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05/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16960

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 février 2004, 16960


Tribunal administratif N° 16960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2003 Audience publique du 5 février 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16960 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 septembre 2003 par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, assistée de Maître C

arole BIVER, avocat, inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né...

Tribunal administratif N° 16960 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2003 Audience publique du 5 février 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16960 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 septembre 2003 par Maître Chris SCOTT, avocat à la Cour, assistée de Maître Carole BIVER, avocat, inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Penja (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision émanant du ministre de la Justice, datant du 13 juin 2003, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour lui a été refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 décembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carole BIVER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 14 octobre 2002, l’Institut Supérieur de Technologie (ci-après « IST ») introduisit une demande d’autorisation de séjour en nom et pour le compte de Monsieur ….

En date du 23 octobre 2002, le ministre de la Justice prit une décision portant refus de lui accorder une autorisation de séjour, aux motifs énoncés comme suit :

« En réponse à votre courrier du 14 octobre 2002, par lequel vous sollicitez une autorisation de séjour en faveur de Monsieur …, né le …, de nationalité camerounaise, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête, alors qu’une inscription à l’Institut Supérieur de Technologie en tant qu’étudiant libre n’est pas reconnue comme pouvant donner lieu à l’octroi d’une autorisation de séjour (…).

Par conséquent, l’intéressé est invité à quitter le pays avant le 2 novembre 2002.

Je vous prie de bien vouloir en aviser l’intéressé.

Je regrette de ne pouvoir réserver d’autres suites à cette affaire ».

Suite à l’envoi par l’IST de l’attestation d’inscription comme étudiant effectif au ministère de la Justice en date du 19 novembre 2002, le ministre de la Justice, par une décision du 21 novembre 2002 s’adressant à l’IST, confirma sa décision de refus antérieure dans les termes suivants :

« J’accuse bonne réception de votre courrier du 19 novembre 2002, concernant la demande en obtention d’une autorisation de séjour provisoire en faveur de Monsieur Evrard …, né le 14 août 1973, de nationalité camerounaise.

Toutefois, je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de revenir sur ma décision de refus du 23 octobre 2002.

Je regrette de ne pouvoir réserver d’autres suites à cette affaire ».

Le 26 mars 2003, Monsieur … fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision du 23 octobre 2002 en se référant notamment à l’attestation datée du 15 novembre 2002 de l’IST lui conférant le statut d’étudiant effectif, pour soutenir qu’il devrait désormais obtenir l’autorisation de séjour.

Par une décision du 13 juin 2003, le ministre de la Justice confirma ses décisions de refus précitées dans les termes suivants :

« J’ai l’honneur d’accuser réception de votre courrier du 26 mars 2003 concernant mon refus de l’autorisation de séjour en faveur de Monsieur …, né le 14 août 1973, de nationalité camerounaise.

Toutefois, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de revenir sur ma décision [du] 23 octobre 2002, confirmée dans mon courrier du 21 novembre 2002, alors que jusqu’à ce jour le dossier de l’intéressé reste toujours incomplet.

Par ailleurs, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers, à la possession de moyens personnels suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Dans ces conditions, je ne puis que confirmer une nouvelle fois mon refus de l’autorisation de séjour du 23 octobre 2002 et inviter votre mandant qui se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, à quitter le pays sans délai ».

Par requête déposée le 10 septembre 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de refus précitée du 13 juin 2003.

Quant au recours en réformation Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoirait un recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’autorisation de séjour, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Quant au recours en annulation I. Quant à la recevabilité Le délégué conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation pour raison de tardiveté.

Il fait valoir que le délai du recours contentieux ne serait susceptible d’être interrompu qu’une seule fois par un recours gracieux, en l’espèce celui introduit par l’IST en date du 19 novembre 2002, de sorte que le deuxième recours gracieux introduit par le mandataire du demandeur en date du 26 mars 2003 serait à déclarer irrecevable.

Par ailleurs, le délégué considère que le deuxième recours gracieux introduit par le mandataire du demandeur en date du 26 mars 2003 serait irrecevable pour avoir été introduit plus de trois mois après la décision de refus prise par le ministre de la Justice en date du 23 octobre 2002.

Le demandeur expose dans sa requête introductive d’instance qu’il n’a pas eu notification de la décision ministérielle de refus du 23 octobre 2002, de sorte qu’aucun délai contentieux n’aurait pu commencer à courir. Il soutient encore qu’il n’aurait pas eu notification de la décision confirmative de refus du ministre datée du 21 novembre 2002 intervenue suite au recours gracieux introduit par l’IST, ni en aurait-il eu connaissance. Il fait valoir que ce serait dès lors la décision ministérielle du 13 juin 2003, intervenue suite au recours gracieux du 26 mars 2003, qui aurait fait courir le délai de recours contentieux de trois mois.

Il convient dès lors, avant tout autre progrès en cause, de vérifier si, en l’espèce, relativement à la décision ministérielle de refus datée du 23 octobre 2002, le délai contentieux a couru et expiré ainsi que l’énonce le délégué du gouvernement.

Le délai du recours contentieux ne peut en principe être interrompu qu’une seule fois à la suite de l’introduction, dans le délai légal, d’un recours gracieux, à moins que l’autorité compétente ne consente à rouvrir l’instruction et à réexaminer la cause, à condition qu’elle se trouve en présence d’éléments nouveaux, c’est-à-dire de faits s’étant produits à la suite de la première décision et qui sont de nature à modifier la situation personnelle du demandeur (cf.

trib. adm. 3 avril 1997, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, III. Délai pour agir, n° 91, p. 514).

