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02/02/2004 | LUXEMBOURG | N°16191

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 février 2004, 16191


Tribunal administratif N° 16191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A., Luxembourg contre une décision de refus du bourgmestre de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme L.

S.A., é

tablie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration ac...

Tribunal administratif N° 16191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2003 Audience publique du 2 février 2004 Recours formé par la société anonyme L. S.A., Luxembourg contre une décision de refus du bourgmestre de la commune de Remerschen en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2003 par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme L.

S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du « bourgmestre » de la commune de Remerschen du 27 janvier 2003 par laquelle elle s’est vue refuser la délivrance d’une autorisation de construire une station-service avec shop et car-wash sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de Remerschen, section C de Flouer, sous le numéro 1940/4804 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 2 avril 2003, portant signification de ce recours à l’administration communale de Remerschen ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2003 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Remerschen ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 12 juin 2003 par lequel le prédit mémoire en réponse a été notifié au mandataire de la société anonyme L. S.A. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2003 par Maître Jean MEDERNACH pour compte de la demanderesse ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour par lequel le prédit mémoire en réplique a été notifié au mandataire de l’administration communale de Remerschen ;

Vu la rupture du délibéré du 5 janvier 2004 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Jean MEDERNACH, et Jamila KHELILI, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en leurs plaidoiries respectives.

En date du 16 novembre 2000 le conseil communal de Remerschen adopta provisoirement une modification de l’article 4 c) de la partie écrite du plan d’aménagement général, ci-après dénommé « le PAG », pour lui donner la teneur suivante : « Das Errichten von zusätzlichen Tankstellen auf dem Gebiet der Gemeinde Remerschen ist untersagt. Maximal sind neun Tankstellen zugelassen ».

Par lettre du 13 décembre 2000, adressée au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Remerschen, l’architecte F.K., agissant en nom et pour compte de la société anonyme L. S.A., dénommée ci-après « la société L. », sollicita une autorisation de bâtir en vue de la construction d’une « station-service avec shop et car-wash sur un terrain sis à Remerschen dans la zone d’activités économiques », sur une partie de la parcelle cadastrale 1940/4804 de la section C de Flouer de la commune de Remerschen, appartenant à la société anonyme X. S.A..

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 mai 2001, la société L. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision implicite de refus d’autorisation, suite à la prédite demande du 13 décembre 2000.

Par jugement du 7 février 2002, le tribunal administratif annula la décision implicite de refus de délivrance d’un permis de construire résultant du silence gardé par l’administration communale de Remerschen, au motif que la commune de Remerschen resta en défaut d’apporter une quelconque précision quant aux circonstances de fait ayant motivé la prise de sa décision de refus.

Par lettre du 27 janvier 2003, le bourgmestre de la commune de Remerschen informa la société L. du rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de construire du 13 décembre 2000. Ladite décision est de la teneur suivante :

« Mesdames, Messieurs, Permettez-moi de revenir par la présente à votre demande du 13 décembre 2000, ceci suite au jugement du 7 février 2002 rendu par le Tribunal Administratif, qui a renvoyé le dossier en prosécution de cause devant notre administration communale.

Je suis au regret de vous informer que votre demande ne saurait être avisée favorablement, ceci en raison de l’article 4 c) du Plan d’aménagement général en vigueur dans notre Commune, article qui dispose :

Mischgebiete c) Das Errichten von zusätzlichen Tankstellen auf dem Gebiet der Gemeinde Remerschen ist untersagt. Maximal sind 9 Tankstellen zugelassen.

En raison des autorisations administratives qui viennent d’être délivrées à la société E. Luxembourg s.a., procédures qui sont à votre connaissance, il n’y a plus de possibilité d’accorder une autorisation additionnelle, alors que le cadre des neuf stations possibles est désormais épuisé.

La présente décision pourra faire l’objet d’un recours en annulation à introduire dans le délai de 3 mois par ministère d’avocat à la Cour, devant le Tribunal Administratif. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2003, la société L. a fait introduire un recours tendant à l’annulation de ladite décision du 27 janvier 2003.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que l’administration communale de Remerschen aurait conclu en date du 17 mai 1999 un contrat de concession d’un droit de superficie en vue de l’exploitation d’un point de vente de carburant avec la société E. S.A, ci-après dénommée « la société E. », contrat qui porterait sur un terrain domanial situé en face du terrain sur lequel elle projetterait l’exploitation de sa station-service.

