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16/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17148

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2004, 17148


Tribunal administratif N° 17148 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par les époux Xxx et Zzz, …, agissant en leur qualité d’administrateurs légaux de leur fille mineure Yyy contre une décision prise en matière de promotion des élèves de l’enseignement secondaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17148 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 novembre 2003 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom des époux Xxx, … , et Zzz, … , agissant en leur qualité d’adm...

Tribunal administratif N° 17148 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 novembre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par les époux Xxx et Zzz, …, agissant en leur qualité d’administrateurs légaux de leur fille mineure Yyy contre une décision prise en matière de promotion des élèves de l’enseignement secondaire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17148 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 novembre 2003 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux Xxx, … , et Zzz, … , agissant en leur qualité d’administrateurs légaux de leur fille mineure Yyy, les trois demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation de la décision de refus de promotion prise en septembre 2003 à l’encontre de l’élève Yyy, la retenant dans la classe de 4ième moderne de l’enseignement secondaire, en raison de son échec décidé concernant son ajournement en géographie au Lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 20 novembre 2003 (n° 17147 du rôle) déclarant justifiée la demande en institution d’une mesure de sauvegarde, de sorte à ordonner la suspension de la décision de refus de promotion de l’élève Yyy en classe de 3ième secondaire, en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond actuellement sous analyse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2003 par Maître Henri FRANK, au nom des demandeurs ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le bulletin des points obtenus par l’élève Yyy durant l’année scolaire 2002/2003 contenant les remarques et décisions du conseil de classe en matière de promotion ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Henri FRANK et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 février 2004.

Considérant qu’à l’issue de l’épreuve d’ajournement en géographie pour les élèves de la classe de 4ième 2M du Lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette, à laquelle l’élève Yyy s’était soumise le 15 septembre 2003, celle-ci a échoué, de sorte à devoir doubler, dans un premier temps, la classe de 4ième au lycée en question ;

Que par requête déposée le 11 novembre 2003 les époux Xxx et Zzz, agissant en leur qualité d’administrateurs légaux de leur fille mineure Yyy, ont fait introduire un recours en annulation contre la décision de refus de promotion de celle-ci, tout en sollicitant par requête déposée le même jour l’institution d’une mesure de sauvegarde consistant en la suspension de la décision de non promotion en question ;

Que par ordonnance du 20 novembre 2003, le président du tribunal administratif a déclaré la demande en institution d’une mesure de sauvegarde justifiée, de sorte à ordonner la suspension de la décision de refus de promotion de l’élève Yyy en classe de 3ième secondaire prise consécutivement à l’épreuve d’ajournement en géographie organisée le 15 septembre 2003 au Lycée de garçons d’Esch-sur-Alzette, en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours au fond actuellement sous analyse ;

Considérant que même si les parties ne prennent pas autrement position quant à la compétence d’attribution du tribunal, ce dernier est amené à analyser la question de sa propre compétence pour connaître du recours lui soumis, cette question étant d’ordre public ;

Que la question ayant été abordée en termes de plaidoiries à l’audience, il n’y a pas lieu à réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de prendre, le cas échéant, position par écrit y relativement ;

Considérant que la décision actuellement critiquée par les demandeurs et déférée au tribunal s’analyse en une décision de refus de promotion prise dans le chef d’une élève de l’enseignement secondaire à la mi-septembre 2003, de sorte que les dispositions du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 concernant la promotion des élèves d’enseignement secondaire sont applicables en l’espèce, dont plus particulièrement son article 1er figurant sous le « Chapitre I : le conseil de classe » et intitulé « délibération et promotion » ;

Que ledit article 1er porte en son paragraphe 1er, alinéa 2 que « les décisions de promotion prises conformément aux dispositions du présent règlement sont sans recours, à l’exception du recours prévu par la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif » ;

Considérant que bien que le texte réglementaire sous revue n’énonce que les seules « décisions de promotion », il est patent que ce vocable comprend nécessairement les décisions de non promotion, étant donné que ce sont celles-ci qui, par essence, sont susceptibles de faire grief et de donner lieu ainsi à recours ;

Considérant qu’en visant sans autre précision le « recours prévu par la loi du 7 novembre 1996… » les auteurs du règlement ont employé une formule imprécise, dans la mesure où ladite loi parle à la fois des recours en annulation (article 2) et des recours en réformation (article 3) ;

Considérant que l’article 3 (1) de ladite loi modifiée du 7 novembre 1996 porte que « le tribunal administratif connaît en outre comme juge du fond des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent connaissance au tribunal administratif » ;

