La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16273

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 16273


Tribunal administratif N° 16273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A. et la société anonyme X. S.A.

contre une décision du collège échevinal de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la sociétÃ

© anonyme L.

S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d...

Tribunal administratif N° 16273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 avril 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A. et la société anonyme X. S.A.

contre une décision du collège échevinal de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16273 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme L.

S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et la société anonyme X. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du conseil échevinal de la commune de Remerschen du 10 janvier 2003, portant autorisation de construire une station-service dans la zone d’activités économiques « Schengerwis » à Remerschen, délivrée au profit de la société anonyme E. S.A. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, des 14 et 16 avril 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale de Remerschen et à la société anonyme E. S.A. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2003 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Remerschen ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 19 juin 2003, portant signification de ce mémoire en réponse à la société anonyme L.

S.A., et la société anonyme E. S.A., chaque fois en leurs domiciles élus ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2003, par Maître André MARC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme E. S.A. ;

Vu les actes d’avocat à avocat du même jour, par lesquels le prédit mémoire en réponse a été notifié aux mandataires de la société anonyme L. S.A., de la société anonyme X. S.A. et de l’administration communale de Remerschen ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 septembre 2003 par Maître Jean MEDERNACH pour compte des demanderesses ;

Vu les actes d’avocat à avocat du même jour, par lesquels le prédit mémoire en réplique a été notifié aux mandataires de l’administration communale de Remerschen et de la société anonyme E. S.A. ;

Vu la rupture du délibéré du 5 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, et Cyril PIERRE-BEAUSSE, en remplacement de Maître André MARC, en leurs plaidoiries respectives.

En date du 16 novembre 2000, le conseil communal de Remerschen adopta provisoirement une modification de l’article 4 c) de la partie écrite du plan d’aménagement général, ci-après dénommé « le PAG », pour lui donner la teneur suivante : « Das Errichten von zusätzlichen Tankstellen auf dem Gebiet der Gemeinde Remerschen ist untersagt. Maximal sind neun Tankstellen zugelassen ».

Par lettre du 13 décembre 2000, adressée au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Remerschen, l’architecte F.K., agissant en nom et pour compte de la société anonyme L. S.A., dénommée ci-après « la société L. », sollicita une autorisation de bâtir en vue de la construction d’une « station-service avec shop et car-wash sur un terrain sis à Remerschen dans la zone d’activités économiques », sur une partie de la parcelle cadastrale 1940/4804 de la section C de Flouer de la commune de Remerschen, appartenant à la société anonyme X. S.A., dénommée ci-après « la société X. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2001, la société L. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision implicite de refus d’autorisation, suite à la prédite demande du 13 décembre 2000.

Par jugement du 7 février 2002, le tribunal administratif annula la décision implicite de refus de délivrance d’un permis de construire résultant du silence gardé par l’administration communale de Remerschen, au motif que la commune de Remerschen resta en défaut d’apporter une quelconque précision quant aux circonstances de fait ayant motivé la prise de sa décision de refus.

Le collège échevinal de la commune de Remerschen délivra en date du 10 janvier 2003 à la société anonyme E. S.A., ci-après dénommée « la société E. », l’autorisation pour construire une station-service dans la zone d’activités économiques « Schengerwis » à Remerschen sous réserve de tous droits généralement quelconques de tiers et sous le respect de diverses conditions y plus amplement spécifiées.

Par lettre du 27 janvier 2003, le bourgmestre de la commune de Remerschen informa la société L. du rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de construire du 13 décembre 2000. Ladite décision a la teneur suivante :

« Mesdames, Messieurs, Permettez-moi de revenir par la présente à votre demande du 13 décembre 2000, ceci suite au jugement du 7 février 2002 rendu par le Tribunal Administratif, qui a renvoyé le dossier en prosécution de cause devant notre administration communale.

Je suis au regret de vous informer que votre demande ne saurait être avisée favorablement, ceci en raison de l’article 4 c) du Plan d’aménagement général en vigueur dans notre Commune, article qui dispose :

Mischgebiete c) Das Errichten von zusätzlichen Tankstellen auf dem Gebiet der Gemeinde Remerschen ist untersagt. Maximal sind 9 Tankstellen zugelassen.

En raison des autorisations administratives qui viennent d’être délivrées à la société E. s.a., procédures qui sont à votre connaissance, il n’y a plus de possibilité d’accorder une autorisation additionnelle, alors que le cadre des neuf stations possibles est désormais épuisé.

