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02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°17010

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 17010


Tribunal administratif N° 17010 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2003 Audience publique du 2 février 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de nomination

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17010 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2003 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le

…, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 12 septembre 2003 p...

Tribunal administratif N° 17010 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2003 Audience publique du 2 février 2004

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière de nomination

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17010 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2003 par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 12 septembre 2003 par laquelle sa candidature à la carrière de l’inspecteur de police a été « retirée » ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2003 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 novembre 2003 en nom et pour compte de la partie demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2003 par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gaston VOGEL et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 18 août 2003, le ministre de l’Intérieur, se référant à l’article 9 du règlement grand-

ducal modifié du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, informa M. … de ce que, sur proposition de la direction générale de la police, il envisagerait de procéder au « retrait » de sa candidature à la carrière de l’inspecteur de police. Le ministre lui fit encore connaître un certain nombre de faits lui reprochés et il l’invita à formuler ses observations éventuelles dans un délai de huit jours à partir de la notification dudit courrier.

Faisant suite à la susdite invitation, M. … communiqua au ministre sa prise de position par courrier daté du 25 août 2003.

Le 12 septembre 2003, le ministre s’adressa à M. … dans les termes suivants :

« Monsieur, Je suis au regret de devoir vous informer que votre candidature à la carrière de l’inspecteur de police est retirée en vertu de l’article 6, point 2) du règlement grand-ducal modifié du 10 août 1972 concernant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement des sous-officiers de la gendarmerie et de la police, maintenu en vigueur par l’article 100 de la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la Police et l’Inspection Générale de la Police.

En effet, vous ne possédez pas les qualités professionnelles et morales requises pour accéder à la carrière de l’inspecteur de police, alors que les faits suivants vous sont reprochés :

- Avoir, en février 2003, et en violation des règles de l’Ecole de Police, reçu dans la chambre que vous occupez dans l’Internat de l’Ecole de Police, une personne de sexe féminin que vous avez brutalisée, notamment en la prenant par la gorge et en la jetant sur le lit, - avoir, le 23 juillet 2003 à Doennange, frappé, entre autres au visage, cette même personne, - avoir, le 25 juillet 2003, à Troisvierges, secoué violemment cette personne, - avoir, le même jour et au même endroit, proféré des menaces à l’encontre de policiers.

Le dossier qui m’est soumis par la Direction de la Police relate d’autre part un certain nombre d’incidents qui se sont déroulés avant votre admission à l’Ecole de Police corroborant votre comportement agressif envers les personnes de sexe féminin :

- avoir, en août 2000, giflé une personne civile, - avoir, en août 2001, frappé au visage cette même personne, l’avoir jetée ensuite par terre et lui avoir donné un coup de poing au visage, - avoir, le 13 octobre 2001 à Rédange, saisi brutalement cette personne au cou, à tel point que les traces restaient apparentes jusqu’au lendemain.

La décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal Administratif à introduire par ministère d’avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente ».

Le 30 septembre 2003, M. … a fait introduire par le biais de son mandataire un recours contentieux tendant à l’annulation de la susdite décision ministérielle portant « retrait » de sa candidature à la carrière de l’inspecteur de police.

Le recours, régulier par rapport aux exigences de forme et de délai, est recevable.

A l’appui de son recours, M. … reproche en premier lieu au ministre de l’Intérieur de ne pas avoir satisfait au principe du contradictoire, au motif qu’il n’aurait pas été entendu pour faire valoir ses droits. Dans le même ordre d’idées, il fait état de ce qu’il ne se dégagerait pas du dossier que le ministre l’aurait informé « de son intention [de retirer sa candidature] en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’eussent amené à agir ».