Considérant qu’en l’espèce c’est le texte réglementaire sous revue, l’alinéa 2 du paragraphe 1er de l’article 1er du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 prérelaté, qui énonce le recours dont il s’agit, de sorte que les prévisions de l’article 3 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996, ne se trouvent pas vérifiées en ce qu’aucune loi spéciale n’attribue compétence au tribunal administratif pour statuer comme juge du fond, c’est-à-

dire suivant un recours en réformation en la présente matière ;

Que force est dès lors de retenir que le recours visé par l’alinéa second du paragraphe 1er de l’article 1er du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 vise le recours en annulation ouvert suivant l’article 2 (1) de ladite loi modifiée du 7 novembre 1996 « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements » ;

Qu’il découle de l’ensemble des éléments qui précèdent que les demandeurs ont pu valablement introduire un recours en annulation contre la décision de non promotion par eux déférée ;

Considérant que le recours en annulation n’étant pas autrement critiqué quant à sa forme, ni quant au délai d’introduction, il est recevable pour observer par ailleurs les dispositions afférentes prévues par la loi ;

Considérant qu’au fond, les demandeurs, à travers le dispositif de la requête introductive d’instance, se limitent à solliciter l’annulation de la décision de refus de promotion déférée en ce que « le règlement grand-ducal en question du 8 février 1991 est entaché d’illégalité ne pouvant dès lors servir de base légale à une décision d’ajournement », tout en demandant au tribunal de dire que l’élève Yyy est en droit d’avancer en classe de 3ième ;

Considérant qu’à travers son objet, ledit règlement grand-ducal relatif à l’enseignement secondaire technique est inapplicable en l’espèce, étant donné que pour l’élève Yyy il s’agit d’une question de promotion dans le cadre de l’enseignement secondaire et non point de l’enseignement secondaire technique ;

Que par ailleurs, ainsi qu’il vient d’être dit plus en avant, s’applique en l’occurrence le règlement grand-ducal précité du 30 juillet 2002 pour lequel une base légale suffisante existe actuellement quant à ce point précis, à travers la loi du 8 juin 2001 modifiant notamment l’article 45 de la loi modifiée du 10 mai 1968 portant réforme de l’enseignement ;

Que ce premier moyen est dès lors à écarter comme n’étant point fondé ;

Considérant qu’à travers leur mémoire en réplique, les demandeurs déclarent « moduler » le moyen par eux initialement présenté en ce qu’ils se rapportent d’abord à prudence de justice concernant le respect des dispositions des articles 1er et 9 du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 précité, pour, par la suite, insister plus particulièrement sur le non-respect de ses dispositions respectives, en ce que, d’une part, il n’y aurait pas eu correction séparée de l’épreuve d’ajournement conformément aux dispositions de l’alinéa 3 dudit article 9 et que, d’autre part, il ne serait pas non plus établi que le conseil de classe eût pris, après correction de l’épreuve d’ajournement, une décision explicite concernant la retenue de l’élève Yyy en classe de 4ième ;

Qu’ainsi, il résulterait de la copie de l’épreuve d’ajournement corrigée, figurant au dossier, qu’un seul correcteur a apposé les notes ventilées à côté de chaque question, ensemble ses remarques et annotations, lesquelles émaneraient du seul professeur titulaire, compte tenu du total total des points (15/60) par lui attribués, et que dès lors les deux autres correcteurs n’y auraient apposé qu’une note (respectivement 17 et 16) sans apposition séparée de notes ventilées à côté de chaque question, de sorte qu’il serait à admettre que ces deux co-correcteurs se seraient tout simplement alignés sur la première note attribuée par le professeur titulaire ;

Que plus loin, les demandeurs de conclure à une erreur manifeste d’appréciation concernant le quantum des notes attribuées en se référant au rapport du professeur Aaa par eux versé en cause et plus particulièrement à la note (40 sur 60) par lui attribuée relativement à la même copie d’ajournement ;

Qu’en épinglant ainsi une erreur manifeste d’appréciation dans le chef de la commission des trois correcteurs, ils concluent en ordre principal à l’annulation de la décision déférée, tout en faisant valoir à titre subsidiaire qu’une nouvelle correction de la copie par un collège de trois experts serait indiquée ;

Que le délégué du Gouvernement de conclure que d’une manière générale les demandeurs n’apporteraient pas la preuve des faits par eux allégués ;

Qu’ainsi plus particulièrement il ne serait pas établi en cause que les trois correcteurs n’auraient pas apprécié séparément la copie de l’élève Yyy ;