La présente décision pourra faire l’objet d’un recours en annulation à introduire dans le délai de 3 mois par ministère d’avocat à la Cour, devant le Tribunal Administratif. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2003, la société L. et la société X. ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de ladite autorisation de construire délivrée par le collège échevinal de la commune de Remerschen en date du 10 janvier 2003.

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner le moyen soulevé par les demanderesses dans leur mémoire en réplique tendant à voir écarter des débats le mémoire en réponse de Maître PIERRET, déposé le 25 juin 2003 au nom de l’administrtion communale de Remerschen, au motif que celui-ci n’aurait pas été signifié à la société X.. - Dans ce contexte, il est indifférent que ce moyen a été soulevé dans un mémoire, qui le cas échéant, devra être écarté, étant donné que ce moyen a trait à l’ordre public et doit en tant que tel être soulevé d’office par le tribunal.

Lors des plaidoiries, le mandataire de l’administration communale de Remerschen n’a pas pris position par rapport à ce moyen.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

« (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive.

(6) Les délais prévus au paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle et partant à l’ordre public, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion. Par ailleurs, au vœu de l’article 5 précité, la fourniture du mémoire en réponse dans le délai de trois mois de la signification de la requête introductive inclut – implicitement, mais nécessairement – l’obligation de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie, voire aux parties demanderesses dans ledit délai de trois mois.

Le moyen soulevé par les demanderesses est cependant à écarter, dans la mesure où lesdites parties demanderesses ont toutes les deux élu domicile en l’étude de Maître Jean MEDERNACH, auquel le mémoire en réponse a été signifié suivant exploit de l’huissier de justice Michelle THILL en date du 19 juin 2003, c’est-à-dire dans le délai de trois mois prévu à l’article 5 (1) de la loi du 21 juin 1999, précitée. S’il est exact qu’il rE.rt des modalités de la remise de l’exploit que cette signification faite en l’étude de Maître Jean MEDERNACH a uniquement visé comme destinataire la société L., le tribunal retient cependant que cette signification a également été valablement faite vis-à-

vis de la société X., étant donné que les parties demanderesses ont précisément toutes les deux élues domicile auprès du même mandataire qui défend leurs intérêts dans des termes identiques, de sorte qu’une double signification à l’adresse de ce dernier aurait été superflue. Partant, il échet de retenir que l’exploit de signification du 19 juin 2003 vaut signification du mémoire en réponse à l’encontre des deux parties demanderesses.

Tant l’administration communale de Remerschen que la société E. contestent en premier lieu l’intérêt à agir des demanderesses. Dans ce contexte, elles soutiennent que les demanderesses ne démontreraient pas l’existence d’une lésion à caractère individuel dérivant directement de l’acte attaqué qui ne leur refuserait pas un droit et ne statuerait pas sur une réclamation qu’elles auraient fait valoir, mais accorderait simplement une autorisation à un tiers.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses rétorquent qu’en tant que voisins directs, elles auraient qualité et intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation de construire, de même que le locataire d’un terrain aurait un intérêt spécifique, ne se confondant pas avec l’intérêt du propriétaire, à voir toiser la question de la légalité du permis de son voisin. Etant donné que la réglementation actuellement en vigueur sur le territoire de la commune de Remerschen fixerait un nombre maximum de stations-

service, les demanderesses estiment avoir un intérêt manifeste à voir respecter les règles relatives à la délivrance des permis de construire une station-service et ceci en leur qualité de demandeur en obtention d’un permis de construire similaire (L.) et en qualité de propriétaire du terrain devant accueillir cette station (X.), d’autant plus que l’accord de la commune face à la demande E. et le refus subséquent opposé à la société L. seraient intimement liés.

L’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond (cf. trib. adm. 14 février 2001, n° 11607 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Procédure contentieuse, n° 1). L’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés (cf. ord. prés. 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 1).

En l’espèce, la réalité de l’intérêt à agir des parties demanderesses se dégage de leur prétention consistant à obtenir une place du quota fixé par l’article 4 c) du PAG, et, plus particulièrement, la neuvième station-service susceptible d’être exploitée sur le territoire de la commune de Remerschen, place à laquelle ils estiment pouvoir prétendre au vu de l’antériorité de leur demande en obtention d’une autorisation de construire présentée par la société L. le 13 décembre 2000 par rapport à la demande en autorisation de la société E. du 14 février 2002.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut d’un intérêt à agir des demanderesses est à rejeter.

