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16/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16964

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 février 2004, 16964


N° 16964 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre diverses décisions du collège échevinal d’Esch-sur-Alzette en matière de concession funéraire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16964 du rôle et déposée en date du 10 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Lex THIELEN, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retrait...

N° 16964 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2003 Audience publique du 16 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre diverses décisions du collège échevinal d’Esch-sur-Alzette en matière de concession funéraire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16964 du rôle et déposée en date du 10 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Lex THIELEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, retraité, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de diverses décisions du collège échevinal de la commune d’Esch-sur-Alzette refusant de faire droit à sa demande d’exhumation des dépouilles mortelles de son épouse, Madame … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 15 septembre 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale d’Esch-sur-Alzette ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 décembre 2003 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l’administration communale d’Esch-sur-Alzette, lequel mémoire a été notifié le même jour par télécopie au demandeur en son domicile élu ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 janvier 2004 par Maître Lex THIELEN pour le compte du demandeur, lequel mémoire a été notifié le même jour par télécopie à l’administration communale d’Esch-sur-Alzette en son domicile élu ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Cyril CAPON, en remplacement de Maître Lex THIELEN, et Alexandra CASTEGNARO, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, en leurs plaidoiries respectives.

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Le 3 mai 1998, Monsieur … introduisit auprès du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Alzette une demande d’exhumation des dépouilles mortelles de son épouse, feu Madame …, décédée le 27 mai 1997, en vue de leur réinhumation au cimetière de ….

Le 12 mai 1998 le docteur P. H.-K., médecin-inspecteur, chef de division de l’inspection sanitaire de la direction de la Santé, avisa défavorablement ladite demande d’exhumation et proposa au bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Alzette de ne pas autoriser l’exhumation sollicitée. Ledit avis est motivé comme suit : « Me référant à la circulaire du Ministre de la Santé respectivement du Ministre de l’Intérieur, il y a lieu de limiter le nombre des exhumations à un strict minimum, ceci pour des raisons d’hygiène, mais également par respect aux personnes décédées ».

Le 6 juillet 2000, le demandeur s’adressa au docteur P. H.-K. pour lui soumettre les motifs concernant sa demande d’exhumation avisée défavorablement.

Par courrier du 2 août 2000, le demandeur fut informé par la commune d’Esch-sur-

Alzette que le collège des bourgmestre et échevins de la commune d’Esch-sur-Alzette, ci-

après désigné « le collège échevinal », s’est vu obligé de se conformer à l’avis émis par la direction de la Santé et qu’il aurait la possibilité de renouveler sa demande d’exhumation après expiration du délai légal d’inhumation en 2004.

Suivant courrier du 21 novembre 2000, le demandeur fut informé que le collège échevinal avait de nouveau décidé de maintenir la même ligne de conduite en matière d’exhumation, à savoir qu’il continuera à se rallier à l’avis du médecin-inspecteur « qui est, dans la plupart des cas, négatif ».

Le 7 juin 2002, le demandeur, par l’intermédiaire de son mandataire réitéra une nouvelle fois sa demande d’exhumation.

Le 9 juillet 2002, le docteur P. H.-K. avisa de nouveau défavorablement ladite demande d’exhumation et proposa à Madame le bourgmestre de la commune d’Esch-sur-

Alzette de ne pas autoriser l’exhumation aux mêmes motifs que ceux contenus dans son prédit avis du 12 mai 1998.

Le mandataire du demandeur fut informé de nouveau par courrier du 16 juillet 2002 de la part de la commune d’Esch-sur-Alzette que le collège échevinal serait obligé de se conformer à l’avis émis par la direction de la Santé.

Par courrier du 15 janvier 2003, le mandataire du demandeur demanda auprès du bourgmestre de la commune d’Esch-sur-Alzette de « revoir la question de la demande d’exhumation », demande réitérée par courriers des 10 mars, 9 avril et 19 mai 2003.

