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16/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17477

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2004, 17477


Tribunal administratif N° 17477 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2004 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17477 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Madame …, née … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeura...

Tribunal administratif N° 17477 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2004 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17477 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2004 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née … (Etat de Serbie et Monténégro), de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-… , tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 10 novembre 2003, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié manifestement infondée, ainsi que d’une décision du même ministre du 17 décembre 2003, notifiée le 13 décembre 2003, rejetant son recours gracieux formé contre la décision précitée du 10 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Pascale PETOUD, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2004.

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Le 16 septembre 2003, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Madame … fut entendue en date du 13 octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 10 novembre 2003, le ministre de la Justice informa Madame … de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 10 décembre 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 17 décembre 2003.

Le 16 janvier 2004, Madame … a fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles précitées des 10 novembre et 17 décembre 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal administratif est compétent pour en connaître.

Le recours en annulation, prévu explicitement par le prédit article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996, est par ailleurs recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose être de nationalité serbo-

monténégrine, appartenir à la minorité des Slaves musulmans et avoir fui son pays au courant du mois de septembre 2003 en raison de l’harcèlement psychologique dont elle aurait fait l’objet de la part de ses voisins depuis son mariage en date du 14 décembre 2001.

Elle souligne que ce harcèlement se serait peu à peu mué en pression constante, son mari et elle-même étant considérés par leurs voisins comme des traîtres, à cause d’une précédente demande d’asile présentée par son mari en 1998 au Grand-Duché de Luxembourg.

L’Etat, dans les décisions déférées, estime que la demanderesse n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève.

Il estime en particulier que les motifs avancés par la demanderesse ne peuvent pas être considérés comme persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus que des voisins ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de cette même Convention.

Il relève enfin que la situation politique au Monténégro évoluerait actuellement favorablement suite à l’élection démocratique au mois d’octobre 2000 d’un président en Yougoslavie, et que le Monténégro s’acheminerait vers davantage d’indépendance, de sorte que des risques sérieux de persécution ne seraient plus à craindre dans ce pays.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, le harcèlement, à le supposer établi, émanant de personnes de son entourage et trouvant son origine dans une précédente, et infructueuse, demande d’asile formulée par son mari, tire son origine dans des problèmes et jalousies de voisinage. Il y a à ce sujet tout particulièrement lieu de relever que les voisins, auteurs du harcèlement allégué, appartiennent à la même ethnie que Madame ….

Il convient de relever en outre que la demanderesse reste en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles elle n’aurait pas été en mesure de s’installer dans une autre partie du pays et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne, afin d’éviter l’hostilité de ses voisins.

Il en résulte que la demanderesse ne fait pas l’objet de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Force est par ailleurs de constater que la demanderesse avance encore comme raison de sa fuite le désir de pouvoir mener sa grossesse à terme au Grand-Duché de Luxembourg, d’y obtenir un permis de travail, et d’être rejointe par son mari.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie, ne constituent pas non plus un motif d’obtention du statut de réfugié.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 février 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17477
Date de la décision : 16/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-16;17477 ?

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