Le recours étant par ailleurs régulier en la forme et ayant été introduit dans le délai légalement imparti, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demanderesses soutiennent que l’administration communale de Remerschen aurait conclu en date du 17 mai 1999 un contrat de concession d’un droit de superficie en vue de l’exploitation d’un point de vente de carburant avec la société E., contrat qui porterait sur un terrain domanial situé en face du terrain appartenant à la société X. et sur lequel la société L. projetterait l’exploitation de sa station-service.

Par ailleurs, la société E. aurait obtenu, suite au déroulement de la procédure d’enquête de commodo et incommodo prévue par la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, les autorisations d’exploitation nécessaires de la part du ministre de l’Environnement en date du 30 septembre 2002 et du ministre du Travail et de l’Emploi en date du 25 octobre 2002. Un courrier du bourgmestre de la commune de Remerschen du 27 janvier 2003 aurait porté à leur connaissance que la société E. avait obtenu de la part de la commune de Remerschen une autorisation de construire en date du 10 janvier 2003, autorisation dont une copie a été envoyée à leur mandataire le 26 février 2003.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 183). Ceci étant, il convient en premier lieu d’examiner le moyen soulevé par les demanderesses dans leur mémoire en réplique et tiré du défaut de compétence dans le chef de l’autorité pour délivrer l’autorisation de construire attaquée, étant donné que le site visé par la demande en autorisation de la société E., à savoir la zone d’activités économiques « Schengerwis » se trouve soumis à un plan d’aménagement particulier, de sorte que l’autorisation afférente relèverait de la compétence du collège échevinal.

Concernant les terrains couverts par un plan d’aménagement particulier, l’article 20 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes énonce que « les constructions ne pourront être exécutées qu’après que les plans en auront été approuvés par le collège échevinal (…) ».

Or, force est de constater en l’espèce que l’autorisation attaquée émane effectivement du collège échevinal de la commune de Remerschen, tel que cela est d’ailleurs formellement reconnu par les parties demanderesses dans leur requête introductive, de sorte que le moyen afférent est à écarter pour manquer en fait.

Les demanderesses estiment encore que l’autorisation attaquée viole l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, au motif que l’administration communale de Remerschen aurait dû les informer préalablement du fait qu’une demande en obtention d’un permis de construire visant le terrain voisin avait été déposée et que l’omission de cette formalité substantielle devrait entraîner l’annulation de la décision litigieuse.

C’est cependant à juste titre que les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen.

Eu égard aux exigences tenant au respect des droits de la défense de l’administré et à l’aménagement, dans la mesure la plus large possible, de sa participation à la prise de décision, l’omission par l’administration de donner aux administrés la possibilité de présenter leurs observations préalablement à la prise d’une décision constitue l’omission d’une formalité substantielle dont la sanction appropriée est l’annulation de la décision administrative. Si pourtant l’administré a pu exposer l’ensemble de ses doléances et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle critiquée, il ne justifie d’aucun grief concret justifiant l’annulation de la décision pour inobservation des formalités de publicité préalablement à la prise de décision (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 77 et autres références y citées).

Etant donné que les parties demanderesses, dans le cadre de leur recours et du mémoire en réplique déposés, ont pu exposer l’ensemble de leurs moyens et arguments tendant à voir démontrer que l’administration communale de Remerschen aurait dû prendre une décision différente de celle attaquée, notamment en relation avec le principe de l’égalité devant la loi, aucun grief concret dans leur chef ne saurait être retenu par le tribunal, de sorte que le moyen tiré du non respect de la procédure administrative non contentieuse est à rejeter.

