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02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16470

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 16470


Numéro 16470 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16470 du rôle, déposée le 28 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ€

™Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Backo (Bosnie), de nationa...

Numéro 16470 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 mai 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16470 du rôle, déposée le 28 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean TONNAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Backo (Bosnie), de nationalité Bosnie-Herzégovine, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 5 mars 2003 portant refus d’une prolongation de son permis de travail;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean TONNAR et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 janvier 2004.

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Etant arrivé au pays le 31 janvier 2002, Monsieur …, préqualifié, a travaillé depuis le 17 avril 2002 auprès de la société anonyme E. à D.. Par déclaration d’engagement du 23 avril 2002, la société E. S.A. et Monsieur … sollicitèrent l’obtention d’un permis de travail pour un poste de maçon rémunéré à hauteur de 9,40 € par heure, le contrat de travail y annexé désignant le poste en question de celui d’un « maçon qualifié ».

Après avoir obtenu une copie du passeport de Monsieur … dont il ressortait que ce dernier bénéficiait d’une autorisation de séjour valable jusqu’au 31 décembre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après désigné par « le ministre », délivra le 19 septembre 2002 un permis de travail en faveur de Monsieur … pour occuper un poste de maçon auprès de la société E. S.A.. La validité de ce permis de travail fut limitée au 31 décembre 2002.

A travers une déclaration d’engagement du 10 janvier, la société E. S.A. et Monsieur … sollicitèrent la prolongation de ce permis de travail. Cette déclaration indiqua à nouveau un salaire de 9,40 € par heure, mais ne précisa plus le poste faisant l’objet de la demande.

Par arrêté du 5 mars 2003, le ministre rejeta cette demande aux motifs suivants :

« Le permis de travail est refusé à … Samir, né le 01 mai 1974, de nationalité Bosnie-

Herzégovine, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2264 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (EEE) - augmentation inquiétante du nombre de demandeurs d’emploi au courant de la dernière année (+30%) ».

Monsieur … a fait introduire, par requête déposée le 28 mai 2003, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 5 mars 2003.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en matière de refus de permis de travail, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que les motifs indiqués pour justifier le refus du permis de travail n’auraient pas changé entre septembre 2002 et mars 2003, de sorte que la question de la validité de ces motifs au mois de septembre 2002 devrait être soulevée. Il affirme qu’il n’y aurait aucune cohérence entre les décisions d’octroi du permis de travail du 19 septembre 2002 et du refus de prolongation de ce même permis du 5 mars 2003 et qu’il faudrait se demander « de quel droit un ministère peut jouer avec des êtres humains, qu’il autorise d’abord à travailler dans le pays sans le moindre problème, et auxquels il refuse 6 mois après la même autorisation de travail ».

Le délégué du gouvernement rétorque en renvoyant d’abord aux dispositions de droit communautaire et de droit national consacrant la priorité à l’embauche dont bénéficient les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen et estime que, compte tenu du fait que le ministre de la Justice n’avait pas prolongé l’autorisation de séjour du demandeur, aucun motif valable n’aurait plus existé pour faire abstraction de cette priorité à l’emploi. Il s’empare également des statistiques officielles pour étayer la mauvaise situation du marché de l’emploi luxembourgeois.

Le représentant fait ensuite valoir que la délivrance du permis de travail du 19 septembre 2002 s’expliquerait, d’une part, par l’existence d’une autorisation de séjour dans le chef du demandeur à cette date et, d’autre part, par la qualification de son poste dans son contrat de travail comme celui d’un maçon qualifié. Or, les services du ministère du Travail et de l’Emploi auraient effectué des recherches sur les salaires du demandeur déclarés auprès des organismes de sécurité sociale et sur le niveau du salaire minimum revenant à un maçon qualifié et le résultat de ces recherches aurait révélé que le demandeur n’aurait à aucun moment été rémunéré selon le tarif applicable aux maçons qualifiés en vertu de la convention collective. Le délégué du gouvernement en déduit que le demandeur n’aurait pas été engagé en tant que maçon qualifié mais en tant que simple manœuvre, entraînant que l’employeur et le demandeur auraient fait une fausse déclaration lors de la première demande du 23 avril 2002 et que ce recours à des déclarations inexactes dans une intention frauduleuse justifierait à lui seul le refus du permis de travail. Le délégué du gouvernement ajoute que pour ce poste devant ainsi être qualifié de celui d’un ouvrier non qualifié, 2.264 demandeurs d’emploi bénéficiant d’un droit à la priorité à l’emploi auraient été disponibles au 31 janvier 2003.

Aux termes de l’article 10 (2) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, « le permis de travail pourra être retiré au travailleur étranger qui travaille dans une profession autre que celle autorisée par son permis de travail ».

En l’espèce, il résulte des éléments non autrement contestés du dossier administratif que le demandeur a perçu un salaire horaire à hauteur de 9,40 € durant les mois d’avril et mai 2002, de 9,635 € de juin à août 2002 et de 9,755 € en septembre et octobre 2002. D’un autre côté, le salaire tarifaire par heure minimum pour un ouvrier qualifié débutant était de 9,35 € jusqu’au mois de mai 2002 et de 9,82 € à partir du mois de juin 2002 suite à une augmentation indiciaire. Il s’en dégage que du moins du chef des mois de juin à octobre 2002, le demandeur n’a pas perçu une rémunération correspondant au tarif applicable aux maçons qualifiés en vertu de la convention collective.

S’il est vrai qu’en principe la prévision, dans un contrat de travail conclu entre un employeur et un travailleur étranger, d’un salaire inférieur au salaire minimum ne saurait justifier un refus du permis de travail afférent, mais qu’il incombe plutôt à l’autorité compétente pour la délivrance du permis de travail qui a pris soin de relever cette non-

conformité du contrat de travail à appliquer avec la législation applicable, d’inviter les parties au contrat à exécuter, conformément aux principes d’une bonne administration, à régulariser leur situation moyennant la prévision d’un salaire conforme (trib. adm. 15 mai 2002, n° 12944, Pas. adm. 2003, v° Travail, n° 42), il n’en reste pas moins en l’espèce que, sur question explicite afférente soulevée à l’audience par le tribunal, le mandataire du demandeur a en outre admis que celui-ci ne pouvait pas se prévaloir d’une qualification particulière pour la profession de maçon.

Alors même qu’un manœuvre et un maçon peuvent être appelés à travailler dans la même branche d’activité de la construction, ils ne peuvent être considérés comme relevant de la même profession au vu des différences de qualification existant entre eux et des disponibilités potentiellement différentes de demandeurs d’emploi bénéficiant d’une priorité à l’embauche pour de tels postes. Il s’ensuit que, dans la mesure où le demandeur ne peut pas établir qu’il disposait de la qualification requise pour pouvoir valablement occuper un poste de maçon qualifié, le ministre pouvait valablement conclure des éléments à sa disposition que le demandeur et la société E. S.A. avaient sollicité tant le 23 avril 2002 que le 10 janvier 2003 un permis de travail pour un poste que le demandeur ne pouvait pas valablement occuper et refuser en conséquence la prolongation du permis de travail de ce dernier sur base de ce motif.

Il s’ensuit que le recours sous analyse laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16470
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;16470 ?

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