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18/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16938

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2004, 16938


Tribunal administratif N° 16938 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Monsieur XXX, … (Portugal) et Madame YYY (Luxembourg) contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16938 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 2003 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, de nationalité portugaise, demeurant a...

Tribunal administratif N° 16938 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Monsieur XXX, … (Portugal) et Madame YYY (Luxembourg) contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16938 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 2003 par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, de nationalité portugaise, demeurant actuellement à P-…, et de Madame YYY, de nationalité portugaise, demeurant à L-…, ainsi que de leur fille mineure ZZZ, née le … , tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 14 février 2003 refusant de faire droit à la demande du requérant à voir rapporter la décision de refus d’entrée et de séjour prise à son encontre le 27 octobre 1999, et contre une décision du même ministre du 28 mai 2003 rejetant le recours gracieux introduit par le demandeur contre la prédite décision du 14 février 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 5 janvier 2004 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Sarah ESPOSITO, en remplacement de Maître Guy THOMAS, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2004.

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Par décision du 27 octobre 1999, le ministre de la Justice, ci-après désigné par « le ministre », refusa à Monsieur XXX l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg et lui intima de quitter le pays dès notification de cette décision.

Monsieur XXX fit introduire le 20 janvier 2003 une demande auprès du ministre lui demandant de reconsidérer sa décision et de rapporter la « décision d’expulsion intervenue », en relevant notamment à l’appui de cette demande que sa fiancée, demeurant au Grand-Duché de Luxembourg, était enceinte de ses oeuvres que lui-même avait trouvé un employeur susceptible de l’engager et qu’il s’était amendé depuis 1999 et désirait mener dorénavant une vie responsable.

Par décision du 14 février 2003 le ministre rejeta cette demande en confirmant sa « décision d’expulsion » « faute d’éléments pertinents nouveaux ».

Le 16 avril 2003, Monsieur XXX fit introduire contre cette décision un recours gracieux, en insistant sur l’accouchement imminent de sa fiancée et sur sa volonté de l’épouser et d’élever ensemble leur enfant au Grand-Duché de Luxembourg, et demanda au ministre de reconsidérer sa décision, sinon de lui accorder un laissez-passer afin de lui permettre d’assister à l’accouchement.

Par courrier du 28 mai 2003, le ministre refusa de faire droit au prédit recours gracieux.

Par requête déposée le 27 août 2003 Monsieur XXX et sa fiancée, Madame YYY, ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la prédite décision du ministre du 14 février 2003 refusant de faire droit à sa demande tendant à voir rapporter la décision de refus d’entrée et de séjour, et contre la décision du même ministre du 28 mai 2003 rejetant son recours gracieux.

Quant à la recevabilité Le délégué du Gouvernement soulève l’incompétence du tribunal pour connaître du recours en réformation et, en ce qui concerne le recours en annulation, son irrecevabilité pour cause de tardiveté.

Dans la mesure où ni la loi du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers, 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière de refus d’autorisation de séjour, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

En ce qui concerne le recours en annulation, force est de constater que la première décision ministérielle déférée, à savoir la décision de refus du 14 février 2003, a pour objet une demande datée du 20 janvier 2003 tendant à voir « rapporter » la décision « d’expulsion » ministérielle du 27 octobre 1999.

Force est de constater que les parties sont en désaccord quant à la qualification de cette demande et quant aux conséquences juridiques en résultant, en particulier en ce qui concerne le délai de recours, le délégué du Gouvernement qualifiant la demande du 20 janvier 2003 de recours gracieux à l’encontre de la décision initiale du 27 octobre 1999, tandis que les demandeurs contestent cette qualification.

D’une manière générale, est qualifié de recours gracieux, ou recours à l’autorité mieux informée, un recours adressé par l’administré à l’autorité même qui a pris l’acte et dont l’impétrant espère que mieux informée elle acceptera de reconsidérer le problème (M.-A. Flamme, Droit administratif, Bruylant, T. I, 1989, n° 189, p.439). En d’autres termes, le recours gracieux est celui qui, porté devant l’autorité qui a pris la décision, est dirigé contre cette décision dont l’administré entend obtenir la modification, voire même l’annulation, au vu de la présentation d’une argumentation nouvelle par rapport aux mêmes faits qu’il fournit à l’autorité et dont celle-ci ne disposait pas pour prendre la décision critiquée.

En l’espèce, la demande du 20 janvier 2003, introduite auprès de l’autorité qui a pris la décision de refus d’entrée et de séjour du 27 octobre 1999, a pour objet de provoquer, dans le chef du ministre, une nouvelle décision qui tiendrait compte des nouveaux éléments de fait, survenus depuis la décision initiale du 27 octobre 1999, de sorte que la demande du 20 janvier 2003 n’est pas à qualifier de recours gracieux introduit à l’encontre de la décision initiale de 1999.

