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09/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16833

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 février 2004, 16833


Tribunal administratif N° 16833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2003 Audience publique du 9 février 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16833 du rôle et déposée le 6 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 19 septembre 1964, ayant été dé

tenu au Centre de séjour provisoire pour étranger en situation irrégulière à Schrassig, e...

Tribunal administratif N° 16833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 août 2003 Audience publique du 9 février 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame … et consorts contre une décision du ministre de la Justice en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16833 du rôle et déposée le 6 août 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 19 septembre 1964, ayant été détenu au Centre de séjour provisoire pour étranger en situation irrégulière à Schrassig, et de Madame …, née le …, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants commun …, né le …, et …, né le …, demeurant actuellement à L-…, tous de nationalité serbo-monténégrine, tendant à l’annulation d’une décision, qualifiée comme telle, du ministre de la Justice refusant de faire droit à la demande en obtention d’un droit de visite formulée par Madame … en vue de rendre visite à Monsieur … audit Centre de séjour provisoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

Par arrêté du 2 juillet 2003, Monsieur … fut placé, dans l’attente de son éloignement, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté.

Ladite décision de placement fut prorogée par arrêté ministériel du 31 juillet 2003 pour une nouvelle durée d’un mois.

En date du 23 juillet 2003, Madame … s’adressa au ministre de la Justice dans les termes suivants :

« Par la présente, je me permets de solliciter de votre bienveillance une autorisation de visiter mon conjoint précité, père de nos deux enfants … …, né le 15 mars 2001 et … …, né le 2 décembre 2002 (actes de naissance joints à la présente).

En effet, depuis le 2 juillet 2003, nous n’avons pas pu voir notre époux et notre père qui nous manque terriblement. En plus cette séparation pèse énormément sur notre fils aîné qui n’arrête à réclamer son père.

En vous remerciant de votre compréhension et dans l’espoir d’une réponse favorable et rapide à ma demande, veuillez agréer, Monsieur le ministre, l’expression de mes sentiments distingués ».

Une lettre de rappel du service-réfugiés de la Fondation Caritas fut adressée le lendemain par télécopie au bureau d’accueil des demandeurs d’asile auprès du ministère de la Justice.

Le rapatriement de Monsieur … fut effectué en date du 6 août 2003.

Les prédits courriers des 23 et 24 juillet 2003 étant restés sans suite, Monsieur … et Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs deux enfants communs … et …, ont fait introduire un recours contentieux par requête déposée en date du 6 août 2003 à l’encontre du refus du ministre de la Justice de faire droit à leur demande en obtention d’un droit de visite dans le chef de Madame ….

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer que Madame … aurait sollicité dès le lendemain de la rétention de Monsieur … un droit de visite auprès du responsable du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, mais que ce droit de visite lui aurait été refusé aux motifs qu’elle n’est pas mariée avec Monsieur … et que seul le ministre de la Justice serait compétent pour accorder pareil droit de visite.

Les demandeurs concluent à l’annulation du refus du ministre de la Justice de leur accorder le droit de visite sollicité au motif que ledit ministre, en exigeant l’existence d’un lien de mariage entre eux ajouterait à l’article 4, paragraphe 6 du règlement grand-

ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étranger en situation irrégulière, une condition supplémentaire non prévue par ledit règlement, que pour le surplus la décision déférée porterait atteinte au respect du droit de visite de Monsieur …, atteinte qui serait disproportionnée par rapport au but poursuivi, et qu’elle serait contraire à la Convention de New-York sur les droits de l’enfant.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour être prématuré, étant donné qu’au moment du dépôt de la requête, à savoir le 6 août 2003, le ministre de la Justice n’aurait pas pris position par rapport à la demande de visite formulée en date des 23 et 24 juillet 2003, de sorte qu’à défaut de refus explicite aucune décision de refus susceptible d’un recours contentieux n’aurait été prise.

Conformément aux dispositions de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ».

La même loi dispose dans son article 4 (1) que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif. » L’affaire contentieuse sous examen se situant à sa base par rapport à la demande adressée par Madame … au ministre de la Justice afin de se voir autoriser ensemble avec ses enfants à rendre visite à Monsieur … dans le cadre de sa rétention administrative au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, elle relève de celles qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, étant entendu qu’à travers la demande en obtention d’un droit de visite formulée par Madame …, celle-ci a déclenché un processus décisionnel administratif bien précis.

Or, force est de constater qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que le ministre de la Justice, au jour de l’introduction du recours sous examen, ait statué par rapport à la demande lui adressée.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu par les demandeurs, une décision implicite de refus susceptible de recours ne saurait être dégagée du fait de l’éloignement du demandeur en date du 6 août 2003, étant donné que s’agissant de l’exécution d’une décision d’éloignement, ce fait ne saurait suffire pour dégager un élément décisionnel dans le chef du ministre de la Justice relativement à une demande déterminée, sans rapport direct avec l’exécution d’une mesure d’éloignement.

La seule possibilité de mettre un terme à l’inaction de l’administration en considérant une demande comme rejetée en dépit du silence observé par l’administration avec la possibilité de se pourvoir devant le tribunal administratif étant celle prévue par l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996, précitée, sous la condition qu’un délai de trois mois s’est écoulé sans que ne soit intervenu une décision, le tribunal se doit dès lors de constater qu’aucune décision susceptible de recours ne lui a été utilement déférée dans le cadre du litige sous examen, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que l’observation dudit délai d’inaction de trois mois, compte tenu de la durée strictement limitée d’une mesure de rétention administrative prononcée dans le cadre de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, est de nature à enlever tout effet utile au recours susceptible d’être introduit en la présente matière en cas d’inaction prolongée de l’administration, étant donné qu’il n’appartient pas à la juridiction saisie de combler une éventuelle lacune au niveau de la loi, voire de porter un jugement sur l’attitude des autorités administratives, dès lors que celles-ci se meuvent dans le cadre légal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 9 février 2004, par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16833
Date de la décision : 09/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-09;16833 ?

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