La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17430

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2004, 17430


Tribunal administratif N° 17430 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 4 février 2004

============================

Recours formé par Monsieur … et Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17430 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître Lionel SPET, avocat à la Cour, assisté de Maître Steve VALMORBIDA, avocat, tous les deux ins

crits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Rozaje (Etat de ...

Tribunal administratif N° 17430 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 4 février 2004

============================

Recours formé par Monsieur … et Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17430 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître Lionel SPET, avocat à la Cour, assisté de Maître Steve VALMORBIDA, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Rozaje (Etat de Serbie et Monténégro), et de son épouse, Madame …, née le … à Tutin (Etat de Serbie et Monténégro), tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 novembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 10 décembre 2003, suite à un recours gracieux des demandeurs du 28 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2004 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2004 au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Steve VALMORBIDA en sa plaidoirie.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 14 octobre 2003, Monsieur … et son épouse, Madame … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément le 30 octobre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice les informa, par lettre du 3 novembre 2003, que leur demande avait été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que les problèmes rencontrés au sein de leur famille, de même que les faits d’être sans travail et sans logement, ne sauraient constituer des motifs de persécution pouvant rentrer dans le cadre de la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre recommandée du 28 novembre 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 10 décembre 2003.

Par requête déposée le 8 janvier 2004, Monsieur … et Madame … ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 3 novembre et 10 décembre 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que le délégué du gouvernement n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le gouvernement a pris position par écrit par le fait de déposer son mémoire en réponse, le jugement est réputé contradictoire entre parties. Il échet de relever à cet égard que par lettre du 2 février 2004, parvenue au tribunal avant l’audience fixée pour les plaidoiries, le délégué du gouvernement a informé le tribunal qu’il était dans l’impossibilité de se présenter à l’audience des plaidoiries et qu’il était d’accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré en son absence.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’un recours au fond ne serait pas prévu en la matière.

Il ressort des éléments du dossier, notamment de la décision ministérielle du 3 novembre 2003, que le ministre de la Justice s’est basé sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996, précitée.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions critiquées. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4, et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre de ne s’être livré qu’à un examen très superficiel des faits de l’espèce et d’avoir décidé à mauvais droit que leur demande ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève. Dans ce contexte, ils exposent être originaires du Monténégro et s’être mariés au courant du mois de mars 2002, que la famille de Monsieur … n’aurait cependant jamais accepté leur mariage et qu’ils auraient été mis devant la porte, que leurs chances de survivre seraient quasiment nulles à défaut d’un emploi, qu’en raison de cette pression, Madame … aurait fait une fausse couche et qu’ils auraient même été menacés de mort par le frère de Monsieur …, de sorte qu’ils se seraient résignés à quitter leur pays d’origine.

Monsieur … fait encore ajouter qu’il ne souhaite pas effectuer son service militaire, aux motifs qu’il aurait de sérieux problèmes de santé et qu’il serait totalement anti-militariste, de sorte qu’il risquerait, de même que son épouse, des mauvais traitements et d’autres persécutions intolérables de la part de l’armée. Finalement, les demandeurs font encore état de très violentes tensions inter-communautaires dans leur pays d’origine à l’heure actuelle.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf.

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 98 et autres références y citées, p. 199).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile, tels qu’ils se dégagent des rapports d’audition susvisés du 30 octobre 2003, ainsi que de la requête introductive d’instance, force est de constater que les demandeurs n’ont manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans leur chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays de provenance. - En effet, il se dégage des rapports d’audition que les demandeurs ont quitté leur pays d’origine en raison des problèmes familiaux rencontrés avec la famille de Monsieur … et des conséquences matérielles en résultant, Monsieur … ayant d’ailleurs précisé lors de son audition qu’il « demande l’asile humanitaire parce que je n’ai pas de logement pour m’abriter ». Pour le surplus, l’appréhension de Monsieur … à effectuer le service militaire, les éventuelles conséquences pouvant résulter de cette insoumission et les difficultés de coexistence entre les différentes communautés du Monténégro, même abstraction faite que lesdits faits n’ont été mis en avant que pour la première fois dans le cadre du recours contentieux, sont insuffisants pour faire reconnaître que les demandeurs appartiendraient à un groupe social particulièrement exposé à des actes de persécution et se résument en substance en un sentiment général d’insécurité lequel est insuffisant pour établir un lien de leur situation personnelle avec l’un des critères prévus par la Convention de Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile des demandeurs comme étant manifestement infondée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17430
Date de la décision : 04/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-04;17430 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award