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02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16466

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 16466


Numéro 16466 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par 1) l’association sans but lucratif H., …, et 2) Monsieur …, … contre une décision implicite du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16466 du rôle, déposée le 27 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par M

aître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à...

Numéro 16466 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par 1) l’association sans but lucratif H., …, et 2) Monsieur …, … contre une décision implicite du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16466 du rôle, déposée le 27 mai 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) l’association sans but lucratif H. , ayant son siège social à L-…, et 2) Monsieur …, né le …, de nationalité polonaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision implicite de rejet de leur demande conjointe en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … pour un poste d’entraîneur-joueur suite au silence observé par le ministre par rapport à leur demande du 18 décembre 2002;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2003;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 janvier 2004.

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Par déclaration d’engagement du 20 juin 2002, Monsieur … … et l’association sans but lucratif H, préqualifiés, soumirent à l’administration de l’Emploi (ADEM) une demande en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … pour occuper auprès de ce club sportif un poste de « entraîneur-joueur-coach » à partir du 1er juillet 2002.

Par arrêté du 11 octobre 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après désigné par « le ministre », rejeta cette demande aux motifs suivants :

« Le permis de travail est refusé à … …, né le …, de nationalité polonaise, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : des personnes susceptibles d’exercer la fonction de joueur / entraîneur / coach de handball - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (EEE) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 01.07.2002 - recrutement à l’étranger non-autorisé ».

Le recours gracieux formé par le H. et Monsieur … fut rejeté par une décision confirmative du ministre du 27 décembre 2002.

Par courrier du 14 novembre 2002 à l’adresse de l’ADEM, le H. introduisit une déclaration de vacance pour le poste d’entraîneur-joueur gardien de but ainsi défini :

« Le candidat doit avoir des qualités humaines et sportives pour travailler avec des jeunes gardiens et gardiennes de but vu que notre club a inscrit 9 équipes « Jeunes » et trois équipes « Seniors » au championnat national. Avoir de bonnes qualités et un niveau certain comme gardien de but pour pouvoir garder le but de l’équipe Seniors 1. Ne pas être en possession d’une licence dans un autre club luxembourgeois vu qu’un engagement à court terme serait ainsi impossible. N’être pas lié par un contrat à un club à l’étranger ».

Suivant lettre du 3 décembre 2002, le H. informa l’ADEM de ce qui suit :

« Suite à votre estimée du 11 octobre 2002 et afin de se mettre en conformité avec la législation en matière de permis de travail, nous vous prions de bien vouloir noter que nous avons procédé à la rupture du contrat de travail avec M. … le 31 octobre 2002.

Nous nous permettons pour autant d’attirer votre attention qu’en date du 14 novembre 2002, nous avons procédé à une déclaration du poste vacant pour engager un « joueur-entraîneur-gardien de but », demande qui n’a pas fait d’objet d’aucune réponse de votre part jusqu’à ce jour.

Par la présente nous réitérons notre déclaration de poste vacant pour le susdit poste et nous vous prions d’en informer le plus vite possible nos partenaires communautaires de l’existence d’un tel poste vacant au sein de notre club. Nous vous remercions de bien vouloir réserver à la présente un caractère urgent et ceci à cause de nos engagements et obligations vis-à-vis de nos adhérents.

A titre d’information nous nous permettons de vous informer que le candidat doit prester un travail de 173 heures mensuelles réparties du lundi au samedi entre 16.00 et 22.00 heures avec un salaire brut de 1350,00 Euros ».

Par courriers séparés des 17 et 18 décembre 2002, ainsi que par déclaration d’engagement datée du 18 décembre 2002, le H. et Monsieur … introduisirent une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail pour un poste d’entraîneur-joueur de gardien de but de handball en se prévalant notamment du fait que « le 4 décembre 2002, l’ADEM nous a envoyé un candidat pour ledit poste en vue d’un embauchage éventuel. L’intéressé n’a pas introduit de demande manuscrite, ne s’est pas présenté et n’a pas pris contact avec nous jusqu’à ce jour. Vu que notre club a des engagements et obligations vis-à-vis de ses adhérents (plus que 20 gardien(ne)s de but sont à entraîner) et eu égard qu’il n’y aura probablement plus d’autre candidat disponible pour ledit poste, nous introduisons la déclaration d’engagement de Monsieur … avec prière de bien vouloir réserver un caractère urgent à notre demande ».