Il en résulte que la décision déférée du 14 février 2003 ne constitue pas une simple décision confirmative prise sur recours gracieux, le demandeur ayant en effet fait état d’éléments nouveaux survenus depuis la décision de refus d’entrée et de séjour du 27 octobre 1999, en particulier le fait de s’être amendé depuis 1999 ainsi que le proche accouchement de sa fiancée, mais au contraire une nouvelle décision de refus d’entrée et de séjour au Grand-Duché de Luxembourg.

Il y a par ailleurs lieu de constater que la décision ministérielle du 14 février 2003 pèche par défaut d’indication des voies de recours exigée par l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de sorte que le délai de recours n’a en l’espèce pas commencé à courir.

Le recours en annulation tel que dirigé contre la décision ministérielle du 14 février 2003 a dès lors été introduit en temps utile.

Dans la mesure où le recours en annulation est encore dirigé contre la décision du ministre du 28 mai 2003 rejetant un recours gracieux formulé le 16 avril 2003, le tribunal est encore appelé à analyser la recevabilité ratione temporis du recours tel que dirigé contre la seconde décision déférée.

Par courrier du 16 avril 2003 le demandeur a introduit une demande, cette fois explicitement qualifiée de recours gracieux, contre la décision ministérielle du 14 février 2003, sans cependant soulever d’éléments intrinsèquement nouveaux par rapport à la première demande formulée le 20 janvier 2003.

En revanche, la décision ministérielle du 28 mai 2003, adressée au mandataire du demandeur, indique que : « Je me dois par ailleurs de constater que votre mandant est passé outre mon refus et qu’il n’a pas attendu qu’un laissez-passer établi par mon ministère lui soit délivré, ayant personnellement déclaré la naissance de sa fille Adriana, née le 18 mai 2003, à la Commune ».

Il s’en suit que le ministre a certes pris une décision confirmative, mais basée du moins en partie, au vu des éléments décisionnels y indiqués, sur des éléments nouveaux portés à sa connaissance.

Il s’agit dès lors d’une nouvelle décision, qui a été entreprise en temps utile, le délai de recours n’ayant en l’espèce pas commencé à courir à défaut d’indication des voies de recours exigée par l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Le recours en annulation est partant recevable contre les deux décisions ministérielles déférées dans la mesure où il a été introduit dans le délai de la loi ; il est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes légales.

Quant au fond A l’appui de son recours, le demandeur expose en premier lieu que ce serait à tort que le ministre a décidé de maintenir sa décision lui refusant l’entrée et le séjour sur le territoire, la décision ministérielle constituant une violation du principe « non bis in idem » consacré par l’article 4 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, étant donné qu’elle ferait double emploi avec les sanctions pénales par lui subies.

Il estime encore que la peine serait disproportionnée par rapport au but légitime visé, qu’elle serait discriminatoire et qu’elle violerait le principe d’égalité devant la loi pénale.

Il expose à ce sujet qu’ayant fait l’objet de plusieurs peines d’emprisonnement au Grand-Duché de Luxembourg, il aurait, après avoir bénéficié d’une liberté conditionnelle à compter du 1er septembre 1999 sous condition de ne plus revenir au Grand-Duché, fait l’objet d’un contrôle d’identité en date du 11 octobre 2001 au pays, de sorte qu’il aurait été contraint de retourner en prison pour purger le solde de sa peine.

Il estime que le fait d’être tenu de quitter à nouveau le pays après avoir pourtant purgé l’entièreté de sa peine, serait constitutif d’une deuxième sanction pénale pour les mêmes faits.

Conformément à l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ».

Le principe « non bis in idem » s’applique seulement lorsqu’une personne est poursuivie ou condamnée en raison d’une infraction pour laquelle elle a déjà été acquittée ou condamnée par une décision définitive.

En l’espèce, la décision ministérielle entreprise se réfère à celle du 27 octobre 1999 refusant à Monsieur XXX l’entrée et le séjour sur le territoire, qui indique, en tant que motivation, non seulement les infractions commises par le demandeur qui ont fait l’objet de jugements définitifs, mais également le fait que le demandeur constitue « par son comportement personnel un danger pour l’ordre public ».

Il résulte encore des pièces versées en cause, et en particulier du dossier répressif du demandeur que celui-ci a été l’auteur d’un certain nombre d’infractions ou de comportements répréhensibles qui n’ont pas tous donné lieu à des poursuites et condamnations pénales.

La décision de refus d’entrée et de séjour ne repose dès lors pas uniquement sur des infractions pour lesquelles le demandeur a d’ores et déjà subi des condamnations pénales, de sorte que sa situation ne saurait être assimilée à celle textuellement interdite par l’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.