Par ailleurs, la société E. aurait obtenu, suite au déroulement de la procédure d’enquête de commodo et incommodo prévue par la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, les autorisations d’exploitation nécessaires de la part du ministre de l’Environnement en date du 30 septembre 2002 et du ministre du Travail et de l’Emploi en date du 25 octobre 2002. Pour le surplus, la société E. aurait apparemment encore obtenu de la part de la commune de Remerschen une autorisation de construire, tel que cela ressortirait du courrier du bourgmestre de la commune de Remerschen du 27 janvier 2003, sans que la société L. n’aurait été informée préalablement de l’existence de cette décision.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure contentieuse, n° 183). Ceci étant, il convient en premier lieu d’examiner le moyen soulevé par la société L. dans son mémoire en réplique et tiré du défaut de compétence dans le chef du bourgmestre de la commune de Remerschen pour délivrer respectivement refuser pareille autorisation de construire, étant donné que le site visé par les demandes en autorisation de la demanderesse respectivement de la société E., à savoir la zone d’activités économiques « Schengerwis », se trouve soumis à un plan d’aménagement particulier, de sorte que l’autorisation afférente serait de la compétence du collège échevinal.

Concernant les terrains couverts par un plan d’aménagement particulier, l’article 20 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes énonce que « les constructions ne pourront être exécutées qu’après que les plans en auront été approuvés par le collège échevinal (…) ».

A côté du régime de droit commun conférant une compétence de principe au bourgmestre pour octroyer un permis de construire, coexiste la compétence exceptionnelle en vertu de laquelle une autorisation de bâtir sur un terrain couvert par un plan d’aménagement particulier ne peut émaner que du collège échevinal (cf. trib. adm.

18 février 1998, n° 9520 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 157) – Le bourgmestre, saisi d’une demande d’autorisation de construire n’a pas non plus compétence pour refuser l’autorisation afférente, cette compétence revenant également au collège échevinal (cf. trib. adm. 15 mars 2000, n° 11234 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Urbanisme, n° 157 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que la partie demanderesse et la société E. sont en concurrence pour la délivrance d’une autorisation de construire la neuvième station-

service sur le territoire de la commune de Remerschen, dernière station-service pouvant être autorisée au vu de la limitation du nombre des stations-service, sur des terrains avoisinants couverts par un plan d’aménagement particulier et que le collège échevinal, autorité compétente aux termes de l’article 20, précitée, a délivré en date du 10 janvier 2003 une autorisation de construire au profit de la société E.. Or, l’octroi de la dernière autorisation pouvant être délivrée à un des concurrents implique – implicitement, mais nécessairement - le refus de la demande de l’autre postulant.

Ainsi, la lettre du 27 janvier 2003 du bourgmestre de la commune de Remerschen n’est pas à considérer comme « décision », mais constitue une simple lettre d’information à l’adresse de la société L. de la décision prise par le collège échevinal d’accorder une autorisation de construire à la société E. et de refuser la demande en autorisation de construire de la demanderesse. Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que le bourgmestre a erronément qualifié sa lettre du 27 janvier 2003 de décision susceptible de recours.

Par conséquent, d’un côté, le moyen d’annulation laisse d’être fondé, et, d’un autre côté, le recours doit être analysé comme étant dirigé contre la décision implicite de rejet du collège échevinal de Remerschen se dégageant de l’octroi de la dernière autorisation de construire à la société E..

La demanderesse estime encore que l’autorisation attaquée viole l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, au motif que l’administration communale de Remerschen aurait dû l’informer préalablement de l’existence de l’autorisation de construire délivrée à la société E. respectivement la tenir au courant, en tant que tiers-intéressé, de l’ouverture d’une procédure de permis de construire.

Aux termes de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité :

« Lorsqu’une décision administrative est susceptible d’affecter les droits et intérêts de tierces personnes, l’autorité administrative doit lui donner une publicité adéquate mettant les tiers en mesure de faire valoir leurs moyens.

Dans la mesure du possible, l’autorité administrative doit rendre publique l’ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision.

Les personnes intéressées doivent avoir la possibilité de faire connaître leurs observations. (…) » C’est à juste titre que la partie défenderesse conclu au rejet de ce moyen.

En effet, d’une part, la sanction adéquate résultant du défaut par l’administration de conférer une publicité adéquate à sa décision est celle de la suspension des délais de recours jusqu’à due communication de la décision.