A défaut de réponse par rapport à cette demande, le H. et Monsieur … ont fait introduire, par requête déposée le 27 mai 2003, un recours contentieux tendant à l’annulation d’une décision implicite de rejet de leur demande conjointe en obtention d’un permis de travail en faveur de Monsieur … pour un poste d’entraîneur-joueur suite au silence observé par le ministre par rapport à leur demande des 17 et 18 décembre 2002.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en matière de refus de permis de travail, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le délégué du gouvernement soulève le moyen d’irrecevabilité tiré de la tardiveté du recours en faisant valoir que la décision ministérielle du 27 décembre 2002 serait simplement confirmative de la décision initiale du 11 octobre 2002, de manière que le recours sous analyse devrait être considéré comme ayant été introduit contre une décision explicite. Il soutient encore que la deuxième demande de permis de travail ne serait fondée sur aucun élément nouveau, étant donné que Monsieur … aurait toujours été au service du H.

à ce moment et qu’une déclaration de vacance de poste antérieure à l’engagement n’aurait toujours pas été introduite, de manière qu’en supposant l’existence d’une décision implicite de rejet de la seconde demande, elle serait simplement confirmative des décisions antérieures et n’aurait pas fait courir un nouveau délai de recours.

Il ressort des éléments du dossier que, suite à l’arrêté ministériel prévisé du 11 octobre 2002, le H. a mis fin au contrat d’emploi avec Monsieur … et que ledit club a introduit par courrier du 14 novembre 2002 une déclaration de vacance pour le poste en question. Alors même que le mandataire des parties demanderesses a admis à l’audience que Monsieur … a travaillé dans la suite à nouveau pour le H., ces faits, ensemble la nouvelle déclaration d’engagement du 18 décembre 2002, doivent être considérés comme ayant créé une situation nouvelle par rapport aux décisions des 11 octobre et 27 décembre 2002 ayant toutes les deux statué sur la situation de fait antérieure. Il s’ensuit que c’est à bon droit que les parties demanderesses ont déféré au tribunal une décision implicite de rejet suite au silence observé par le ministre face à leur nouvelle demande du 18 décembre 2002 et qu’aucun délai de recours n’était expiré à la date du dépôt de leur recours. Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le représentant étatique est partant à rejeter.

Le recours subsidiaire en annulation est partant recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs concluent en premier lieu à l’annulation de la décision implicite déférée pour défaut de motifs alors qu’aucune motivation ne serait fournie en cause.

La sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (Cour adm. 8 juillet 1997, n° 9918C, Pas. adm. 2003, v° Procédure administrative non contentieuse, n° 44). Dans la mesure où le délégué du gouvernement a utilement suppléé au défaut de motivation inhérent à la décision implicite de rejet critiquée à travers une argumentation circonstanciée contenue dans le mémoire en réponse déposé en cause, le moyen afférent laisse d’être fondé.

Les demandeurs soutiennent en second lieu que le ministre aurait fait un usage arbitraire de son pouvoir d’appréciation, étant donné que le H. chercherait en vain une personne qualifiée pour le bon fonctionnement de son activité sportive et que la prérogative de l’Etat dans le cadre de l’organisation du marché du travail devrait trouver sa limite dans l’impossibilité pour l’autorité compétente de fournir la personne compétente pour laquelle le H. aurait déjà procédé à une déclaration de vacance de poste, entraînant que ce dernier devrait être autorisé à recruter une personne indispensable à son activité.

