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26/01/2004 | LUXEMBOURG | N°16948

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2004, 16948


Numéro 16948 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision des ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16948 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2003 par Maî

tre Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg...

Numéro 16948 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 septembre 2003 Audience publique du 26 janvier 2004 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision des ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16948 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 septembre 2003 par Maître Pascal PEUVREL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … , et de son épouse, Madame …, née le … , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … …, née le .. , … …, né le … et … …, né le … , tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant à l’annulation d’une décision conjointe des ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi portant rejet de leur demande en obtention d’une autorisation de séjour formulée dans le cadre de la procédure de régularisation de certaines catégories d’étrangers séjournant irrégulièrement au pays ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH en remplacement de Maître Pascal PEUVREL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2004.

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En date du 13 juillet 2001, Monsieur … et son épouse, Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, … et …, introduisirent auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, en cochant la case D du formulaire afférent par laquelle ils déclarent résider au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et que leur enfant … est atteint d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner, endéans un an, dans leur pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.

Par décision du 30 décembre 2002 leur notifiée le 9 janvier 2003, cosignée par les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice, cette demande des consorts … fut rejetée au motifs énoncés comme suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 13 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour est également à rejeter au regard des critères applicables en matière de régularisation.

En effet, il ressort des pièces accompagnant votre demande introduite sur base de la catégorie D que vous ne remplissez pas les conditions prévues pour cette catégorie qui est libellée comme suit : « Je réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 1er janvier 2000 au moins et je suis atteint(e) d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne me permettant pas de retourner, endéans un an, dans mon pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel je suis autorisé(e) à séjourner ». » Le recours gracieux formé par les consorts … suivant courrier de leur mandataire du 27 mars 2003 s’étant soldé par une décision confirmative émanant du ministre de la Justice du 2 juin 2003, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle initiale du 30 décembre 2002 par requête déposée le 2 septembre 2003.

Dans la mesure où ni la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que dans le cadre de leur recours gracieux, ils avaient versé une nouvelle pièce, en l’occurrence un certificat médical établi par le docteur X, médecin spécialiste en neurologie, pour documenter l’état de santé déficient de leur fils … et soutenir que le ministre de la Justice, en ce qu’il a eu connaissance de cette pièce, aurait commis une erreur d’appréciation manifeste devant entraîner l’annulation de la décision litigieuse. Ils font valoir en outre que si l’administration, dans le cadre de l’instruction de leur recours gracieux, avait soumis le certificat médical établi par le docteur X à l’appréciation d’un médecin de contrôle des organismes de sécurité sociale, ce contrôle revêtirait néanmoins un caractère purement unilatéral et ne saurait dès lors leur être opposé, étant donné que ni l’enfant …, ni ses parents n’auraient été convoqués audit contrôle et n’auraient dès lors pas eu la possibilité de faire valoir leurs moyens. A titre subsidiaire, afin de déterminer de manière contradictoire le caractère pertinent du certificat médical versé au dossier, les demandeurs sollicitent l’intervention d’un expert médical avec la mission de s’exprimer dans un rapport détaillé et motivé sur la gravité de la maladie dont l’enfant est atteint, l’intensité des soins que cette maladie occasionne, ainsi que l’évolution de l’état de santé de l’enfant en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement se réfère à la conclusion du médecin de contrôle de la sécurité sociale qui, en date du 16 août 2001, a retenu que l’enfant « n’est pas atteint d’une affection d’une gravité telle que le retour au pays d’origine soit impossible ». Sans vouloir minimiser les problèmes de santé de l’enfant concerné, le représentant étatique estime que les crises d’épilepsie de l’enfant qui sont traitées par la voie médicamenteuse ne pourraient pas être qualifiées comme présentant les caractéristiques d’une maladie d’une gravité exceptionnelle s’opposant à un retour au Monténégro, ceci d’autant plus que les requérants ne prouveraient pas une impossibilité pour l’enfant de rentrer dans son pays, mais se limiteraient à exprimer leur crainte que le suivi médical nécessaire ne puisse pas être assuré dans leur pays d’origine. Dans la mesure où cette préoccupation ne saurait toutefois suffire à justifier une annulation de la décision litigieuse, il estime que l’erreur d’appréciation manifeste alléguée en l’espèce ne serait pas établie à suffisance de droit et de fait. Concernant l’intervention sollicitée d’un expert médical, le délégué du Gouvernement conclut au rejet de la demande afférente au motif que ni la maladie en tant que telle, ni la nécessité d’un traitement médicamenteux dans le chef de l’enfant concerné ne seraient contestés et que le Monténégro ne serait pas un pays où une infrastructure médicale ferait défaut et où il serait impossible de se procurer des médicaments, de sorte que l’expertise médicale sollicitée ne serait d’aucune utilité.