D’autre part, eu égard aux exigences tenant au respect des droits de la défense de l’administré et à l’aménagement, dans la mesure la plus large possible, de sa participation à la prise de décision, l’omission par l’administration de donner aux administrés la possibilité de présenter leurs observations préalablement à la prise d’une décision constitue l’omission d’une formalité substantielle dont la sanction appropriée est l’annulation de la décision administrative. Si pourtant l’administré a pu exposer l’ensemble de ses doléances et démontrer à suffisance le contenu des propositions concrètes tendant à voir prendre une décision différente de celle critiquée, il ne justifie d’aucun grief concret justifiant l’annulation de la décision pour inobservation des formalités de publicité préalablement à la prise de décision (cf. trib. adm. 4 mai 1998, n° 10257 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 77 et autres références y citées).

Etant donné que la partie demanderesse, dans le cadre de son recours et du mémoire en réplique déposés, a pu exposer l’ensemble de ses moyens et arguments tendant à voir démontrer que l’administration communale de Remerschen aurait dû prendre une décision différente de celle attaquée, aucun grief concret dans son chef ne saurait être retenu par le tribunal, de sorte que le moyen tiré du non respect de la procédure administrative non contentieuse est à rejeter.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse soulève encore un moyen tiré de la régularité de la délibération du conseil communal de Remerschen du 16 novembre 2000, en ce qu’un échevin, ayant participé au vote de la modification de l’article 4 c) du PAG, serait propriétaire et exploitant d’une station-service sur le territoire communal et qu’il aurait de ce chef eu un intérêt direct et personnel à la délibération limitant le nombre de stations-service.

Ledit moyen est cependant à écarter, étant donné qu’indépendamment de la circonstance que la qualité de propriétaire et d’exploitant d’une station-service dans le chef de cet échevin est restée à l’état de pure allégation, l’article 20 de la loi communale du 13 décembre 1998, telle que modifiée, n’édicte pas de sanction en cas de violation et la délibération irrégulière n’est donc pas nulle de droit mais seulement annulable pour des raisons d’intérêt public, c’est-à-dire si l’intérêt privé a pu prévaloir sur l’intérêt public (cf.

Conseil d’Etat 25 janvier 1983; Ackermann, Rec. CE 1983).

Or, en l’espèce, il ne saurait être mis en doute que le vote de la nouvelle version de l’article 4 c) du PAG en date du 16 novembre 2000 par le conseil communal de Remerschen a été pris dans un intérêt public, à savoir la limitation du trafic routier sur le territoire communal, délibération qui pour le surplus a été prise à l’unanimité des voix sur avis favorable de la commission d’aménagement du 27 octobre 2000.

Concernant le bien-fondé du recours, la demanderesse soulève ensuite l’illégalité de l’article 4 c) du PAG, à la base de la décision de refus attaquée, en ce que :

- ledit article 4 c) serait contraire à la liberté de commerce et de l’industrie, telle que garantie par l’article 11 de la Constitution en ce que les autorités communales ne pourraient limiter de manière permanente le nombre d’établissements d’un certain commerce dans une commune, alors que seul le pouvoir législatif pourrait imposer pareille restriction et non pas une commune par un règlement communal pris en matière d’urbanisme ;

- ledit article 4 c) serait contraire au règlement grand-ducal du 10 avril 1997, tel que modifié, déclarant obligatoire le plan d’aménagement global « Haff Réimech », et qui autorise l’implantation en zone d’activité économique d’entreprises artisanales et commerciales, ainsi que des services et industries légères. Or, par le moyen détourné de la modification de la partie écrite du PAG, les commerces autorisés au sein de la zone d’activité économique se trouveraient réduits au-delà de ce qu’avait envisagé le règlement grand-ducal du 10 avril 1997, précité, norme pourtant hiérarchiquement supérieure ;

- ledit article 4 c) ne répondrait pas aux buts poursuivis par un PAG, en ce qu’il se bornerait à édicter une interdiction pure et simple frappant toutes les parcelles du territoire communal, alors que la fonction d’un PAG serait d’élaborer des règles objectives visant les constructions à ériger en vue de garantir un développement harmonieux de la commune ;

- ledit article 4 c) ne réglementerait nullement les problèmes d’antériorité des demandes en autorisation de construire une station-service, de réaffectation en cas de cessation d’activité ou de disparition d’une station-service existant actuellement, et l’administration communale, en violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, qui interdit le traitement de manière différente des situations similaires, aurait institué des régimes différents entre les administrés, sans que cette différence ne procède de disparités objectives.