Il convient de relever qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu'un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

Le tribunal, sur base des pièces et renseignements qui ont été mis à sa disposition, constate que le demandeur n’a pas établi qu'à la date de sa demande en obtention du permis de travail et, plus particulièrement, au moment de la prise des décisions ministérielles critiquées, il a disposé d'un titre de séjour valable pour le Grand-Duché de Luxembourg. Il s’ensuit que le demandeur doit être considéré comme n’ayant pas séjourné légalement au pays tant au moment du dépôt de la déclaration d’engagement du 18 décembre 2002 qu’à celui de la prise de la décision implicite litigieuse.

Or, un travailleur n'ayant pas d'autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg est à considérer comme ayant été recruté à l'étranger (cf. Cour adm. 7 novembre 2000, Andrade Teixeira, n° 11962C du rôle, Pas. adm. 2003, v° Travail, n° 41).

En effet, l'article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 précitée précise que le recrutement de travailleurs à l'étranger est de la compétence exclusive de l'ADEM, sauf l'exception où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d'action de l'administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-

d'oeuvre se déclare » (doc. parl. n° 1682, commentaire des articles ad. art. 16).

En l’espèce, au vœu des dispositions de l'article 16 de la loi prévisée du 21 février 1976, l'employeur ayant eu l'intention d'engager le demandeur, non ressortissant d'un pays de l'Union Européenne ou d'un pays faisant partie de l'Espace Economique Européen, aurait dû solliciter en premier lieu auprès de l'ADEM l'autorisation de recruter un travailleur à l'étranger.

Cette obligation est corroborée par les dispositions du même article 16 à travers son paragraphe (1) fixant le principe pour l'administration de l'Emploi d'un monopole en vue de procéder au recrutement des travailleurs en dehors de l'Espace Economique Européen pour les raisons « inhérentes à la surveillance du marché d'emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l'ordre public et la sécurité publique, enfin dans l'intérêt de la protection de l'emploi et de la main-d'œuvre occupé dans le pays » (doc. parl. n° 1682 loc.cit).

Par voie de conséquence, l'arrêté ministériel déféré est légalement justifié par le seul motif de refus tenant au recrutement non autorisé à l'étranger de Monsieur … par l’employeur intéressé.

Quant au moyen des parties demanderesses relatif à l’usage excessif de son pouvoir d’appréciation par le ministre, il y a lieu de rappeler que s’il est vrai que lors de l’examen de l’exactitude des faits invoqués à l’appui d’une décision, de la pertinence des motifs dûment établis et du contrôle de cette décision sous l’aspect de la compétence, de l’excès ou du détournement de pouvoir, cette vérification peut s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, mais qu’elle est cependant limitée aux cas où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité. Or, en l’espèce, les circonstances que l’ADEM n’a, d’après les éléments soumis au tribunal, pas envoyé au H. de demandeur d’emploi qualifié disposé à occuper le poste litigieux et que le H. invoque un besoin urgent d’un joueur-entraîneur de gardien de but ne sont pas de nature à conférer un caractère abusif au refus de permis de travail litigieux. En effet, le renvoi à un besoin spécifique et urgent de main-d’œuvre ne saurait constituer un motif valable pour cautionner un non-respect des procédures obligatoires instaurées par la législation applicable. S’y ajoute que Monsieur … avait déjà occupé illégalement le poste en question avant l’introduction de la seconde déclaration d’engagement, et que, d’après les propres déclarations du mandataire des parties demanderesses à l’audience, leur relation de travail a été reprise en violation des dispositions légales applicables.

Dans la mesure où le ministre a ainsi pu fonder son refus de permis de travail sur pied de ce seul motif prévu par la législation applicable, le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le bien-fondé des autres motifs de refus avancés par le délégué du gouvernement et les critiques y afférentes.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les parties demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par:

M. CAMPILL, vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2004 par le vice-président en présence de M.

LEGILLE, greffier.

LEGILLE CAMPILL 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16466
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;16466 ?

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