Le délégué du Gouvernement relève pour le surplus que la décision de refus litigieuse est motivée en premier lieu par le défaut de moyens d’existence suffisants et que les demandeurs n’établiraient pas qu’ils sont en possession de tels moyens, de sorte que la décision de refus litigieuse ne saurait prêter à critique à cet égard, l’appréciation du ministre quant à la possibilité de délivrer une autorisation ne relevant pas, à son avis, de la compétence du juge de l’annulation.

Il est constant que la demande des consorts … a été analysée tout d’abord au regard des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée qui dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

S’il ne se dégage en l’espèce certes ni des éléments du dossier ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les demandeurs étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire à s’adonner à une activité indépendante et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, il n’en demeure pas moins que l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée accorde au ministre seulement la possibilité de refuser l’entrée et le séjour à un étranger dépourvu de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour et que la possibilité ainsi énoncée constitue une faculté de refus par le ministre (cf. Cour adm. 20 mai 2003, n° 16042C du rôle, non encore publié).

Il se dégage encore des pièces versées au dossier que le Gouvernement, dont le ministre de la Justice seul compétent d’après la loi en matière d’entrée et de séjour des étrangers, a élaboré des lignes de conduites en matière d’octroi d’une autorisation de séjour à certaines catégories d’étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre d’une campagne dite de régularisation et qu’il s’est proposé plus particulièrement à admettre au bénéfice de cette régularisation les personnes qui résident au pays depuis le 1er janvier 2000 au moins et qui sont atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner endéans un an dans leur pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel elles sont autorisées à séjourner. Au vu notamment de l’envergure de la publicité conférée aux critères de régularisation à travers l’établissement d’une brochure et de formulaires afférents destinés aux personnes intéressées, il y a lieu de retenir que le ministre n’a pas pu valablement justifier la décision litigieuse dans son résultat par la seule référence à la faculté de refus lui accordée par les dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Il y a dès lors lieu d’analyser le motif, à la base de la décision litigieuse, ayant amené le ministre à ne pas reconnaître l’existence, dans le chef de l’enfant …, d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne permettant pas son retour endéans un an au Monténégro ou dans un autre pays dans lequel il serait autorisé à séjourner.

Dans la mesure où ni l’existence, ni la nature de la maladie, ni encore la nécessité d’un traitement médicamenteux ne sont contestés en cause, le délégué du Gouvernement étant en accord pour admettre que l’enfant … est atteint d’épilepsie, seule la question de l’appréciation du caractère de gravité exceptionnelle avec comme corollaire un empêchement éventuel au retour au pays d’origine des demandeurs, reste litigieuse.

A cet égard, force est de relever que le certificat médical auquel se réfèrent les demandeurs émanant du docteur X et datant du 13 janvier 2003 n’est point parlant, étant donné qu’au-delà de renseigner sur la nature de la maladie dont est atteint l’enfant …, il ne comporte aucune indication susceptible de conclure à l’existence d’un empêchement au retour de cet enfant dans son pays d’origine, ceci tant au regard de l’incidence directe du voyage à effectuer que du suivi médical nécessaire dans les années à venir.

Il se dégage d’un autre côté que dans le cadre de l’instruction du dossier des demandeurs, le ministre a sollicité l’avis d’un médecin qui, en date du 16 août 2001, est arrivé à la conclusion que l’enfant … n’est pas atteint d’une affection d’une gravité telle que le retour au pays d’origine est impossible, de sorte qu’en l’absence de tout élément tangible susceptible d’énerver cette conclusion, le recours en annulation laisse d’être fondé sans qu’il y ait lieu d’ordonner l’intervention d’un expert médical.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2004 par :

Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 16948
Date de la décision : 26/01/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2004-01-26;16948 ?

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