- l’article 4 c) violerait ouvertement le principe de proportionnalité de l’action administrative, étant donné qu’il est de jurisprudence que l’activité administrative devient illégale si elle empiète sur les droits et libertés des particuliers, au-delà de ce qui est nécessaire et utile à la réalisation des objectifs poursuivis, en l’espèce, une réduction du trafic routier.

L’administration communale de Remerschen rétorque que l’article 4 c) du PAG ne porterait nullement atteinte à la liberté de commerce et de l’industrie, étant donné qu’elle ne poserait aucune condition spécifique ou particulière au niveau de l’exercice de la profession en cause, mais qu’elle serait cependant libre d’en organiser l’exercice par rapport à des critères d’urbanisme et dans le simple but d’un urbanisme local ordonné.

Ledit article 4 c) ne serait pas non plus contraire au règlement grand-ducal du 10 avril 1997, précité, au motif que ce texte n’interdirait pas à une autorité communale de fixer par règlement local un nombre total de stations-service à ne pas dépasser sur son territoire.

Pour le surplus, l’administration communale de Remerschen s’estime en droit de fixer un nombre total de stations-service pour tout le territoire communal, étant entendu que ces stations-services ne pourront être implantées que dans les zones prévues à cet effet par le PAG, de sorte que ledit article 4 c) n’interfèrerait pas sur les détails tels que la configuration, le volume ou l’emprise d’une station-service.

L’administration communale de Remerschen réfute encore toute violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, étant donné que le nombre global des stations-services aurait été arrêté et existerait « sans autre interprétation administrative qui elle-seule pourrait encourir le risque de l’arbitraire », et qu’en cas de cessation d’une station-service, une nouvelle pourra être implantée conformément aux dispositions du PAG. Aucun régime différent entre les administrés n’aurait été institué, tous les candidats potentiels connaîtraient les textes applicables et aucune différentiation individuelle ne serait à craindre au niveau de l’autorisation administrative.

Finalement, l’article 4 c) du PAG ne serait pas non plus contraire au principe de proportionnalité de l’action administrative, étant donné que, s’agissant d’une règle d’urbanisme empiétant sur les droits et libertés des particuliers dans la mesure où des contraintes sont émises, elle serait à respecter par tous les administrés dans le but supérieur du bien public. Or, une petite localité comme Remerschen serait saturée avec neuf stations-service et vu que les besoins propres de la localité ne justifieraient pas un nombre de stations-service supérieur, la limitation imposée serait amplement justifiée et conforme à l’intérêt général en considération du fait qu’un surplus de stations-service créerait un surplus de trafic routier et ainsi des nuisances supplémentaires qu’il conviendrait d’éviter.

C’est à juste titre que la partie défenderesse sollicite le rejet des moyens tirés de l’illégalité de l’article 4 c) du PAG.

En effet, il convient de relever en premier lieu que la limitation du nombre des stations-service et l’interdiction d’ériger une station-service supplémentaire au-delà du quota de neuf stations-service n’interdit pas l’exercice de la profession de pompiste sur le territoire communal, mais vise à limiter le nombre de stations-service sur le territoire communal sur base de considérations urbanistiques.

En effet, il appartient au pouvoir communal de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment du point de vue de la propreté, de la sûreté et de la tranquillité dans les rues, lieux et voies publics. Or, c’est précisément dans ce contexte qu’il convient de situer la délibération incriminée du conseil communal de Remerschen ayant limité au niveau du territoire communal le nombre de stations-service à neuf, délibération qui se justifie amplement pour des raisons ayant trait à la qualité de vie des habitants de la commune, étant donné qu’une localité comme Remerschen, située aux abords des frontières française et allemande risquerait de voir une implantation d’un nombre de stations-service hors proportion avec le nombre d’habitants de la commune avec tous les inconvénients en résultant.

Il s’ensuit que la modification de l’article 4 c) du PAG ne se heurte ni à l’article 11 de la Constitution, ni aux principes d’égalité devant la loi et de proportionnalité de l’action administrative, mais se justifie par rapport au but poursuivi consistant à éviter les inconvénients liés à un trafic routier accru.

Comme l’article 4 c) du PAG n’interdit pas purement l’exploitation de stations-

service, mais se borne à en limiter le nombre pour des considérations d’intérêt public, c’est encore à tort que la partie demanderesse soutient que ledit article se heurterait au règlement grand-ducal du 10 avril 1997, précité, en l’absence de dispositions contraires y figurant.