Concernant le bien-fondé du recours, les demanderesses soulignent qu’avant la délivrance de l’autorisation attaquée au profit de la société E., seul huit stations-service auraient été autorisées sur le territoire de la commune de Remerschen et que deux demandes en obtention d’un permis de construire auraient été pendantes, à savoir, la demande de la société L. remontant au 13 décembre 2000 et celle de la société E. du 14 février 2002. En favorisant la demande de la société E., les autorités communales auraient agi « de manière insidieuse, sans justification objective aucune, dans un intérêt autre que l’intérêt général et en commettant une rupture de l’égalité des administrés devant la loi » en ce que :

- l’administration aurait dû aviser en premier lieu la demande conforme la plus ancienne, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce, étant donné qu’elle aurait tenté de créer un fait accompli en évitant de prendre position sur la première demande en date conforme à la réglementation en vigueur. Comme la commune n’aurait pas avancé le moindre argument objectif, permettant de mettre en doute le caractère autorisable de la demande de la société L. du 13 décembre 2000, cette demande aurait dû être avisée favorablement dès son dépôt, de sorte que les détournements de pouvoir et de procédure commis par la commune seraient manifestes ;

- le principe de l’égalité interdirait le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que pareille différenciation ne soit objectivement justifiée.

Or, comme d’un point de vue objectif, la demande de la société L. serait antérieure à celle prise en considération par la commune et comme pour le surplus la société E. serait locataire d’un terrain appartenant à la commune, la décision attaquée violerait clairement ledit principe de l’égalité des administrés devant la loi ;

- toute autorité administrative se doit d’agir dans l’intérêt général. Or, la commune de Remerschen, en sa double qualité d’autorité administrative appelée à délivrer des permis de construire et de propriétaire d’un terrain, appelée à bénéficier d’un tel permis, se serait arrogée des droits que par la même occasion elle aurait refusé de manière illégale aux autres administrés.

Les parties défenderesses rétorquent sur ce point que la demande présentée par la société E. aurait été introduite le 28 août 2000, qu’elle aurait été rencontrée en date du 14 novembre 2000 par une autorisation de principe de la part de la commune, sous réserve de respecter les dispositions du plan d’aménagement particulier de la zone d’activités économiques « Schengerwis » et sous la condition d’obtenir toutes les autorisations ministérielles requises pour la construction et l’implantation de pareils établissements.

Etant donné que lesdites autorisations auraient été obtenues par la société E., une autorisation formelle de la part de la commune aurait pu être délivrée en date du 10 janvier 2003. Or, la demande de la société L. n’aurait été déposée qu’en date du 13 décembre 2000, après la modification de l’article 4 c) du PAG intervenue en date du 16 novembre 2000, de sorte qu’il n’y aurait aucunement un détournement de pouvoir au niveau communal, ni une violation du principe de l’égalité des administrés devant la loi, mais simplement une application conforme des textes réglementaires applicables au moment de la présentation de la demande en autorisation de construire par la société E..

Les parties demanderesses font répliquer qu’il ressortirait des termes d’un courrier de la commune du 5 septembre 2002 à l’adresse du secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Environnement que la commune aurait délibérément fixé le nombre de stations-

service à neuf afin de permettre, d’une part, à la société E. de construire son exploitation sur le terrain domanial et d’interdire, d’autre part, à tout autre commerçant concurrent de venir s’installer sur le territoire de la commune de Remerschen. Pour le surplus, ni le PAG, ni le règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen, n’attacheraient une quelconque signification juridique à une autorisation de principe et la sollicitation de pareille autorisation de principe ne constituerait qu’une simple faculté pour l’administré.

Comme le règlement sur les bâtisses ne conférerait aucun droit à un administré suite à l’obtention d’une autorisation de principe, l’administration ne serait tenue à aucune obligation concernant les suites à réserver à pareille autorisation. Partant, l’autorisation de principe du 14 novembre 2000 n’aurait pu faire naître un droit dans le chef de la société E., d’autant plus que la demande d’autorisation présentée par ladite société en date du 28 août 2000 était incomplète voire irrégulière, à défaut de contenir les plans de construction définitifs. A cela s’ajouterait que d’après l’article 60 (7) du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen, la durée de validité des autorisations de construire seraient limitée à un an, de sorte que l’autorisation de principe accordée à la société E. en date du 14 novembre 2000 serait devenue caduque le 14 novembre 2001.

Concernant le bien-fondé de la délivrance de l’autorisation de construire au profit de la société E. et la prétendue rupture manifeste de l’égalité des parties devant la loi voire le prétendu détournement du pouvoir commis par la commune de Remerschen en ce qu’elle a accordé l’autorisation de construire à la société E., il échet de constater que la société E. a introduit une première demande d’autorisation de bâtir une station-service dans la zone d’activité « Schengerwis » à Remerschen en date du 28 août 2000, demande d’autorisation qui fut rencontrée par une autorisation de principe du 14 novembre 2000, déjà précédée par un contrat de concession d’un droit de superficie pour l’exploitation d’un point de vente de carburant pour véhicules automoteurs conclu entre l’administration communale de Remerschen et la société E. en date du 17 mai 1999.

