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29/01/2004 | LUXEMBOURG | N°16494

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2004, 16494


Tribunal administratif N° 16494 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2003 Audience publique du 29 janvier 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame …, Luxembourg contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg en matière de police des étrangers et naturalisation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16494 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2003 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur â

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Tribunal administratif N° 16494 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2003 Audience publique du 29 janvier 2004 Recours formé par Monsieur … et Madame …, Luxembourg contre une décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg en matière de police des étrangers et naturalisation

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 16494 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juin 2003 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et Madame …, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg du 30 septembre 2003, par laquelle celui-ci a décidé de ne pas soumettre la demande de naturalisation des demandeurs au conseil communal ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch/Alzette, du 4 juin 2003, par lequel la requête a été signifiée à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Monique WIRION, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Monique WIRION, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2003, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie à l’avocat constitué des demandeurs en date du 17 octobre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision communale attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER et Monique WIRION en leurs plaidoiries respectives.

Le 2 avril 2001, M. … et Mme … adressèrent au Ministre de la Justice une demande tendant à l’octroi de la nationalité luxembourgeoise par naturalisation.

En date du 30 septembre 2002, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg leur adressa un courrier dont la teneur est la suivante :

« En date du 2 avril 2001 vous aviez adressé à Monsieur le Ministre de la Justice une demande tendant à solliciter l’octroi de la nationalité luxembourgeoise.

Comme au vœu de la loi sur la nationalité le Ministre de la Justice doit entendre le conseil communal de votre dernière résidence dans son avis, votre dossier doit être analysé lors d’une réunion du conseil communal.

Etant donné qu’il résulte des informations lui fournies qu’à ce moment vous n’avez pas encore appris la langue luxembourgeoise, le collège des bourgmestre et échevins a décidé de ne pas soumettre à ce stade votre demande au conseil communal pour vous permettre de vous familiariser avec la langue du pays dont vous souhaitez acquérir la nationalité. En effet la connaissance du luxembourgeois constitue un critère d’assimilation important pour vous faciliter la vie quotidienne dans notre pays.

Vous trouverez en annexe une liste d’écoles de langues à Luxembourg-Ville offrant des cours de langue luxembourgeoise.

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée ».

Contre cette décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 30 septembre 2002, les demandeurs ont fait introduire un recours en annulation suivant requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2003.

En substance, les demandeurs estiment que la décision déférée encourt l’annulation pour défaut de compétence au motif qu’aucune disposition de la loi sur la nationalité luxembourgeoise ne conférerait au collège échevinal une compétence quelconque pour décider de la transmission d’une demande de naturalisation au conseil communal. En ordre subsidiaire, ils concluent à l’illégalité de la décision déférée au motif qu’elle érigerait la connaissance de la langue luxembourgeoise en une condition de la transmission de la demande de naturalisation au conseil communal d’abord, et ensuite à la chambre des Députés.

Quant à la recevabilité du recours L’administration communale de la Ville de Luxembourg se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en la pure forme.

Elle conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours pour absence d’intérêt à agir voire de grief dans le chef des demandeurs en faisant valoir que la « réponse » fournie par le collège des bourgmestre et échevins de ne pas soumettre le dossier pour avis au conseil communal ne serait pas une décision de nature à faire grief. Elle soutient que le conseil communal n’aurait aucun pouvoir décisionnel en la matière en faisant valoir que d’après l’article 22 de la loi modifiée du 22 février 1968 sur la nationalité luxembourgeoise seul l’avis du conseil communal serait prévu, la décision d’octroi ou de refus de la nationalité luxembourgeoise appartenant à la chambre des Députés. Ainsi, l’absence de l’avis du conseil communal ou un avis négatif du conseil communal n’empêcherait pas la chambre des Députés de prendre une décision.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui émet une réclamation. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. Pour être susceptible de faire l’objet d’un recours, la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief (cf. trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2003, V° Actes administratifs, I. Décisions susceptibles d’un recours, n° 3, p. 14 et autres références y citées).