Que le fait que le professeur titulaire ait apposé ses notes en marge de la copie ne prouverait nullement que les deux co-correcteurs n’aient pas corrigé séparément, en âme et conscience, la copie en question ;

Qu’il serait d’ailleurs d’usage que les deux co-correcteurs mettent le détail de leur annotation sur une feuille séparée et qu’ils écrivent uniquement la note finale sur la copie ;

Que le fait que les notes des trois correcteurs soient proches l’une de l’autre ne prouverait pas non plus un manque de sérieux dans la correction ;

Qu’en toute occurrence il n’appartiendrait pas à l’Etat, partie défenderesse, de rapporter la preuve du respect des prescriptions légales et réglementaires en la matière ;

Que de même, l’erreur d’appréciation manifeste avancée par les demandeurs dans le chef des trois correcteurs ne serait point établie en l’espèce, étant donné que le professeur Aaa ne saurait être considéré comme un expert neutre, alors qu’il a été unilatéralement chargé par les parents de l’élève Yyy, les demandeurs, de rédiger une expertise sur la valeur de la copie de cette dernière ;

Que par ailleurs les deux co-correcteurs seraient, au même titre que Monsieur Aaa, membres de la commission nationale pour les programmes de géographie de l’enseignement secondaire ;

Qu’enfin, les demandeurs se méprendraient fondamentalement sur les conséquences pouvant résulter d’une annulation éventuelle, par le tribunal, de la décision attaquée, en ce que notamment il n’appartiendrait pas au tribunal de prononcer l’avancement de l’élève concernée en classe de 3ième dans pareille hypothèse.

Considérant que par une loi du 8 juin 2001 un alinéa a été ajouté à l’article 45 de la loi modifiée du 10 mai 1968 portant réforme de l’enseignement (titre VI : de l’enseignement secondaire), avec le libellé suivant : « pour chaque classe, il est institué un conseil de classe qui délibère sur les progrès et l’orientation des élèves, siège en matière disciplinaire et décide de la promotion des élèves, à l’exception de ceux de la classe de première. Un règlement grand-ducal détermine la composition ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement de cet organe » ;

Considérant que le règlement grand-ducal précité du 30 juillet 2002, pris en exécution de ladite loi modifiée du 10 mai 1968 et plus particulièrement de son article 45 modifié, dispose en son article 1er paragraphe 1, alinéa 1er que « sauf pour les élèves de la classe de première, le conseil de classe décide, à la fin de l’année scolaire, de la promotion des élèves qui ont composé dans toutes les branches figurant au programme.

Le conseil de classe prend ses décisions de promotion à la majorité des voix, l’abstention n’étant pas permise. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. » ;

Que le même règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 dans sa version applicable au présent litige, antérieure à sa modification du 21 janvier 2004, porte en son article 9, intitulé « modalités des épreuves d’ajournement » :

« 1. A l’issue des délibérations sur la promotion des élèves, le directeur désigne, pour chaque élève concerné et pour chaque épreuve à laquelle il doit se soumettre, une commission de trois examinateurs parmi lesquels figure, sauf empêchement, le titulaire de la classe. Les examinateurs se concertent quant au programme de l’épreuve, quant à son degré de difficulté et quant aux critères de correction. Ils vérifient la conformité de l’épreuve aux instructions afférentes. Le programme de l’épreuve porte sur une partie du programme annuel. Il est communiqué par écrit aux élèves concernés. Copie de ce programme est remise au directeur.

En principe, les épreuves sont communes pour les élèves ayant suivi les mêmes programmes d’études. Une différenciation des épreuves requiert l’accord du directeur.

2. Au début de l’année scolaire suivante, les commissions procèdent aux épreuves d’ajournement, qui ont lieu par écrit. L’horaire des épreuves est fixé par le directeur.

3. Les membres de chaque commission apprécient séparément les copies des élèves. Ils décident à la majorité des voix si l’élève a suppléé à l’insuffisance de ses connaissances. » ;

Considérant que la décision de non promotion déférée est matérialisée par le bulletin des notes de l’élève Yyy pour l’année scolaire 2002/2003 obtenues dans la classe 4ième 2M, ce plus particulièrement au niveau de la case comportant l’intitulé « remarques et décisions du conseil de classe », à travers le contenu manuscrit suivant : « ajournée en géographie note ajournement : 16 (15-17-16) Retenue » ;

Considérant que si la décision déférée est celle ayant prononcé la non promotion de l’élève Yyy en classe de 3ième, il n’en reste pas moins que les moyens soumis au tribunal par les demandeurs à l’appui de leur recours portent préliminairement, d’un point de vue chronologique, sur la correction effectuée de l’épreuve d’ajournement ;