Il convient de surcroît de relever que le but assigné à la mesure d’interdiction d’entrer et de séjourner sur le territoire, prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales est celui d’écarter du territoire, sinon d’empêcher l’entrée, des personnes susceptibles de troubler la sécurité, la tranquillité et l’ordre publics. La finalité primordiale d’une telle mesure est ainsi celle de protéger pour le futur la sécurité, la tranquillité et l’ordre publics contre des personnes représentant un risque à leur égard et non celle de sanctionner les personnes concernées pour des faits passés : les mesures administratives relatives au contentieux de l’expulsion, de la reconduite à la frontière ou du séjour ne constituent dès lors pas une double peine dans la mesure où elles n’ont pas le caractère d’une sanction pénale mais constituent des mesures de police exclusivement destinées à protéger l’ordre et la sécurité publics (I.

Huet, « La double peine et la convention européenne des droits de l’homme », in : Les mesures relatives aux étrangers à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, 2003, p.59).

Une telle mesure ne tombe par conséquent pas dans la notion de matière pénale au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et de son protocole additionnel n° 7, précités. La mesure visée ne tend en effet pas à dissuader la personne visée de récidiver par la menace d’une sanction, mais à protéger la sécurité et l’ordre public à l’intérieur du pays.

L’interdiction formulée à l’article 4 du protocole additionnel n° 7 précité est ainsi sans application, de sorte que ce moyen, ainsi que ceux relatifs au caractère disproportionné et discriminatoire de la peine, sont à écarter dans le cadre de ce moyen.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent ( trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921, Pas.

adm.,2003, V° Procédure contentieuse, n° 183, p.533, trib. adm. 2 février 2004, n° 16191, non publié, trib. adm. 2 février 2004, n° 16273, non publié ).

En l’espèce, il convient de relever de prime abord que le demandeur, en tant que ressortissant portugais, dispose directement d’un droit de séjour, de sorte qu’il y a lieu d’examiner d’abord l’incidence de ce droit avant d’analyser plus en avant l’existence dans son chef d’un droit de séjour dérivé.

Tel que relevé ci-avant, le texte réglementaire applicable à l’affaire soumise au tribunal est l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, dont les dispositions pertinentes ont la teneur suivante :

« La carte de séjour ne peut être refusée ou retirée aux ressortissants énumérés à l’article 1er et une mesure d’éloignement du pays ne peut être prise à leur encontre que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans préjudice de la disposition de l’article 4, alinéa 3. La seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures.

(…) Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet ».

Il y a dès lors lieu d’analyser si le ministre a pu refuser l’autorisation de séjour à Monsieur XXX en invoquant la réserve d’ordre public.

Il y a lieu de rappeler que le principe de libre circulation qui constitue l’un des fondements du traité CE a été assorti d’une réserve (article 39, § 3 (ex-article 48, § 3) du traité CE) : le droit pour les Etats de refuser à un ressortissant communautaire l’accès ou le séjour sur son territoire pour des raisons touchant à l’ordre public.

La directive 64/221/CEE du 25 février 1964 du Conseil pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique impose aux Etats membres un certain nombre de conditions de fond et de forme en matière de police des étrangers à l’observation desquelles veille la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE).

L’article 3 de la directive 64/221/CEE du Conseil précise en son paragraphe 1 que les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu qui en fait l’objet et dans son paragraphe 2 que la seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver ces mesures. Ces dispositions ont été transposées en droit national par le règlement grand-

ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales et plus précisément par son article 4 cité ci-avant.

La CJCE a été amené à élaborer en matière d’ordre public une œuvre considérable, dont l’examen ne peut être dissocié de celui de la directive 64/221/CEE du 25 février 1964.

Dans son arrêt Bouchereau du 27 octobre 1977 (Aff. 30/77) elle a précisé, par référence à son arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 (Aff. 41/74), qu’en tant que dérogation au principe fondamental de la libre circulation des travailleurs, la notion d’ordre public doit être entendue strictement, étant acquis qu’elle est susceptible de varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, de sorte qu’il convient de reconnaître aux autorités nationales compétentes une marge d’appréciation dans les limites imposées par le traité et les dispositions prises pour son application.

Ainsi des « restrictions ne sauraient être apportées aux droits des ressortissants des Etats membres d’entrer sur le territoire d’un autre Etat membre, d’y séjourner et de s’y déplacer que si leur présence ou leur comportement personnel constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public. » (arrêt RUTILI, CJCE, 28 octobre 1975, aff. 36/75) A préciser que le pouvoir étatique en matière de police des étrangers à l’égard d’étrangers délinquants est en plus limité par la règle selon laquelle la « seule existence de condamnations pénales ne peut automatiquement motiver » des décisions de refus d’entrée et de séjour et des décisions d’éloignement.