En l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que l’envoi de l’attestation d’inscription effective par l’IST au ministère de la Justice en date du 19 novembre 2002 contient un élément de réclamation, de sorte que cet envoi ne saurait valoir recours gracieux interruptif du délai de recours contentieux.

Il convient dès lors d’examiner si le recours gracieux introduit en date du 26 mars 2003 est intervenu dans les délais. Pour ce faire, il y a lieu de vérifier quel est le point de départ du délai du recours contentieux, délai qui commence à courir à partir de la notification de la décision de refus, en l’espèce celle du 23 octobre 2002.

D’après les dispositions de l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, même en cas de désignation d’un mandataire par les parties, la décision finale est toujours notifiée à la partie elle-même.

Il convient de rappeler qu’il appartient à l’administration de prouver l’existence de la formalité qui a pu faire courir le délai du recours contentieux. La partie qui se prévaut de la tardiveté de l’exercice d’une action en justice a la charge de la preuve que la partie demanderesse a eu une connaissance adéquate de la décision attaquée pendant un laps de temps supérieur au délai légal pour exercer un recours contentieux (cf. Cour adm. 15 mars 2001, n° 12137C, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 101).

Or, force est de constater qu’il se dégage des pièces produites en cause qu’en date du 23 octobre 2002, le ministre de la Justice a adressé un courrier à l’IST l’informant de sa décision de ne pas faire droit à la demande d’autorisation de séjour. Il ne se dégage cependant ni de cette lettre ni d’un quelconque autre élément du dossier que cette décision ait été notifiée au demandeur avant l’introduction du recours gracieux par ce dernier en date du 26 mars 2003, la notification d’une décision au seul mandataire avec invitation à celui-ci d’en remettre une copie à l’intéressé ne saurait valoir notification au sens de la prédite disposition. Le délégué du gouvernement a par ailleurs confirmé que la notification n’a pas eu lieu faute d’adresse connue dans le chef du demandeur. Il s’ensuit qu’il convient de retenir que la date de notification n’est pas établie et, faute de point de départ certain, le délai pour agir n’a pas commencé à courir.

Dès lors, le recours gracieux formulé par le mandataire du demandeur en date du 26 mars 2003 n’est pas tardif.

Il s’ensuit que le recours introduit le 10 septembre 2003 contre la décision ministérielle du 13 juin 2003 suite au recours gracieux du 26 mars 2003 respecte la condition de délai et le moyen d’irrecevabilité est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Le recours étant par ailleurs régulier en la forme, il est partant recevable.

II. Quant au fond Au fond, le demandeur expose qu’il disposerait de ressources personnelles suffisantes pour subvenir à ses besoins propres et pour assurer ses frais de séjour au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement estime par contre qu’il n’aurait pas été établi au moment de la prise de la décision ministérielle déférée que le demandeur disposait de moyens personnels suffisants et il rappelle que le preuve de l’existence de tels moyens doit être rapportée par la production d’un permis de travail.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur rétorque qu’il aurait sollicité une autorisation de séjour pour étudier au Grand-Duché et non pas pour se livrer à un emploi rémunéré.

Il y a lieu de relever de prime abord que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 9 et autres références y citées). En outre, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (cf. trib. adm. 27 janvier 1997, op. cit. n° 14, et autres références y citées), étant précisé que le juge administratif est appelé à contrôler également les motifs complémentaires lui soumis par la partie ayant pris la décision déférée en cours de procédure contentieuse.

Concernant le motif de refus basé sur le défaut d’existence de moyens personnels suffisants dont un étranger non communautaire doit bénéficier pour résider au Grand-Duché de Luxembourg, il y a lieu de relever que l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour », cette disposition étant applicable à tous les étrangers qui entendent séjourner au pays, y compris les étudiants, la loi précitée ne prévoyant aucune exception ou exemption de cette condition en faveur des étudiants (cf. trib. adm. 12 février 2001, confirmé par Cour adm. 9 octobre 2001, Pas. adm. 2003, V° Etrangers 2. Autorisations de séjour – Expulsion, n° 151 et autres références y citées, p.212).

Dans la mesure où la prédite loi, à travers son article 2 précité, prévoit clairement parmi d’autres conditions à remplir par les ressortissants étrangers désirant obtenir une autorisation de séjour, la condition de disposer de moyens personnels suffisants, et en l’absence d’exemption de cette condition en faveur des étudiants, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Or, en application de cette disposition le ministre de la Justice peut refuser l’octroi d’un permis de séjour lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (cf. trib. adm. 17 février 1997, n° 9669 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 134, et autres références y citées).

En l’espèce, le tribunal doit constater qu’il ne ressort ni des éléments du dossier ni des pièces versées en cours d’instance que le demandeur disposait de moyens d’existence personnels suffisants et légalement perçus pour subvenir à ses besoins au moment où la décision entreprise a été prise.

Il s’ensuit que la décision ministérielle déférée se trouvant légalement justifiée au regard des exigences inscrites à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, l’examen des autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus devient surabondant et le recours en annulation est partant à rejeter comme non fondé.

Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à la solution du litige, le demandeur ayant succombé dans ses prétentions, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 750.- euros demandée par lui est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 5 février 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16960
Date de la décision : 05/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-05;16960 ?

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