Par courrier du 20 mai 2003, le mandataire du demandeur fut informé par les autorités communales que « les édiles de la ville ne font que suivre l’avis défavorable rendu par le médecin-inspecteur de la direction de la Santé dans sa missive du 9 juillet [2002], à savoir «Par conséquent, je propose à Madame le bourgmestre, de ne pas autoriser cette exhumation » ».

Une nouvelle demande de reconsidération formulée par le mandataire de Monsieur … suivant courrier du 28 mai 2003 fut rencontrée par un nouveau refus du collège échevinal d’accorder l’autorisation d’exhumation, communiqué audit mandataire par courrier du 16 juin 2003.

Par requête déposée le 10 septembre 2003, Monsieur … a saisi le tribunal administratif d’un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des susdites décisions du collège échevinal des 2 août, 21 novembre 2000, 16 juillet 2002, 20 mai et 16 juin 2003.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions critiquées.

Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur expose que feu son épouse, Madame …, décédée le 27 mai 1997, n’a pas été enterrée dans la tombe familiale à … en raison de « l’état caduc du monument haut de 2,50 mètres », mais que ledit tombeau serait cependant entièrement rénové à l’heure actuelle. Monsieur … estime encore que la fosse dans laquelle repose à l’heure actuelle son épouse décédée serait de faible profondeur et la couverture du cercueil minime, de sorte qu’il risquerait de ne pouvoir y être enterré avant l’année 2007 et ne pouvoir reposer à sa mort auprès de son épouse décédée.

Il soutient en premier lieu que les décisions de refus critiquées ne seraient pas motivées à suffisance de droit, en ce qu’elles se référeraient simplement à l’avis défavorable du médecin-inspecteur et à la circulaire numéro 1897 du 17 décembre 1996 des ministères de la Santé et de l’Intérieur et qu’elles emploieraient des formules générales et abstraites ne permettant pas de justifier au vu des circonstances de l’espèce les décisions de refus opposées, ce d’autant plus que le médecin-inspecteur n’indiquerait pas les raisons qui pourraient faire craindre que l’exhumation entraînerait des problèmes d’hygiène ou de non-respect de la personne de la défunte. A cela s’ajouterait que l’administration communale ne serait aucunement liée par l’avis du médecin-inspecteur, mais qu’elle devrait rendre sa décision au cas par cas en faisant une juste et correcte appréciation des circonstances de l’espèce et non pas se contenter d’une position de principe, de sorte que les décisions contestées seraient arbitraires et se fonderaient pour le surplus sur une circulaire ministérielle dépourvue de toute portée juridique.

L’administration communale d’Esch-sur-Alzette rétorque en premier lieu sur ce point que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consisterait dans la suspension des délais de recours et que la décision resterait valable et pourrait être complétée postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif.

Pour le surplus, le collège échevinal aurait parfaitement motivé son refus d’autoriser l’exhumation de Madame … en se ralliant, conformément aux dispositions de l’article 11 de l’arrêté grand-ducal du 14 février 1913 réglant le transport des cadavres, à l’avis émis obligatoirement par le médecin-inspecteur en la matière. Ladite motivation, en se basant sur ledit avis, serait parfaitement claire et précise et la référence à des raisons d’hygiène et de respect de la personne décédée ne nécessiterait pas davantage de précisions circonstanciées, puisque toute personne normalement diligente pourrait comprendre que de telles raisons sont de nature à ce qu’on essaie de limiter au minimum le nombre d’exhumations, sans pour autant qu’on doive faire une énumération précise des raisons d’hygiène motivant une décision de refus. Pour des raisons de croyance et d’éthique, la commune devrait veiller au repos des morts et n’autoriser leur exhumation que dans des circonstances vraiment exceptionnelles, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. S’il est exact que la commune ne serait pas liée par l’avis du médecin-inspecteur, elle est toutefois d’avis qu’elle peut se rallier à cet avis et motiver sa décision de refus par un renvoi exprès à cet avis défavorable du médecin-inspecteur, sans qu’un défaut de motivation ne puisse lui être reproché.