Pour le surplus, ladite limitation du nombre des stations-service n’est pas non plus contraire à la fonction d’un plan d’aménagement général et aux buts à poursuivre par pareil plan, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’impose à une autorité communale de devoir fixer dans un plan d’aménagement général l’aspect extérieur des stations-service à construire sur son territoire et ledit article 4 c), loin de figer une situation, permet à l’autorité communale compétente de faire librement son choix parmi les divers projets des candidats intéressés, dans la limite des places disponibles, et ceci au vu des dossiers de demande d’autorisation de construire respectifs.

La partie L. estime finalement, à supposer la modification de l’article 4 c) du PAG légale, que rien ne se serait opposé à l’octroi d’une autorisation de construire une station-

service à son profit, suite à sa demande introduite en date du 13 décembre 2000, étant donné qu’aucune demande en obtention d’un permis de construire une station-service n’aurait été pendante à ladite date, ni à une date postérieure de 3 mois à partir du prononcé du jugement du 7 février 2002. Dès lors, le silence gardé par l’administration communale dans une première phase et la décision de refus explicite attaquée seraient dictés « par des motifs et en vue d’un but autres que ceux dont la commune peut se prévaloir légalement » et le refus opposé ne pourrait avoir comme seul but que de permettre à la société E. d’obtenir le permis de construire. Pour le surplus, la commune, en sa double qualité d’autorité administrative appelée à délivrer des permis de construire et de propriétaire du terrain visé par la demande d’autorisation de construire de la société E., s’arrogerait des droits que par la même occasion elle refuse de manière illégale aux autres administrés. Partant, on se trouverait en présence d’une rupture manifeste du principe de l’égalité des parties devant la loi, étant donné qu’il n’y aurait aucune raison objective, conforme à l’intérêt général, permettant de justifier l’exploitation d’une station-service sur un terrain de la commune et l’interdiction d’un tel établissement commercial sur un terrain avoisinant et appartenant à un propriétaire privé.

Il s’en suivrait que le détournement de pouvoir commis par la commune à son propre profit serait manifeste et que la décision attaquée devrait encourir l’annulation.

L’administration communale de Remerschen rétorque sur ce point que la demande présentée par la société E. aurait été introduite le 28 août 2000, qu’elle aurait été rencontrée en date du 14 novembre 2000 par une autorisation de principe de la part de la commune, sous réserve de respecter les dispositions du plan d’aménagement particulier de la zone d’activités économiques « Schengerwis » et sous la condition d’obtenir toutes les autorisations ministérielles requises pour la construction et l’implantation de pareil établissement. Etant donné que lesdites autorisations auraient été obtenues par la société E., une autorisation formelle de la part de la commune aurait pu être délivrée en date du 10 janvier 2003. Or, la demande de la société L. n’aurait été déposée qu’en date du 13 décembre 2000, après la modification de l’article 4 c) du PAG intervenue en date du 16 novembre 2000, de sorte qu’il n’y aurait aucunement un détournement de pouvoir au niveau communal, mais simplement une application conforme des textes réglementaires applicables au moment de la présentation de la demande en autorisation de construire par la partie demanderesse.

La société L. fait répliquer que ni le PAG, ni le règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen n’attacheraient une quelconque signification juridique à une autorisation de principe et la sollicitation de pareille autorisation de principe ne constituerait qu’une simple faculté pour l’administré. Comme le règlement sur les bâtisses ne conférerait aucun droit à un administré suite à l’obtention de pareille autorisation, l’administration ne serait tenue à aucune obligation concernant les suites à réserver à une autorisation de principe. Partant, l’autorisation de principe du 14 novembre 2000 n’aurait pu faire naître un droit dans le chef de la société E., d’autant plus que la demande d’autorisation présentée par ladite société en date du 28 août 2000 était incomplète voire irrégulière, à défaut de contenir les plans de construction définitifs. A cela s’ajouterait que d’après l’article 60 (7) du règlement sur les bâtisses de la commune de Remerschen, la durée de validité des autorisations de construire serait limitée à un an, de sorte que l’autorisation de principe accordée à la société E. en date du 14 novembre 2000 serait devenue caduque le 14 novembre 2001.

Concernant le bien-fondé du refus de délivrance d’une autorisation de construire au profit de la demanderesse et la prétendue rupture manifeste de l’égalité des parties devant la loi voire le prétendu détournement du pouvoir commis par la commune de Remerschen en ce qu’elle a accordée l’autorisation de construire à la société E., il échet de constater que la société E. a introduit une première demande d’autorisation de bâtir une station-service dans la zone d’activités « Schengerwis » à Remerschen en date du 28 août 2000, demande d’autorisation qui fut rencontrée par une autorisation de principe du 14 novembre 2000, déjà précédée par un contrat de concession d’un droit de superficie pour l’exploitation d’un point de vente de carburant pour véhicules automoteurs conclu entre l’administration communale de Remerschen et la société E. en date du 17 mai 1999.