Considérant que la correction de l’épreuve d’ajournement constitue un acte préparatoire et intérimaire, lequel, de façon patente, a conditionné en l’espèce la décision de non promotion déférée, ainsi qu’il résulte plus particulièrement des mentions manuscrites prérelatées figurant sur le bulletin litigieux de l’élève Yyy ;

Considérant qu’il est de principe que l’irrégularité d’un acte préparatoire et intérimaire s’étend nécessairement à la décision qui s’en est suivie dans la mesure où cette dernière est directement conditionnée par ledit acte vicié à sa base ;

Considérant que dans la mesure où l’acte préparatoire et intérimaire conditionne dans ses effets directement la décision qui en est l’aboutissement, tel le cas d’espèce, l’irrégularité constatée de l’acte préparatoire et intérimaire, emportant son annulation, s’étend nécessairement à la décision qui s’en est découlée, laquelle est dès lors appelée à encourir la même sanction ;

Considérant que pour des impératifs de logique juridique et des exigences de bonne administration de la justice, l’analyse de la régularité externe d’une décision, dont notamment celle du respect des formes destinées à protéger les intérêts privés visés comme cas d’ouverture d’un recours en annulation par l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996, précède celle de la régularité interne de la décision déférée concernant les questions de fond, dont notamment l’analyse de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant qu’il découle des développements qui précèdent que c’est au moins à un double titre qu’il convient d’analyser d’abord le moyen proposé ayant trait aux modalités de correction de l’épreuve d’ajournement du 15 septembre 2003, en ce que ce moyen porte non seulement sur la légalité externe de la décision déférée, mais encore sur un acte préparatoire et intérimaire ayant conditionné directement celle-ci ;

Considérant que ce premier moyen est tiré de la violation des dispositions de l’article 9.3 du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 en ce que les trois examinateurs, formant la commission visée par ledit texte réglementaire, n’auraient pas apprécié « séparément » la copie de l’élève Yyy ;

Considérant que d’après les dispositions de l’article 9.1 dudit règlement grand-

ducal du 30 juillet 2002, une commission de trois examinateurs, parmi lesquels figure, sauf empêchement, le titulaire de la classe, est désignée par le directeur pour chaque épreuve ;

Considérant que l’assujettissement de la préparation et de l’appréciation des épreuves d’ajournement à trois correcteurs distincts, par opposition aux épreuves en cours d’année qui sont en principe préparées et corrigées par le seul professeur titulaire de la classe, constitue une garantie substantielle destinée à protéger les intérêts privés de l’élève à travers un contrôle plus représentatif de ses connaissances et une appréciation élargie de celles-ci ;

Considérant que cette triple correction constitue encore une garantie pour le professeur titulaire de la classe, en ce qu’elle permet une pondération des résultats, évitant, dans l’intérêt de tous, que la promotion, en ce qu’elle est directement conditionnée par l’issue de l’examen d’ajournement, ne dépende en fait que de l’appréciation d’un seul correcteur ;

Considérant qu’en vue d’atteindre un caractère effectif dans le chef des garanties ainsi prévues, les formalités et mesures mises en place en vue de les assurer, doivent non seulement être effectivement observées, mais encore apparaître, à l’encontre de tous les intéressés, comme l’ayant été ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 9.1 du même règlement grand-ducal du 30 juillet 2002, les trois examinateurs de la commission sont d’abord appelés à se concerter non seulement quant au programme de l’épreuve d’ajournement et quant à son degré de difficulté, mais encore quant aux critères de correction ;

Que la fixation de pareils critères de correction s’effectue nécessairement in abstracto, avant toute opération de correction concrète ;

Considérant que ce sont encore les trois membres de la commission qui décident, à la majorité des voix, si l’élève a suppléé à l’insuffisance des connaissances d’après les dispositions de l’article 9.3 in fine du même règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 ;

Considérant que si dès lors en début et en fin de procédure d’examen d’ajournement la commission des trois examinateurs fonctionne de façon collégiale (– à l’instar d’un collège –) en ce qu’elle est appelée à se concerter ex ante, conformément aux dispositions prérelatées de l’article 9.1 et à décider ex post, après correction, à la majorité des voix, si l’élève a suppléé à l’insuffisance de ses connaissances, il n’en demeure cependant pas moins qu’au titre de la correction proprement dite « les membres de chaque commission apprécient séparément les copies des élèves » conformément à l’article 9.3 prédit ;