Aux termes de l’article 11 alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal précité du 14 février 1913, et sans préjudice quant aux autres autorisations requises (permis de transport et permis d’inhumation à délivrer par les autorités compétentes) « les exhumations pratiquées à la demande de particuliers sont autorisées par le collège échevinal, qui fixe les mesures à prendre par l’impétrant, après avoir entendu le médecin-inspecteur en son avis. Un homme de l’art et un membre du collège échevinal ou un commissaire de police sont désignés pour veiller à l’accomplissement des conditions auxquelles l’autorisation a été accordée ».

L’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes précise que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Cette existence de motivation est une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif et le fait, par l’administration, de se limiter à reprendre comme seuls motifs, des formules générales et abstraites prévues par la loi, sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, des raisons de fait permettent de justifier la décision, équivaut à une absence de motivation, mettant le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte (cf. trib. adm. 27 février 1997, n°9601 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non-contentieuse, n° 36 et autres références y citées).

Ceci étant, il est vrai qu’une omission d’indication suffisante des motifs dans l’acte administratif lui-même n'est pas sanctionnée par une annulation automatique et qu’il convient encore d’examiner si l'administré n'a pas pu avoir une connaissance effective des motifs réels à la base de cette décision avant d'entamer un recours judiciaire, tel pouvant être le cas lorsque l’auteur de la décision a déclaré se rallier à l’avis d’un organe consulté par lui et que le destinataire de la décision a pu avoir une connaissance intégrale de cet avis (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non-contentieuse, n° 52 et autres références y citées), étant entendu que cette motivation par voie de renvoi est nécessairement conditionnée par l’existence d’une motivation en droit et en fait dudit avis, tel que l’exige d’ailleurs expressément l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979.

Or, force est de constater en l’espèce que les décisions litigieuses ne contiennent aucun élément de motivation propre, le collège échevinal ayant à chaque reprise déclaré se rallier aux avis défavorables émis par le médecin-inspecteur qui, en application de l’article 11 alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal précité du 14 février 1913, a dû être entendu en son avis. Ceci dit, il convient en second lieu de relever que le libellé desdits avis consultatifs pêche par un défaut flagrant de motivation, étant donné que son auteur s’est borné à faire état de façon générale et abstraite d’une circulaire ministérielle, laquelle requerrait une limitation du nombre des exhumations « à un strict minimum, ceci pour des raisons d’hygiène, mais également par respect aux personnes décédées », mais sans indiquer ni une base légale, ni le moindre commencement de motivation concrète relativement aux raisons factuelles pouvant justifier, compte tenu des spécificités du cas d’espèce, les avis défavorables. Il n’est pas non plus remédié audit défaut de motivation par la simple référence faite dans la décision du 20 mai 2003 à la circulaire ministérielle du 17 décembre 1996, à défaut d’avoir porté à la connaissance du demandeur les raisons factuelles pouvant justifier les décisions de refus au vu des spécificités de sa demande telles qu’explicitées dans la lettre du 6 juillet 2000 à l’adresse du médecin-inspecteur et des courriers subséquents de son mandataire, d’autant plus que ladite circulaire prévoit la possibilité d’un avis favorable « où un motif valable justifie l’exhumation demandée ».

Or, pareilles omissions de motivation, tant au niveau de l’organe consulté que de l’autorité dotée du pouvoir de décision, mettent le tribunal dans l’impossibilité d’exercer sa mission de contrôle sur l’existence et la légalité des motifs tant à la base des avis que des décisions litigieuses, de sorte que ceux-ci encourent l’annulation pour défaut de motivation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit justifié ;

partant annule les avis consultatifs des 12 mai 1998 et 9 juillet 2002, émis par le docteur P. H.-K., médecin-inspecteur, chef de division de l’inspection sanitaire de la direction de la Santé, ainsi que les décisions déférées du collège échevinal de la commune d’Esch-sur-Alzette des 2 août 2000, 21 novembre 2000, 16 juillet 2002, 20 mai 2003 et 16 juin 2003 et renvoie l’affaire devant ledit collège échevinal ;

condamne l’administration communale d’Esch-sur-Alzette aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 février 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16964
Date de la décision : 16/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-16;16964 ?

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