La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16923

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2004, 16923


Tribunal administratif N° 16923 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 août 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … (Slovaquie) et la société anonyme … S.A., …, contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16923 du rôle et déposée le 21 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nati

onalité slovaque, demeurant à SK- …, ainsi qu’au nom de la société anonyme … S.A., ayant son...

Tribunal administratif N° 16923 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 août 2003 Audience publique du 18 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … (Slovaquie) et la société anonyme … S.A., …, contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16923 du rôle et déposée le 21 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité slovaque, demeurant à SK- …, ainsi qu’au nom de la société anonyme … S.A., ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 mai 2003 refusant à Monsieur … l’octroi d’un permis de travail en tant que chauffeur routier auprès de la société anonyme … S.A;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2004 par Maître Claude WASSENICH au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Figen GOKCE, en remplacement de Maître Claude WASSENICH, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 février 2004.

Par déclaration d’engagement datée au 16 janvier 2003 et notifiée le 20 janvier 2003, la société … S.A. introduisit en faveur de Monsieur … une demande en obtention d’un permis de travail pour un emploi de chauffeur-routier.

Par arrêté du 19 mai 2003, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », rejeta cette demande « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

-

des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 143 chauffeurs inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi -

priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen -

poste de travail non déclaré vacant par l’employeur -

occupation irrégulière depuis le 26.02.2001 -

recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 août 2003, Monsieur … ainsi que la société … S.A. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 19 mai 2003.

La loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers, 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère ne prévoit pas de recours en réformation en la matière, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation.

Le recours en annulation introduit à l’encontre la décision ministérielle déférée est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les forme et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que ce serait à tort que le ministre leur a refusé le permis de travail sollicité, en invoquant la disponibilité de 143 chauffeurs, aucun des candidats assignés par l’administration de l’emploi ne répondant aux conditions de qualification prescrites par la société … S.A Les demandeurs contestent encore le motif avancé par le ministre relatif à la priorité à l’embauche à accorder aux ressortissants de l’Espace économique européen, en faisant plaider que les qualifications précises recherchées en l’espèce par l’employeur, à savoir des connaissances linguistiques et géographiques bien particulières, ne seraient pas disponibles dans l’Espace économique européen, puisque propres à la République tchèque et à la Slovaquie.

Ils critiquent ensuite le motif avancé par le ministre selon lequel aucune déclaration de vacance de poste préalable n’aurait été effectuée par l’employeur, la société … S.A. ayant valablement procédé à une telle déclaration dès le 13 juin 2001, déclaration par la suite réitérée.

Pour le surplus ils contestent encore la légalité du motif de refus relatif au recrutement non autorisé à l’étranger.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine application de la loi, de sorte que les demandeurs seraient à débouter de leur recours.

L’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, tel que modifié par la loi du 12 février 1999 concernant la mise en œuvre du plan d’action national en faveur de l’emploi 1998, dispose dans ses deux premiers alinéas que “ (1) Le recrutement de travailleurs non ressortissants de l’Espace Economique Européen dans les Etats non membres de l’Espace Economique Européen est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi.

(2) Dans ce cas, l’administration de l’Emploi peut, sur demande préalable, autoriser un ou plusieurs employeurs ou une organisation professionnelle d’employeurs, à recruter des travailleurs ”.

Il y a lieu de constater que partant le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, sauf l’exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles, ad. art. 16) ;

Il est constant en cause que le demandeur … n’a jamais bénéficié d’une autorisation de séjour, nonobstant sa domiciliation au siège social de la société … S.A.. Il en résulte que soit Monsieur … se trouve en situation irrégulière au Grand-Duché de Luxembourg, soit, s’agissant, comme indiqué dans le recours introductif d’instance, d’un domicile fictif choisi « pour les besoins de la procédure », que le demandeur réside toujours en Slovaquie.

Dans la mesure où l’on ne saurait admettre qu’un travailleur qui soit séjourne irrégulièrement au pays, soit dispose d’une domiciliation fictive, puisse tirer avantage d’une telle situation illégale, sinon fictive, et se voir considérer comme travailleur disponible sur le marché du travail interne pour ainsi contourner les contraintes administratives supplémentaires découlant de l’article 16 précité, c’est à bon droit que le demandeur … a été qualifié de travailleur demeurant en dehors de l’Espace Economique Européen et qu’à défaut de preuve d’un séjour régulier au pays, il doit encore être considéré comme ayant été recruté sans autorisation à l’étranger.

La méconnaissance de l’obligation légale dans le chef de l’employeur de solliciter en premier lieu auprès de l’administration de l’Emploi l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger est susceptible de sanctions pénales expressément énoncées à l’article 41 de la loi du 21 février 1976 précitée, lequel dispose notamment qu’est puni d’une amende de 500 à 25.000 € toute personne qui exerce une activité de recrutement de travailleurs à l’étranger sans être en possession de l’autorisation préalable prévue à l’article 16 de la même loi ou qui n’observe pas les conditions imposées dans ladite autorisation.

Au-delà du fait qu’une sanction pénale est prévue par l’article 41 prévisé, il convient d’analyser si le non-respect de la formalité préalable à l’emploi d’un travailleur étranger inscrite à l’article 16 (2) précité est de nature à justifier une décision de refus du permis de travail A cet égard, il a été décidé par la Cour administrative que l’article 16 (1) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, fixe en principe pour l’administration de l’Emploi le monopole de procéder au recrutement de travailleurs à l’étranger et cela pour des raisons inhérentes à la surveillance du marché de l’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi de la main-d’œuvre occupée dans le pays, la Cour s’étant référée à cet égard aux documents parlementaires n° 1682 entrevus plus particulièrement à partir de leur exposé des motifs, pour conclure au caractère impératif de la règle de procédure sous examen (cf. Cour adm. 22 octobre 2002, n°s 14539C et 14967C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Travail, III. Permis de travail, n° 52, p.622).

Il s’ensuit que le motif de refus basé sur le recrutement à l’étranger non autorisé, au regard des considérations ci-avant fondées sur une jurisprudence constante de la Cour administrative, s’inscrit dans le cadre légal tracé par les dispositions de l’article 27 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, en vertu desquelles seules « des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi », peuvent être invoquées pour motiver le refus du permis de travail, de sorte que le tribunal, statuant sur la légalité d’une décision de refus du permis de travail, est appelé à vérifier si les dispositions de l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, ont été observées.

Il se dégage des développements qui précèdent qu’au-delà de toute question pouvant se poser en l’espèce au sujet de la disponibilité effective de ressortissants de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. bénéficiant d’une priorité à l’emploi et susceptibles de pouvoir utilement occuper le poste de travail en question, l’arrêté ministériel litigieux est motivé à suffisance de droit et de fait par le seul constat du non-respect de la formalité inscrite à l’article 16 (2) de la loi modifiée du 21 février 1976, précitée, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de refus invoqués à son appui, ainsi que les moyens y afférents.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 février 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16923
Date de la décision : 18/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-18;16923 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award