus que suivant la version actualisée datant de janvier 2003 du rapport de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo, la situation de sécurité générale des Bochniaques est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse. En effet il est relevé que : « The general security situation of Kosovo Bosniaks remained stable with no incidents of serious violence . However, Bosniaks have been taken to the police station for questioning after speaking their language in public … Their situation in Peje /Pec and Prizren region, where the vast majority of Bosniaks reside, remains calm. » 1 Force est de constater que les faits mis en avant par la demanderesse, notamment en rapport avec sa situation de femme, sont certes condamnables mais ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

A cela s’ajoute que la demanderesse n’a pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’elle n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place.

De tout ce qui précède il résulte que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

1 UNHCR, Update on the situation of Roma, Ashkaelia, Egyptian, Bosniak and Gorani in Kosovo, UNHCR Kosovo January 2003, p. 5.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 février 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier assumé.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17086
Date de la décision : 18/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-18;17086 ?

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