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16/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17072

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2004, 17072


Tribunal administratif N° 17072 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17072 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … /Kosovo, de nationalité yougoslave, demeurant actuellemen

t à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juin ...

Tribunal administratif N° 17072 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 octobre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17072 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 octobre 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … /Kosovo, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 30 juin 2003 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 19 septembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport, et Maître Ardavan FATOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 janvier 2004.

Monsieur … introduisit en date du 25 novembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu le 8 janvier 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 30 juin 2003, lui notifiée le 21 juillet 2003, de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n’invoquerait aucune crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de lui rendre la vie intolérable dans son pays.

Le 14 août 2003, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Par décision du 19 septembre 2003, notifiée le 26 septembre 2003, le ministre de la Justice confirma sa décision du 30 juin 2003.

Le 20 octobre 2003, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle du 30 juin 2003 et celle confirmative du 19 septembre 2003.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur …, originaire du Kosovo et appartenant à la minorité serbo-orthodoxe du Kosovo, fait valoir qu’il aurait été victime dans son pays d’origine d’exactions émanant plus particulièrement des Albanais du Kosovo et que les autorités en place n’auraient pas été en mesure d’apporter une quelconque solution à ces problèmes. Il ajoute qu’en plus sa liberté de mouvement à l’intérieur même du Kosovo aurait été fortement limitée. Il s’appuie encore sur la version actualisée datant de janvier 2003 du rapport de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo pour faire valoir que les membres de la minorité serbo-orthodoxe du Kosovo devraient faire face à des problèmes sérieux de sécurité, de sorte qu’il serait recommandé dans ledit rapport que les Serbes du Kosovo devraient continuer à profiter d’une protection internationale dans les pays d’accueil.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte qu’il serait à débouter de son recours.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concernant la crainte exprimée par le demandeur d’actes de persécution de la part d’Albanais du Kosovo à son encontre en raison de son appartenance à la minorité serbo-

orthodoxe, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Serbes, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque de subir des persécutions. En plus comme il s’agit de persécutions émanant de tiers et non pas de l’Etat, il appartient au demandeur de mettre suffisamment en évidence un défaut de protection de la part des autorités.

Force est de constater que les faits mis en avant par le demandeur ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine. En effet, le fait d’avoir été insulté et giflé une fois par des Albanais ne saurait constituer une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute que le demandeur n’a pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités en place. Bien au contraire il admet lui-même qu’il n’a même pas porté plainte auprès des autorités.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le contenu du rapport de l’UNHCR sur la situation des minorités au Kosovo datant de janvier 2003, auquel s’est référé le demandeur à l’appui de son recours, étant donné que les considérations avancées dans ledit rapport en relation avec la situation de sécurité de certaines minorités ont été avancées essentiellement au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo. Dans la mesure où un empêchement éventuel à un retour forcé ne saurait être assimilé automatiquement en un motif d’octroi du statut de réfugié, les considérations ainsi invoquées en cause ne permettent pas de conclure que la situation générale de la minorité serbo-orthodoxe au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à cette minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié dans leur chef.

Or, en l’espèce, les craintes exprimées par le demandeur en raison de la hostilité des Albanais à l’égard de la minorité serbo-orthodoxe et de la situation générale tendue dans sa région d’origine s’analysent en substance en un sentiment général de peur insuffisant à établir une crainte légitime de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 février 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17072
Date de la décision : 16/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-16;17072 ?

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