S’il est vrai que l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 exige que « sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir », cette communication devant se faire par lettre recommandée, avec un délai d’au moins 8 jours qui « doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations », le demandeur est cependant mal venu de contester le respect desdites exigences, étant donné que le fait que l’administration s’y est conformée se dégage du libellé clair et précis du courrier adressé au demandeur par le ministre de l’Intérieur en date du 18 août 2003 et auquel il a répondu par son courrier précité du 25 août 2003. On ne saurait partant pas non plus contester le caractère contradictoire de l’instruction ayant mené à la décision querellée d’autant plus qu’il se dégage en outre du dossier administratif que M. … était amplement informé de l’instruction interne qui a été menée au sujet des faits qui ont abouti à la décision ministérielle, instruction au cours de laquelle il a été entendu en ses explications et a pu libeller une prise de position, ainsi que deux rapports écrits en dates des 11, 12 et 15 août 2003.

Quant au bien fondé de la décision litigieuse, M. … estime que la décision contreviendrait au principe de proportionnalité, étant donné que les faits « anodins relatés et grossis par d’aucuns malintentionnés » ne feraient manifestement pas apparaître une inconduite grave le rendant impropre à la profession de policier qu’il entend « embrasser ».

Dans ce contexte, le demandeur fait mettre en exergue son jeune âge, ses bons résultats et antécédents scolaires et soutenir que les « quelques violences » qui lui sont reprochées, dont il ne conteste somme toute pas la réalité, mais estime que la gravité en aurait été appréciée exagérément, seraient toujours restées « strictement cantonnées à la sphère privée, à l’intimité la plus stricte du requérant » et elles n’auraient pas eu d’impact sur l’ordre public.

Le moyen d’annulation soulevé par le demandeur vise la mission de contrôle du juge de la légalité, auquel il incombe de contrôler et de sanctionner la violation des règles généralement appelées « les principes généraux du droit » parmi lesquelles figure celui de la proportionnalité de la mesure prise au regard d'une situation de fait (cf. Cour adm. 2 juillet 1998, n° 10636C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 2), de sorte qu’en l’espèce, il appelle le tribunal à examiner, compte tenu de l’ensemble des éléments d’informations lui soumis, si la décision du ministre de l’Intérieur de retirer la candidature du volontaire de l’armée luxembourgeoise … pour la carrière de l’inspecteur de police sur base de l’article 6 point 2) du règlement grand-ducal précité du 10 août 1972, en ce qu’il octroie cette compétence et le pouvoir d’appréciation afférent audit ministre en cas d’inconduite du candidat tant dans le service qu’en dehors du service, est légalement justifiée ou si le ministre a transgressé les limites de son pouvoir d’appréciation.

Or, force est de constater que les faits se dégageant du dossier administratif relativement aux inconduites et agressions physiques de M. … à l’égard des demoiselles S. en 2001 – dont il n’est pas établi qu’ils aient été portés à la connaissance des autorités compétentes au moment du recrutement de M. … et même si tel avait été le cas - et H. en 2003 - même eu égard à l’atténuation ultérieure des propos initiaux de cette dernière -, ainsi que les écarts verbaux à l’égard de deux policiers présents lors des faits du 25 juillet 2003, sont loin de pouvoir être qualifiés d’anodins et relevant de la seule vie privée du demandeur, mais au contraire caractérisent une tendance générale à la brutalité de l’intéressé sortant du cadre de sa vie privée et intéressant la communauté entière.

Ainsi, en se fondant sur ces considérations, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par le règlement grand-

ducal précité du 10 août 1972 et il a donc légalement pu retenir un comportement indigne d’un membre des forces chargées du maintien de l’ordre et retirer la candidature de l’intéressé pour la carrière de l’inspecteur de police. - Cette conclusion s’impose sans qu’il n’y ait encore lieu d’ordonner la production ou la lecture de l’appréciation psychologique qui a été faite au moment du recrutement de M. …, les conclusions y retenues n’étant pas de nature à invalider les conclusions que le tribunal est amené à tirer sur base des faits constants en cause.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur doit en être débouté.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 2 février 2004, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 17010
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;17010 ?

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