Il y a donc lieu d’examiner si le comportement personnel de Monsieur XXX constitue une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public luxembourgeois.

Les décisions déférées à l’analyse du tribunal se référent à la décision ministérielle de refus d’entrée et de séjour du 27 octobre 1999, décision que le ministre refuse de « rapporter » « faute d’éléments pertinents nouveaux ». Il s’ensuit que le ministre a implicitement mais nécessairement maintenu, sinon repris les motifs gisant à la base de sa décision initiale du 27 octobre 1999.

Or dans ce cadre, le ministre fait référence aux antécédents judiciaires du demandeur, antécédents qui ont été précisés en cours de procédure contentieuse.

En effet il résulte des pièces versées au dossier, que Monsieur XXX, a été condamné par le tribunal correctionnel de Luxembourg le :

 6 décembre 1995 à 120 heures de travail d’intérêt général, ainsi qu’à une interdiction de conduire de 12 mois pour vol d’usage d’une voiture -

appartenant à sa sœur - non titulaire d’un permis de conduire ;

 12 août 1998 à 6 mois de prison pour détention illicite de stupéfiants en vue d’un usage pour autrui ;

 12 août 1998, avec confusion avec les peines prononcées dans le précédent jugement à 18 mois de prison pour usage illicite de stupéfiants ainsi que pour détention, importation, vente, et mise en circulation illicite de stupéfiants en vue d’un usage pour autrui ;

 22 octobre 1998 pour infraction à l’article 23 du Code pénal.

Les faits ayant fait l’objet de ces condamnations se sont étalés sur une période allant d’octobre 1993 à juillet 1997.

Il résulte encore d’un rapport du 12 juin 1998 dressé par la police de Walferdange à l’attention du ministère de la Justice que le demandeur a fait l’objet de divers procès-

verbaux de la police relatifs à un certain nombre d’infractions (injures, vol à l’étalage) commises sur une période allant de décembre 1988 à avril 1998 et qui n’ont pas toutes fait l’objet de poursuites pénales.

Enfin, il est encore constant en cause que le demandeur n’a respecté ni l’interdiction d’entrée lui imposée dans le cadre de sa liberté conditionnelle, ni celle lui imposée par décision ministérielle du 27 octobre 1999.

En revanche, à part les violations à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Grand-Duché, le demandeur ne s’est, depuis 1998, rendu coupable d’aucune autre infraction.

Force est encore de constater que les infractions, certes répréhensibles, pour lesquelles le demandeur a encouru des condamnations, ont toutes été commises par le demandeur entre 20 et 25 ans, soit à un âge où bon nombre de jeunes gens font malheureusement encore preuve de peu de maturité et de sens des responsabilités, de sorte que l’on ne peut raisonnablement écarter, du seul fait de ces infractions, tout espoir d’amendement et d’amélioration future.

Il est encore constant en cause que Monsieur XXX a purgé l’intégralité de ses peines.

De surcroît, l’absence de condamnations encourues par le demandeur depuis cette époque, sa volonté affichée de mener dorénavant une vie responsable, et l’absence de tout élément suppléé par l’Etat établissant que le demandeur ne se serait pas amendé dans le contexte des condamnations encourues, amène le tribunal à considérer qu’il n’est pas établi en cause que Monsieur XXX aurait encore constitué par son comportement, à la date des décisions déférées, une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public luxembourgeois, de sorte que le ministre de la Justice n’a pas pu valablement invoquer la réserve d’ordre public pour refuser à Monsieur XXX l’entrée et le séjour au Luxembourg.

En ce qui concerne le motif supplémentaire invoqué par le ministre dans sa décision du 28 mai 2003 relatif au fait que Monsieur XXX est passé outre l’interdiction d’entrée et de séjour pour pouvoir assister à l’accouchement de sa fille, le tribunal est d’avis que ce fait, certes répréhensible dans son principe, mais comportant également une composante humainement compréhensible, n’est pas pour autant à considérer comme caractérisant à lui seul une menace réelle et suffisamment grave pour l’ordre public, de sorte qu’il ne saurait être utilement retenu pour écarter en l’espèce l’erreur manifeste d’appréciation ci-avant dégagée.

Etant donné que les décisions ministérielles encourent l’annulation sur base des considérations qui précèdent, l’examen des moyens ayant trait aux autres motifs de refus devient surabondant.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le dit justifié ;

partant annule la décision du ministre de la Justice du 14 février 2003 refusant de faire droit à la demande du requérant du 20 janvier 2003 ainsi que la décision du même ministre du 28 mai 2003 rejetant le recours gracieux introduit par le demandeur contre la prédite décision du 14 février 2003 ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 février 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16938
Date de la décision : 18/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-18;16938 ?

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