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02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16653

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 16653


Tribunal administratif N° 16653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A. et la société anonyme X. S.A.

contre une décision du bourgmestre de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16653 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er juillet 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la so

ciété anonyme L. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son co...

Tribunal administratif N° 16653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A. et la société anonyme X. S.A.

contre une décision du bourgmestre de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16653 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er juillet 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme L. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Remerschen du 1er avril 2003 (réf. n° 9/2003), portant autorisation de démolir et reconstruire une station de distribution d’essence et de gasoil avec installation de lavage à Remerschen, Wäistross n° 124, délivrée au profit de la société à responsabilité limitée P.

s.à r.l., en ce que cette décision autorise la construction d’une station-service ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 9 juillet 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale de Remerschen et à la société à responsabilité limitée P. s.à r.l. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2003 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de l’administration communale de Remerschen ;

Vu les exploits de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, des 25 et 26 septembre 2003, portant signification dudit mémoire en réponse aux parties demanderesses en leur domicile élu et à la société à responsabilité limitée P. s.à r.l. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2003 par Maître Martine SCHAEFFER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée P. s.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 21 octobre 2003, portant signification dudit mémoire en réponse aux parties demanderesses, et à l’administration communale de Remerschen, chaque fois en leurs domiciles élus ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2003, en nom et pour compte des parties demanderesses ;

Vu les actes d’avocat à avocat du même jour par lesquels ledit mémoire en réplique a été notifié aux mandataires de l’administration communale de Remerschen et de la société à responsabilité limitée P. s.à r.l. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Gilles DAUHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Martine SCHAEFFER en leurs plaidoiries respectives.

Suite à une demande présentée en date du 26 juillet 2002, le bourgmestre de la commune de Remerschen délivra en date du 1er avril 2003 à la société à responsabilité limitée P. s.à r.l., ci-après dénommée la « société P. », l’autorisation pour démolir et reconstruire une station de distribution d’essence et de gasoil … avec installation de lavage à …, sous réserve de tous droits généralement quelconques de tiers et sous le respect de diverses conditions y plus amplement spécifiées.

En se basant sur une demande d’autorisation de bâtir une station-service avec shop et car-wash du 13 décembre 2000 présentée par la société anonyme L. S.A., ci-après dénommée la « société L. » et estimant que la décision précitée du 1er avril 2003 violerait le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, qui interdit le traitement de manière différente de situations similaires, en ce qu’un permis de construire une station-service aurait dû leur être délivré en relation avec cette demande d’autorisation plus ancienne, la société L. et la société anonyme X. S.A. ont introduit le 1er juillet 2003 un recours contentieux tendant à l’annulation de ladite autorisation de construire du 1er avril 2003.

Tant l’administration communale de Remerschen que la société P. contestent en premier lieu l’intérêt à agir des demanderesses. Dans ce contexte, ils soutiennent que la société P. exploite depuis plus de dix ans une station d’essence à Remerschen, que par la nouvelle demande d’autorisation elle n’avait en vue que la modernisation de son site, de sorte qu’aucune station nouvelle ne fut créée.

Partant les sociétés demanderesses n’auraient aucun intérêt personnel à critiquer l’autorisation de construire du 1er avril 2003, étant donné qu’aucune place du quota disponible de neuf stations-service tel que prévu à l’article 4 c) de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Remerschen, ci-après dénommé le « PAG », ne serait devenue disponible au moment de la demande d’autorisation de la société P..

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses rétorquent que le permis de construire attaqué accorderait clairement une autorisation pour démolir et reconstruire la station-service existante, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre qu’il y a eu démolition d’une station-service existante et que partant une place du quota prévu à l’article 4 c) du PAG serait devenue disponible. Comme toute personne concernée par le quota serait en droit de vérifier la régularité de l’attribution des permis disponibles dudit quota, les sociétés demanderesses concluent avoir un intérêt à agir en relation avec le permis de construire attaqué.

L’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Procédure contentieuse, n° 1). L’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés (cf. ord. prés. 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 1).

En l’espèce, la réalité de l’intérêt à agir des parties demanderesses se dégage de leur prétention consistant à soutenir qu’une place du quota fixé par l’article 4 c) du PAG serait devenue disponible, suite à la demande de la société P. qui inclut la démolition de l’ancienne station-service et à la suite de laquelle une place dudit quota de neuf stations-

service serait devenue disponible, place leur revenant au vu de l’antériorité de leur demande du 13 décembre 2000 par rapport à la demande en autorisation de la société P.

datant du 26 juillet 2002.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’un intérêt à agir des demanderesses est à rejeter.

