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16/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17117

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2004, 17117


Tribunal administratif N° 17117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et MontÃ

©négro), de son épouse, Madame … , née le … , et de leurs enfants mineurs …, …. et …, tous de...

Tribunal administratif N° 17117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2003 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), de son épouse, Madame … , née le … , et de leurs enfants mineurs …, …. et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant à la réformation sinon à annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 janvier 2004.

Le 15 avril 2003, Monsieur … et son épouse Madame … accompagnés de leurs trois enfants mineurs …, … et … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux …-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 21 mai 2003.

Madame … fut entendue à son tour sur sa situation et sur ses motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 5 juin 2003.

Par décision du 23 septembre 2003, envoyée par lettre recommandée le 30 septembre 2003, le ministre de la Justice informa les époux …- … de ce que leur demande d’asile avait été refusée comme non fondée au motif qu’il ne se dégagerait pas des faits et renseignements par eux fournis qu’ils risqueraient d’être persécutés personnellement pour une des raisons énumérées par l’article 1er A,2 de la Convention de Genève.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2003, les époux …- … ont fait déposer un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 23 septembre 2003.

L’article 12, paragraphe 3 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est par conséquent irrecevable.

En premier lieu les demandeurs font valoir que la décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003 ainsi que toute la procédure poursuivie serait irrégulière partant nulle, étant donné que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme serait violé du fait que la décision ne mentionnerait pas la présence d’un traducteur qui aurait traduit le contenu de ladite décision aux demandeurs.

Quant au fond de la demande, les demandeurs estiment qu’ils rempliraient les conditions pour bénéficier du statut de réfugié étant donné qu’ils éprouveraient une crainte raisonnable pour leur vie du fait que Monsieur … aurait fait le service militaire et aurait été membre de la réserve, qu’il aurait désarmé un réserviste serbe en état d’ébriété et qu’il aurait été accusé de ce fait pour détention d’armes illicites. Les demandeurs ajoutent qu’il n’auraient plus aucune attache leur permettant de vivre décemment dans leur pays d’origine.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

En ce qui concerne le moyen soulevé basé sur l’absence de traduction de la décision, il échet de constater qu’un demandeur d’asile ne saurait se plaindre de ce que la décision ministérielle est rédigée en français, langue qui est incompréhensible pour lui, étant donné que le français est l’une des droits langues officielles du Grand-Duché en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible par le destinataire, de sorte que le moyen soulevé est à déclarer non fondé (cf. Cour adm. 20 décembre 2001, n° 14302C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Etrangers, I. Réfugiés, n° 19, p. 182).

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Les demandeurs sont nés au Monténégro. Ils ont vécu, jusqu’en 1999, au Kosovo, lequel ils ont quitté en 1999 pour aller s’installer à Sarajevo en Bosnie Herzégovine. En ce qui concerne le Monténégro et la Bosnie Herzégovine, les seuls motifs qu’ils invoquent sont des motifs économiques lesquels ne sauraient constituer des motifs d’obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Quant au Kosovo, la seule crainte qu’ils invoquent est la crainte de persécutions émanant d’extrémistes albanais et ils font état de deux événements isolés ayant eu lieu avant leur départ du Kosovo. Concernant la crainte ainsi exprimée par les demandeurs d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité bosniaque, force est de constater que cette crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs risquent de subir des persécutions. Or, en l’espèce, les demandeurs sont restés en défaut de faire valoir de tels éléments, les deux seuls éléments concrets qu’ils invoquent datant d’avant 1999 et ne revêtant pour le surplus pas un caractère de gravité suffisant. A cela s’ajoute que Monsieur … a lui-même indiqué dans son audition qu’il est d’abord venu au Luxembourg pour « assurer » sa famille et pour offrir une perspective d’avenir à ses enfants.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève aussi bien au Monténégro qu’en Bosnie Herzégovine, qu’au Kosovo, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation à la forme ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 16 février 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17117
Date de la décision : 16/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-16;17117 ?

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