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26/01/2004 | LUXEMBOURG | N°17352

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2004, 17352


Tribunal administratif N° 17352 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17352 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2003 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur …, né le … (Mali), de nationalité malienne, demeurant actuellement à … , tenda...

Tribunal administratif N° 17352 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 décembre 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17352 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2003 par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Mali), de nationalité malienne, demeurant actuellement à … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 septembre 2003, notifiée en date du 23 septembre 2003, déclarant sa demande en obtention du statut de réfugié manifestement infondée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique CLEMENT, en remplacement de Maître Barbara NAJDI, en ses plaidoiries à l’audience publique du 21 janvier 2004.

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Le 24 mars 2003, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut entendu en date du 30 juin 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande.

Par décision datant du 23 septembre 2003, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif qu’il ne ferait valoir aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons prévues par la Convention de Genève.

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 20 octobre 2003 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice prit une décision confirmative le 26 novembre 2003.

Le 22 novembre 2003, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation et subsidiairement en annulation contre la décision ministérielle du 23 septembre 2003.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, quoique valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance du demandeur, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse dans le délai légal. Nonobstant ce fait, le tribunal statue néanmoins contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Bien que le demandeur ne se trouve pas confronté à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les mérites des différents moyens soulevés (Trib. adm. 2 mai 2002, n° 13912 du rôle, Pas.adm.

2003, V° Procédure contentieuse, n° 348).

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision litigieuse.

Le recours en annulation, prévu explicitement par le prédit article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996, est recevable dans la mesure où il émane du destinataire direct de l’acte litigieux et qu’il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose être originaire du Mali et avoir fui son pays au courant du mois de mars 2003 en raison de sa situation précaire personnelle et de menaces de mort du propriétaire d’un troupeau de vaches dont il aurait eu la garde et qu’il aurait perdu.

Il précise que des menaces de mort proférées à l’encontre d’un gardien de troupeau malhabile relèveraient des coutumes locales.

L’Etat, dans la décision déférée, estime que le demandeur n’aurait fait état d’aucune crainte raisonnable de persécution correspondant à l’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève.

Il estime en particulier que les motifs avancés par le demandeur ne peuvent pas être considérés comme persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus qu’un propriétaire de troupeau de vaches ne saurait être considéré comme agent de persécution au sens de cette même Convention.

Il relève enfin que non seulement le Mali, pays d’origine allégué du demandeur, est un pays démocratique et sûr, mais encore que l’origine malienne du demandeur est sujette à doutes.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, les menaces émanant du propriétaire de bétail dont le demandeur aurait perdu le troupeau, à les supposer établies, tirent leur origine d’une relation exclusivement privée, et plus particulièrement d’un fait que l’on peut qualifier de violation d’une obligation contractuelle dans le chef du demandeur. Il en résulte que le demandeur ne fait pas l’objet de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

Force est par ailleurs de constater que le mandataire du demandeur lui-même dans son recours gracieux daté du 20 octobre 2003 relève que le demandeur n’est « pas persécuté au sens de la convention ».

Il se dégage de surcroît de ce recours gracieux que l’objectif réel du demandeur, privé de ressources du fait de ses problèmes avec son employeur, est de trouver de meilleures conditions de vie à l’étranger, et en particulier au Luxembourg.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, telles qu’en l’espèce l’espoir de jouir de meilleures conditions de vie, ne constituent non plus un motif d’obtention du statut de réfugié.

C’est partant à juste titre que le ministre de la Justice a déclaré la demande d’asile sous analyse comme étant manifestement infondée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours formé par le demandeur est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17352
Date de la décision : 26/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-26;17352 ?

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