Le recours étant par ailleurs régulier en la forme et ayant été introduit dans le délai légalement imparti, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demanderesses estiment en premier lieu que la décision attaquée viole l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, d’après lequel l’autorité administrative doit donner une publicité adéquate aux décisions administratives susceptibles d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes afin de mettre les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens et que l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision et les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire valoir leurs observations. Ainsi, ils soutiennent que l’administration communale de Remerschen aurait dû les informer du dépôt de la demande en obtention d’un permis de construire par la société P. en date du 26 juillet 2002 et les tenir au courant de l’instruction du dossier relatif à cette demande, ce qui n’aurait pas été fait en l’espèce.

C’est à juste titre que les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen.

Eu égard aux exigences tenant au respect des droits de la défense de l’administré et à l’aménagement, dans la mesure la plus large possible, de sa participation à la prise de décision, l’omission par l’administration de donner aux administrés la possibilité de présenter leurs observations préalablement à la prise d’une décision constitue l’omission d’une formalité substantielle dont la sanction appropriée est l’annulation de la décision administrative. Si pourtant l’administré a pu exposer l’ensemble de ses doléances et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle critiquée, il ne justifie d’aucun grief concret justifiant l’annulation de la décision pour inobservation des formalités de publicité préalablement à la prise de décision (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 77 et autres références y citées).

Etant donné que les parties demanderesses, dans le cadre de leur recours et du mémoire en réplique déposés, ont pu exposer l’ensemble de leurs moyens et arguments tendant à voir démontrer que l’administration communale de Remerschen aurait dû prendre une décision différente de celle attaquée, notamment en relation avec le principe de l’égalité devant la loi, aucun grief concret dans leur chef ne saurait être retenu par le tribunal, de sorte que le moyen tiré du non respect de la procédure administrative non contentieuse est à rejeter.

Ensuite, les parties demanderesses estiment encore que la décision attaquée viole le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, qui interdit le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que pareille différenciation ne soit objectivement justifiée. Dans ce contexte, elles estiment que par sa décision du 1er avril 2003, le bourgmestre de la commune de Remerschen a rendu disponible une place du quota des stations-service autorisables sur le territoire communal, tel que ce quota se trouve réglementé à l’article 4 c) du PAG. Comme ledit article 4 c) ne réglementerait nullement les problèmes d’antériorité des demandes, de réaffectation en cas de cessation d’activité ou de disparition d’une station-service existant actuellement, l’administration communale, par application du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, aurait dû accorder le permis de construire à la société L. qui avait présenté une « demande conforme la plus ancienne », étant donné que cette demande remonte au 13 décembre 2000 tandis ce que la demande de la société P. ne date que du 26 juillet 2002.

Tant l’administration communale de Remerschen que la société P. concluent au rejet du recours au fond au motif que les parties demanderesses ne présenteraient aucun moyen pertinent justifiant l’annulation de la décision attaquée, d’autant plus que cette dernière reposerait sur une base réglementaire non contestée et ne causerait préjudice à aucun tiers intéressé.

Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extra-patrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Lois et règlements, n° 2, et autres références y citées) – Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 2 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que l’autorisation à bâtir accordée le 1er avril 2003 vise une demande d’autorisation pour la démolition et la reconstruction d’une station-service … existant depuis plus d’une décennie, tandis que la demande d’autorisation du 13 décembre 2000 mise en avant par les demanderesses concerne la construction d’une nouvelle station-essence sur un site différent. Dans ces conditions c’est à tort que les parties demanderesses soutiennent que le bourgmestre de la commune de Remerschen aurait rendu disponible, en autorisant des travaux de modernisation, une place du quota des neuf stations-service disponibles tel que prévu à l’article 4 c) du PAG, étant précisément qu’il ne saurait être mis en doute que la société P. a entendu continuer l’exploitation de sa concession sur le même site que celui exploité antérieurement. En effet, admettre la thèse des parties défenderesses conduirait à ce qu’un exploitant d’une station-service établi sur le territoire de la commune de Remerschen ne présenterait plus de demande en vue de la modernisation intégrale de son site, en présence d’une demande antérieure en vue de la création d’une nouvelle station-service, ne voulant pas courir le risque de devoir abandonner l’exploitation de sa station-service. Il s’ensuit que c’est à juste titre que le bourgmestre de la commune de Remerschen n’a pas apprécié la demande de la société P. par rapport avec celle présentée antérieurement par la société L., en faisant application notamment du principe de d’égalité de traitement, et ceci au vu de la différence objective de l’objet des deux demandes respectives, l’une visant la construction d’une nouvelle station-service, l’autre la modernisation d’une station existante, les travaux de démolition et de reconstruction de cette dernière devant être appréciés comme un tout indissociable.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé, aucun autre reproche n’ayant été formulé à l’encontre de la décision attaquée.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.000,- € présentée par les parties demanderesses est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné qu’elles ont succombé dans leurs moyens et arguments.

Les demandes en allocation d’une indemnité de procédure chaque fois d’un import de 2.500,- € formulées par l’administration communale de Remerschen et la société P. sont également à rejeter comme n’étant pas fondées, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16653
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;16653 ?

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