Considérant qu’un régime de séparation, tel celui institué par l’article 9.3 sous analyse, est un régime destiné à garantir l’indépendance respective des composantes qu’il distingue (cf. Gérard Cornu, Vocabulaire juridique éd. Association Henri Capitant, V° Séparation) ;

Considérant que l’indépendance visée comme objectif de l’opération à mener de façon séparée implique pour une personne, à qui des attributions sont conférées, d’exercer celles-ci seule et en toute liberté ;

Que les membres d’un organe, appelés à opérer séparément, ne sont dès lors pas seulement amenés à fonctionner l’un à part de l’autre, mais plus spécifiquement encore sans que l’un n’influence l’autre dans son opération, l’opération étant en l’espèce la correction ;

Considérant qu’au vu de la finalité de la garantie substantielle assignée au caractère séparé de la correction, cette dernière doit non seulement avoir respecté effectivement cette exigence, mais encore apparaître à l’égard de tous les intéressés comme l’ayant observée ;

Considérant que c’est dès lors par essence que la correction séparée présuppose pour chacun des correcteurs qu’il mène seul son opération, chacun à part de l’autre et par rapport à une copie non annotée, afin de ne point être exposé ne fût-ce qu’à l’apparence d’avoir été influencé à l’avance, notamment par une appréciation d’ores et déjà faite par un co-examinateur ;

Que pareille correction séparée est susceptible de s’opérer à partir de l’épreuve écrite continuée en original ou en copie, mais de façon non annotée, d’un correcteur à l’autre, sinon à partir de trois exemplaires non annotés de l’épreuve écrite, original et/ou copies, soumis parallèlement aux correcteurs ;

Considérant qu’il n’appert d’aucun élément du dossier qu’en l’espèce trois copies non annotées de l’épreuve d’ajournement mise sur papier par l’élève Yyy aient été soumises distributivement aux trois examinateurs, une seule copie corrigée comportant les trois notes délivrées ayant été versée au tribunal parmi les pièces au dossier ;

Considérant qu’il est constant à partir des explications concordantes des mandataires des parties que le deuxième co-correcteur s’est vu délivrer l’épreuve écrite munie des annotations, notes ventilées et total des notes établis par le correcteur, professeur titulaire, et qu’il en fut a fortiori de même pour le troisième co-correcteur ;

Considérant que force est dès lors au tribunal de retenir que l’opération de correction effectuée en l’espèce, comportant la transmission de la copie annotée à partir du premier correcteur suivant le procédé dégagé de façon non contestée au vu des développements qui précèdent, est entachée d’un vice ayant trait directement à une garantie substantielle pour la personne intéressée, de sorte à être de nature à emporter l’annulation de l’acte préparatoire et intérimaire que constitue la triple correction ainsi effectuée de la copie d’examen d’ajournement de l’élève Yyy, ensemble le vote concernant la question de savoir si l’élève avait suppléé à l’insuffisance de ses connaissances ;

Considérant que l’annulation ainsi encourue par l’appréciation viciée de la copie de l’élève Yyy se répercute encore directement sur la décision déférée de non promotion, en ce qu’elle est directement conditionnée par cette correction, elle-même non conforme aux exigences substantielles en la matière ;

Considérant que le recours étant fondé au regard du moyen tiré de la violation de l’article 9.3 du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002, il devient surabondant de statuer sur les autres moyens proposés ;

Que plus particulièrement le tribunal n’est pas amené à statuer utilement sur le point de savoir si en l’espèce une erreur d’appréciation manifeste affecte de façon intrinsèque les corrections opérées par les trois examinateurs, question qui reste dès lors entière ;

Considérant que tant à travers la requête introductive d’instance que dans leur mémoire en réplique les demandeurs sollicitent que le tribunal dise que l’élève Yyy avance normalement en classe de 3ième, pour demander à travers leur réplique au tribunal d’assortir cette décision d’un effet rétroactif soit au 15 septembre 2003, soit au 1er janvier 2004, sinon à la cristalliser à telle date qu’il appartiendra ;

Considérant que dans le cadre d’un recours en annulation, le tribunal, s’il déclare le recours fondé comme en l’espèce, n’est amené qu’à prononcer l’annulation de la décision déférée pour l’une des cinq causes d’ouverture prévues à l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée - en l’espèce la violation des formes destinées à protéger les intérêts privés constituant à la fois une violation de la loi prise en la disposition réglementaire de l’article 9.3 du règlement grand-ducal du 30 juillet 2002 -, sans qu’il n’ait le pouvoir de substituer à la décision ainsi annulée un quelconque autre élément décisionnel.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision de non-promotion déférée ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 février 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17148
Date de la décision : 16/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-16;17148 ?

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