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12/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17085C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2004, 17085C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17085 C Inscrit le 24 octobre 2003

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 FEVRIER 2004 Recours formé par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 22 septembre 2003, n° 15625 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour adm...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 17085 C Inscrit le 24 octobre 2003

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AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 FEVRIER 2004 Recours formé par les époux … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(jugement entrepris du 22 septembre 2003, n° 15625 du rôle)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 24 octobre 2003 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, au nom de …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro) et son épouse …, née le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, contre un jugement rendu par le tribunal administratif à la date du 22 septembre 2003, à la requête des actuels appelants contre deux décisions du ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2003 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Ardavan Fatholahzadeh ainsi que le délégué du Gouvernement Gilles Roth en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro 15625 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2002 par Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie et Monténégro) et son épouse …, née le … (Monténégro/Etat de Serbie et Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, ont demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 juin 2002, notifiée en date du 24 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision implicite de refus du ministre de la Justice, tirée du silence de plus de trois mois suite à un recours gracieux introduit le 24 juillet 2002.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties en date du 22 septembre 2003, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Ardavan Fatholahzadeh, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 24 octobre 2003.

Les appelants reprochent aux juges de première instance de ne pas avoir dégagé les conséquences de droit qui s’imposaient des arguments de fait et de droit développés par eux et consistant notamment à affirmer qu’ils auraient subi un profond traumatisme lié à leur appartenance ethnique et que par ailleurs la situation générale du pays serait hors contrôle des autorités en place.

Le délégué du Gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 11 novembre 2003 dans lequel il demande la confirmation du jugement entrepris.

La Cour estime, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

C’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives du 15 avril 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse ainsi que les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur ne fait pas état à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leurs convictions et activités politiques, ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Le jugement de première instance est encore à confirmer dans son argumentation qui rappelle que la juridiction administrative saisie d’un recours en réformation, est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance du demandeur d’asile.

En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, 2 une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies y a été mise en place.

La notion de protection de la part du pays d’origine n’implique par ailleurs pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel ; il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile.

En ce qui concerne la situation des membres des minorités au Kosovo, notamment de celles des « bochniaques », s’il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discrimination ou agressions par des groupes de la population, notamment du groupe majoritaire des Albanais, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des traitements discriminatoires.

A cet égard, les premiers juges se sont référés à juste titre à une version actualisée du rapport de l’UNHCR datant de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo d’après laquelle la situation de sécurité générale des Bosniaques du Kosovo est restée stable et n’a pas été marquée par des incidents d’une violence sérieuse (« the general security situation of Kosovo Bosniaques remains stable with non incidents of serious violence »), de même qu’il est relevé dans ledit rapport que dans la période entre avril et octobre 2002 la situation des minorités au Kosovo au regard de leur sécurité a continué à s’améliorer, certes non pas de manière uniforme sur tout le territoire du Kosovo, mais de manière plus ou moins accélérée suivant les différentes régions passées sous revue, de sorte que les considérations avancées dans ledit rapport au sujet de l’organisation de retours forcés au Kosovo ne permettent pas pour autant de conclure que la situation générale des Bosniaques au Kosovo serait à l’heure actuelle grave au point que la seule appartenance à ladite minorité justifierait l’octroi du statut de réfugié.

Il suit de ce qui précède que les appelants n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef, et que le jugement du 22 septembre 2003 est à confirmer, l’acte d’appel n’étant pas fondé.

Par ces motifs la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 24 octobre 2003 ;

le dit non fondé et en déboute ;

partant confirme le jugement entrepris du 22 septembre 2003 dans toute sa teneur ;

condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance.

3 Ainsi jugé par Ainsi délibéré et jugé par Jean Mathias Goerens, vice-président Christiane Diederich-Tournay, premier conseiller Marc Feyereisen, conseiller, rapporteur et lu par le vice-président Jean Mathias Goerens en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour Anne-Marie Wiltzius.

le greffier le vice-président 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17085C
Date de la décision : 12/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-12;17085c ?

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