C’est à tort que la défenderesse qualifie la réponse du collège des bourgmestre et échevins comme ne constituant pas une décision administrative de nature à faire grief. En effet, la prise de position du collège échevinal de ne pas transmettre le dossier au conseil communal, le dossier ne lui paraissant pas complet, tranche un ensemble d’éléments de fait et de droit et revêt dès lors un caractère décisionnel.

La défenderesse dénie encore aux demandeurs tout intérêt à demander l’annulation de la décision critiquée.

Ce moyen d’irrecevabilité est à écarter. En effet, face au refus de transmettre le dossier, l’attitude négative du collège constitue encore une réponse finale et partant un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques qui affectent la situation personnelle des demandeurs et non pas une simple inaction n’engageant à rien, étant donné que les demandeurs sont clairement confrontés à une attitude qui ne leur donne pas satisfaction et qui les maintient partant dans une insécurité juridique quant à leur situation administrative, en l’espèce, la suite réservée à leur demande de naturalisation. Les demandeurs ont partant un intérêt à voir vérifier la légalité de la décision du 30 septembre 2002.

Il se dégage de ce qui précède que le refus de transmettre le dossier est à qualifier de décision administrative contre laquelle un recours peut être dirigé devant les juridictions administratives et que les demandeurs ont intérêt à agir à l’encontre de ladite décision et les moyens d’irrecevabilité soulevés par la partie défenderesse sont à écarter.

Aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoyant un recours en réformation en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation, lequel, ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, est à déclarer recevable.

Quant au fond En premier lieu, les demandeurs concluent à l’annulation de la décision du collège des bourgmestre et échevins du 30 septembre 2002 pour avoir été prise en violation des règles de compétence.

En effet, les demandeurs soutiennent qu’aucune disposition de la loi sur la nationalité luxembourgeoise ne conférerait au collège des bourgmestre et échevins une compétence quelconque pour décider de transmettre ou de ne pas transmettre la demande de naturalisation au collège communal.

La défenderesse réplique en soutenant que le collège serait compétent pour décider de refuser de transmettre le dossier sur base de l’article 57, 3 de la loi communale du 13 décembre 1988, qui prévoit que « le collège des bourgmestre et échevins est chargé de « l’instruction des affaires à soumettre au conseil communal ainsi que de l’ordre du jour des réunions du conseil communal ».

La disposition précitée attribue compétence au collège échevinal pour instruire les dossiers qui sont transmis au conseil communal, elle ne lui donne toutefois aucune compétence en la matière pour décider de l’opportunité de transmission des dossiers. En d’autres termes, s’il est vrai que le collège échevinal aurait pu, dans le cadre de son pouvoir d’instruction, informer les demandeurs d’un éventuel défaut de pièces et les inviter, soit à compléter le dossier, soit à lui faire savoir s’ils entendaient le voir continuer en l’état, et en attendant, tenir leur dossier en suspens, il n’en reste pas moins que le collège ne peut pas, comme en l’espèce, décider de ne pas transmettre le dossier, ce faisant il a outrepassé ses pouvoirs d’instruction et a pris une décision quant au fond, mettant un point final à la procédure. Il s’est ainsi arrogé un droit non prévu par les textes légaux applicables en décidant du sort à réserver à la demande de naturalisation, pouvoir qui n’appartient qu’à la chambre des Députés.

Il s’ensuit que le collège des bourgmestre et échevins a pris une décision qui n’est pas de sa compétence de sorte que la décision communale déférée encourt l’annulation.

L’annulation de la décision déférée s’imposant au regard du premier moyen soulevé, il n’y a pas lieu à analyser l’autre moyen proposé par les demandeurs, cet examen devenant surabondant.

Quant à l’indemnité de procédure La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 750.- euros demandée par les demandeurs est à rejeter, les conditions de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare fondé ;

partant annule la décision déférée du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg du 30 septembre 2002 et lui renvoie le dossier en prosécution de cause ;

déboute les demandeurs de leur demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 janvier 2004 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16494
Date de la décision : 29/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-29;16494 ?

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