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04/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17425

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2004, 17425


Tribunal administratif N° 17425 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 4 février 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17425 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur …, né le … à Cotonou (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-…...

Tribunal administratif N° 17425 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 janvier 2004 Audience publique du 4 février 2004

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17425 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2004 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Cotonou (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 9 décembre 2003, notifiée par lettre recommandée le 11 décembre 2003, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Michèle FEIDER, en remplacement de Maître François MOYSE, en sa plaidoirie.

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En date du 5 novembre 2003, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 25 novembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 9 décembre 2003, notifiée par lettre recommandée le 11 décembre 2003, le ministre de la Justice l’informa que sa demande a été déclarée manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’elle ne répondrait à aucun des critères de fond tels que définis par l’article 1er, section A.2 de la Convention de Genève. Le ministre a en effet retenu que la crainte purement hypothétique de se faire tuer par la famille de son amie entretemps décédée ne saurait constituer un motif de persécution pouvant rentrer dans le cadre de la Convention de Genève. Pour le surplus, le ministre a estimé que le demandeur serait originaire d’un pays sûr où il n’existerait pas de risques sérieux de persécution.

Par requête déposée le 8 janvier 2004, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle précitée du 9 décembre 2003.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que le délégué du gouvernement n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le gouvernement a pris position par écrit par le fait de déposer son mémoire en réponse, le jugement est réputé contradictoire entre parties. Il échet de relever à cet égard que par lettre du 2 février 2004, parvenue au tribunal avant l’audience fixée pour les plaidoiries, le délégué du gouvernement a informé le tribunal qu’il était dans l’impossibilité de se présenter à l’audience des plaidoiries et qu’il était d’accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré en son absence.

Encore qu'un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours en réformation, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (cf. trib.

adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 2 et autres références y citées).

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée. - En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour en connaître (cf. trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2003, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Le recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève en premier lieu un moyen d’annulation tiré de ce que la décision querellée ne remplirait pas l’« exigence de motivation » inscrite dans les textes légaux, aux motifs que « la décision ne fait pas état des persécutions dont le demandeur a fait état lors de son audition du 25 novembre 2003 » et qu’une audition supplémentaire devant l’agent du ministère de la Justice aurait été fixée au 17 décembre 2003, mais qui ne se serait pourtant jamais tenue, ce qui démontrerait que le ministre aurait pris une décision sur base d’un rapport d’audition incomplet.

Ledit moyen d’annulation, basé sur la violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de l’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 respectivement sur une instruction incomplète du dossier n’est cependant pas fondé, étant donné que même à admettre que le reproche formulé soit justifié, il ne s’en dégagerait pas une cause d’annulation de la décision ministérielle litigieuse, l’omission des obligations d’indiquer les motifs dans le corps même de la décision que l’autorité administrative a prise entraînant uniquement que les délais impartis pour l’introduction des recours ne commencent pas à courir. – Pour le surplus, il se dégage du libellé de la décision ministérielle que le ministre a énoncé une motivation circonstanciée tant en droit qu’en fait, étant donné que contrairement aux dires du demandeur il a précisément pris position par rapport aux causes de persécution mises en avant par le demandeur lors de son audition en date du 25 novembre 2003 et que le demandeur est resté en défaut de préciser en quoi la décision critiquée du 9 décembre 2003 n’aurait pas pris en considération les persécutions dont il a fait état au moment de son audition devant l’agent du ministère de la Justice. A cela s’ajoute que le demandeur a omis de préciser en quoi ses déclarations auraient dû être complétées et quels faits n’auraient pas été pris en considération par le ministre au moment de la prise de la décision critiquée.

Le demandeur soutient encore que la décision critiquée devrait être annulée au motif qu’il remplirait toutes les conditions requises pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié politique.

Dans cet ordre d’idées, il expose être de confession musulmane, originaire de la ville de Cotonou au Bénin, de nationalité béninoise et qu’il aurait dû fuir sa région d’origine en raison des menaces de mort proférées à son encontre par la famille d’une amie, de confession chrétienne, qu’il aurait fréquentée et qui serait décédée entretemps. Etant donné que les parents de cette fille le considéreraient comme responsable de cette mort, ils auraient mis le feu à sa maison, de sorte qu’il craindrait à l’heure actuelle pour sa vie et que partant un retour dans son pays ne serait pas envisageable.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en estimant que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial ou sur un sentiment général d’insécurité sans faire état d’un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (cf. trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 100 et autres références y citées ;

trib. adm. 22 septembre 1999, n° 11508 du rôle, Pas. adm. 2003, v° Etrangers, n° 98 et autres références y citées).

En l’espèce, au regard des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile, tels qu’ils se dégagent du procès-verbal d’audition du 25 novembre 2003, force est de constater que le demandeur n’a manifestement pas établi des raisons personnelles de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays d’origine. - En effet, il appert à l’examen du compte-

rendu de son audition tel qu’il figure au dossier, que le demandeur, à supposer son récit véridique, a en substance exprimé des craintes purement hypothétiques faces à des menaces de personnes dans un contexte purement privé et familial, sans apporter le moindre élément concret et individuel de persécution au sens de la Convention de Genève et sans préciser en quoi sa situation particulière ait été telle qu’il pouvait avec raison craindre qu’il risquerait de faire l’objet de persécutions au sens de la Convention de Genève.

A cela s’ajoute qu’en vertu de l’article 5-1) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996, précité, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution ».

Or, force est de constater que le Bénin est précisément un pays dans lequel il n’existe pas de risques sérieux de persécution au sens de la Convention de Genève et il ressort encore du récit du demandeur qu’il bénéficiait effectivement d’un accès raisonnable à une autre partie du territoire de son pays d’origine, c’est-à-dire d’une possibilité de fuite interne, notamment dans la ville de Parakou où il a vécu pendant une semaine après son départ de Cotonou.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée et le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 4 février 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17425
Date de la décision : 04/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-04;17425 ?

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