Ladite autorisation de principe du 14 novembre 2000 précisait pour le surplus que la société E. devrait obtenir toutes les autorisations requises pour la construction et l’implantation d’une station-service et que l’autorisation à bâtir définitive ne pourrait être établie qu’après production des plans de construction définitifs en double exemplaire.

Après obtention des autorisations d’exploitation afférentes du ministère de l’Environnement en date du 30 septembre 2002 et du ministère du Travail et de l’Emploi en date du 25 octobre 2002, le collège échevinal suivant décision du 10 janvier 2003, a accueilli favorablement la demande d’autorisation définitive du 14 février 2002 présentée par la société E..

Une autorisation de construire, comme toute autre décision administrative intervient d’abord et essentiellement dans l’intérêt de son destinataire direct, sans pour autant devoir heurter l’intérêt général. Si elle heurtait l’intérêt général, elle constituerait un détournement de pouvoir (cf. trib. adm. 16 février 1998, n° 9849 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Recours en annulation, n° 6).

Le détournement de pouvoir consiste dans l’utilisation d’une compétence du pouvoir communal dans un but autre que celui pour lequel elle est conférée, ce qui amène le juge administratif à examiner si le mobile véritable de l’administration correspond à celui qu’elle a exprimé, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits par lui incriminés (cf. trib. adm. 8 octobre 2001, n° 13445 du rôle, confirmé par Cour adm. 7 mai 2002, n° 14197C du rôle, Pas. adm. 2003, V° Recours en annulation, n° 4).

Or, s’il est exact qu’en l’espèce, le courrier du 14 novembre 2000 à l’adresse de la société E. ne vaut pas autorisation de construire et que ladite autorisation n’a été accordée qu’en date du 10 janvier 2003, il ressort cependant des pièces du dossier que le projet de la société E. visant à implanter une station-service sur le territoire de la commune de Remerschen remonte à la première moitié de l’année 1999 et que ce projet a été avisé favorablement par les autorités communales en date du 14 novembre 2000, à condition que la société E. obtienne toutes les autorisations requises pour la construction et l’implantation de pareille station-service.

Partant, la demande de la société E. n’était pas postérieure à la demande de la société L., étant donné que le projet de la société E. se trouvait déjà à un stade avancé au moment de l’introduction de la demande en autorisation de la société L. en date du 13 décembre 2000, même si la demande en obtention d’une autorisation de construire définitive de la société E. n’a été introduite qu’en date du 14 février 2002.

Au vu de la chronologie des faits ci-avant relatés, la partie demanderesse n’a pas rapporté la preuve que la décision des autorités communales d’accorder une autorisation de construire à la société E. au détriment de la demande de la société L. procède d’un détournement de pouvoir, respectivement serait contraire à l’intérêt général, la simple constatation que ladite station-service a été autorisée sur un terrain appartenant à la commune étant à elle-seule insuffisant à cet égard.

Il en est de même de la prétendue violation du principe de l’égalité devant la loi qui, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extra-patrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Lois et règlements, n° 2, et autres références y citées) – Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm.

2003, V° Lois et règlements, n° 2 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que l’autorisation de bâtir accordée à la société E. vise un projet remontant à 1999, rencontré favorablement par un premier courrier des autorités communales du 14 novembre 2000 et ayant obtenu avant l’octroi de l’autorisation de construire du 10 janvier 2003 toutes les autorisations ministérielles requises en la matière, tandis que la demande d’autorisation de la société L. n’a été introduite qu’en date du 13 décembre 2000, après que les autorités communales eurent limité le quota des stations-service à neuf.

Dans ces conditions, c’est à tort que la partie L. soutient qu’elle se trouverait dans une même situation de fait et de droit que la société E., au vu notamment de l’état d’avancement des deux projets respectifs et de la nouvelle situation réglementaire créée par la modification de l’article 4 c) du PAG en date du 16 novembre 2000.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.500,- € présentée par la partie demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné qu’elle a succombé dans ses moyens et arguments.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.500,- € formulée par l’administration communale de Remerschen est également à rejeter comme n’étant pas fondée, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non justifié et en déboute ;

rejette les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Schroeder, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 2 février 2004, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Campill 12


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16191
Date de la décision : 02/02/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-02-02;16191 ?

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