Ladite autorisation de principe du 14 novembre 2000 précisait pour le surplus que la société E. devrait obtenir toutes les autorisations requises pour la construction et l’implantation d’une station-service et que l’autorisation à bâtir définitive ne pourrait être établie qu’après production des plans de construction définitifs en double exemplaire.

Après obtention des autorisations d’exploitation afférentes du ministère de l’Environnement en date du 30 septembre 2002 et du ministère du Travail et de l’Emploi en date du 25 octobre 2002, le collège échevinal suivant décision du 10 janvier 2003, a accueilli favorablement la demande d’autorisation définitive du 14 février 2002 présentée par la société E..

Une autorisation de construire, comme toute autre décision administrative intervient d’abord et essentiellement dans l’intérêt de son destinataire direct, sans pour autant devoir heurter l’intérêt général. Si elle heurtait l’intérêt général, elle constituerait un détournement de pouvoir (cf. trib. adm. 16 février 1998, n° 9849 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Recours en annulation, n° 6).

Le détournement de pouvoir consiste dans l’utilisation d’une compétence du pouvoir communal dans un but autre que celui pour lequel elle est conférée, ce qui amène le juge administratif à examiner si le mobile véritable de l’administration correspond à celui qu’elle a exprimé, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits par lui incriminés (cf. trib. adm. 8 octobre 2001, n° 13445 du rôle, confirmé par Cour adm. 7 mai 2002, n° 14197C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 4).

Or, s’il est exact qu’en l’espèce, le courrier du 14 novembre 2000 à l’adresse de la société E. ne vaut pas autorisation de construire et que ladite autorisation n’a été accordée qu’en date du 10 janvier 2003, il ressort cependant des pièces du dossier que le projet de la société E. visant à implanter une station-service sur le territoire de la commune de Remerschen remonte à la première moitié de l’année 1999 et que ce projet a été avisé favorablement par les autorités communales en date du 14 novembre 2000, à condition que la société E. obtienne toutes les autorisations requises pour la construction et l’implantation de pareille station-service.

Partant, la demande de la société E. n’était pas postérieure à la demande de la société L., étant donné que le projet de la société E. se trouvait déjà à un stade avancé au moment de l’introduction de la demande en autorisation de la société L. en date du 13 décembre 2000, même si la demande en obtention d’une autorisation de construire définitive de la société E. n’a été introduite qu’en date du 14 février 2002.

Au vu de la chronologie des faits ci-avant relatés, les parties demanderesses n’ont pas rapporté la preuve que la décision des autorités communales d’accorder une autorisation de construire à la société E. au détriment de la demande de la société L.

procède d’un détournement de pouvoir, respectivement serait contraire à l’intérêt général, la simple constatation que ladite station-service a été autorisée sur un terrain appartenant à la commune étant à elle-seule insuffisant à cet égard.

Il en est de même de la prétendue violation du principe de l’égalité devant la loi qui, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extra-patrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 2, et autres références y citées) – Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Lois et règlements, n° 2 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que l’autorisation de bâtir accordée à la société E. vise un projet remontant à 1999, rencontré favorablement par un premier courrier des autorités communales du 14 novembre 2000 et ayant obtenu avant l’octroi de l’autorisation de construire du 10 janvier 2003 toutes les autorisations ministérielles requises en la matière, tandis que la demande d’autorisation de la société L. n’a été introduite qu’en date du 13 décembre 2000, après que les autorités communales eurent limité le quota des stations-service à neuf.

Dans ces conditions, c’est à tort que les parties demanderesses soutiennent que la société L. se serait trouvée dans une même situation de fait et de droit que la société E., au vu notamment de l’état d’avancement des deux projets respectifs et de la nouvelle situation réglementaire créée par la modification de l’article 4 c) du PAG en date du 16 novembre 2000.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 5.000,- € présentée par les parties demanderesses est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné qu’elles ont succombé dans leurs moyens et arguments.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 5.000,- € formulée par l’administration communale de Remerschen est également à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demanderesses aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16273
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;16273 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award